Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Air Nett a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période d'avril 2015 à mars 2018 pour un montant total de 275 343 euros.
Par un jugement n° 2008983 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 février 2024, la société Air Nett, représentée par Me Dimey et Me Cros, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période d'avril 2015 à mars 2018 pour un montant total, en droits et pénalités, de 275 343 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que le service a considéré à tort que la société avait tacitement accepté les impositions supplémentaires notifiées dans la proposition de rectification et l'a ainsi privée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue aux articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales ;
- en considérant que la location de locaux aux SCI Les Pierres Blanches et Roissy constitue un acte anormal de gestion, le jugement est entaché de dénaturation des faits et d'erreur de droit ; la société ayant justifié le paiement des loyers, il incombe à l'administration de prouver que ces dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, preuve non apportée en l'espèce contrairement à ce que retient le jugement ; c'est à tort que le jugement retient que l'activité de la société ne nécessitait pas un espace de stockage et de formation et que l'existence de la contrepartie que la société retire de la location des deux entrepôts n'est pas démontrée ;
- dès lors que la société a démontré la déductibilité des charges de loyers versés aux SCI Les Pierres Blanches et Roