Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015 et, d'autre part, de lui octroyer le bénéfice du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 2103717/2-3 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, déchargé, en droits et pénalités les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels M. A... a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rétablir l'imposition en litige pour les années 2013, 2014 et 2015 ;
3°) de réformer en ce sens le jugement attaqué.
Il soutient que :
- pour l'année 2015, la procédure suivie était un contrôle sur pièces de sorte que la faculté de recours hiérarchique mentionnée dans la charte du contribuable vérifié n'est pas prévue ;
- pour l'ensemble des années, M. A... n'a pas été privé d'une garantie substantielle ; il existe un doute sur la réalité de la demande du contribuable ; il n'y avait pas de désaccord subsistant ;
- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il se réfère aux écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Rousseau-Baert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens du ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laforêt, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2013, 2014 et 2015 résultant de la réintégration, dans ses revenus de revenus réputés distribués par les Sarl Mjl, Socalaine et Servart, dont il est associé et gérant, sur le fondement des 1° et 2° du I de l'article 109 du code général des impôts. M. A... a demandé la décharge, en droits et pénalités, de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour l'annulation de l'article 1er du jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a prononcé les décharges des impositions.
Sur les impositions :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / (...) L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. (...) ". L'article L. 10 du même livre dispose : " (...) Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". La charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version applicable en l'espèce, prévoit que : " En cas de désaccord avec le vérificateur, vous pouvez saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. (...) Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur (...) ". Elle précise qu'en cas de désaccord avec le vérificateur, le contribuable peut saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal. Elle énonce, à cet égard : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal ". Elle énonce ensuite : " Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ".
3. D'une part, à la date de la procédure d'imposition, la garantie de procédure tenant à la faculté pour le contribuable de former un recours hiérarchique, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peut être invoquée que dans le cadre d'un litige consécutif aux procédures de vérification de comptabilité et d'examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle prévues aux articles L. 12 et L. 13 de ce livre.
4. D'autre part, la possibilité pour le contribuable de s'adresser, dans les conditions précisées par les passages précédemment cités de la charte, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure de rectification, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification ou la notification des bases d'imposition d'office pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle et, en second lieu, pour les contribuables faisant l'objet d'une procédure de rectification contradictoire, après la réponse faite par l'administration fiscale à leurs observations sur la proposition de rectification en cas de persistance d'un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces pour l'année 2015. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié pour cette année. Dans ces conditions, le moyen tiré de la privation de la garantie de pouvoir exercer un recours hiérarchique ne peut qu'être écarté pour cette année.
6. En deuxième lieu, pour les impositions des années 2013 et 2014 M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle de sorte qu'il peut utilement se prévaloir de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié pour ces deux années.
7. Il résulte de l'instruction que M. A... a reçu une proposition de rectification le 12 décembre 2016 pour l'année 2013 et une proposition de rectification le 17 mai 2017 pour l'année 2014. Il a présenté des observations le 10 février 2017 pour l'année 2013 et le 13 juillet 2017 pour l'année 2014. Il a reçu les réponses à ses observations le 24 mars 2017 pour l'année 2013 et le 25 juillet 2017 pour l'année 2014. M. A..., a fait présenter par son conseil une demande de recours hiérarchique le 26 avril 2017 pour l'année 2013. Par un courrier du 24 août 2017, reçu le 25, l'avocat s'est désisté de cette demande.
8. Toutefois par un courrier du 30 août 2017, reçu le 4 septembre 2017, M. A... a directement demandé le bénéfice d'un recours hiérarchique pour les années 2013, 2014 et 2015. Il résulte des termes du courrier du 30 août 2017 que M. A... demande expressément à l'inspectrice en charge de son dossier de " rencontrer votre hiérarchie ". Ce courrier a été envoyé avec un accusé réception qui porte la mention manuscrite " ESFP saisine hiérarchie ". Le ministre se borne à faire valoir que l'administration n'a pas trouvé trace de ce courrier et qu'il existe un doute sur son contenu. Cependant, le requérant produit l'avis de réception d'un courrier adressé au centre des finances publiques du 16ème arrondissement de Paris le 4 septembre 2017. Si le ministre fait valoir que le courrier aurait dû être adressé à la brigade de vérification, il est constant que la réponse aux observations du contribuable émane de ce même centre des finances publiques. Si, lors de son recours contre la mise en recouvrement, M. A... n'a pas mentionné précisément ce courrier il a indiqué que sa demande de rencontrer la hiérarchie de la vérificatrice était restée sans suite. La circonstance, au demeurant contredite par M. A..., qu'il aurait fait l'objet de condamnation pour fraude fiscale, n'est pas de nature à remettre en cause la validité de sa demande. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que M. A... n'a pas transmis une demande de saisine hiérarchique en application de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
9. D'une part, il résulte de l'instruction que par lettre du 2 août 2018, M. A... a été informé, à la suite d'un nouvel examen de la vérification de comptabilité de la société Soclaine, d'une diminution des revenus de capitaux mobiliers trouvant son origine dans cette vérification de comptabilité pour les années 2014 et 2015 et par conséquent une diminution des revenus imposables pour ces années. Or, M. A... n'a formulé aucune observation à la suite de ce courrier de sorte que le ministre est fondé à soutenir que M. A... n'a été privé d'aucune garantie substantielle, pour l'année 2014, en l'absence de nouvelle demande de saisine du supérieur hiérarchique après cette lettre du 2 août 2018, manifestant l'absence de la persistance d'un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées.
10. D'autre part, il ressort des termes de la même lettre du 2 août 2018 que le revenu imposable de l'année 2013 demeurait inchangé et que d'ailleurs l'imposition pour cette année a été mise en recouvrement le 31 décembre 2017. Par suite cette lettre n'est pas de nature à remettre en cause la persistance d'un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées pour l'année 2013.
11. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. A... de saisine du supérieur hiérarchique pour l'année 2013 a été présentée après la réponse aux observations du contribuable et avant la mise en recouvrement et était, par suite, recevable. L'administration ne pouvait, sans méconnaître les énonciations de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, refuser d'y faire droit. Il en résulte que M. A... a ainsi été privé d'une garantie substantielle, et que les impositions pour la seule année 2013 ont été établies à la suite d'une procédure irrégulière.
12. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la privation de la garantie de pouvoir exercer un recours hiérarchique pour décharger l'imposition au titre des années 2014 et 2015. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. A... concernant les années 2014 et 2015 :
13. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 12 décembre 2016 sur les revenus de 2013 ne concerne pas les revenus pour les années 2014 et 2015 et est, par suite, inopérant pour les impositions encore en litige.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
15. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.
16. D'une part, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de communication exercé auprès du cabinet d'assurance Allianz, garanti par les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ne concerne pas les revenus pour l'année 2015 et est, par suite, inopérant pour cette imposition. D'autre part, pour l'année 2014, il ne résulte pas de l'instruction et en particulier de la proposition de rectification du 17 mai 2017 que les éléments obtenus dans l'exercice du droit de communication aient été utilisés pour fonder l'imposition, l'administration se fondant sur les vérifications de comptabilité des sociétés Sevart et Soclaine. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues.
17. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a été imposé pour les années 2014 et 2015 après réintégration, dans ses revenus de revenus réputés distribués par les sociétés Sevart et Soclaine, sur le fondement des 1° et 2° du I de l'article 109 du code général des impôts. En se bornant à indiquer que les taxations sont très excessives et qu'elles résultent d'une reconstitution des résultats de ces sociétés, M. A... n'apporte pas les précisions nécessaires pour remettre en cause le bien-fondé des impositions.
18. Il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des impositions de M. A... pour les années 2014 et 2015.
Sur les frais liés au litige :
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 avril 2023 est annulé en tant qu'il décharge M. A..., en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre est rejeté.
Article 3 : La demande de M. A... tendant à la décharge des impositions au titre des années 2014 et 2015 est rejetée.
Article 4 : Le conclusions de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Laforêt, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
E. Laforêt La présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01842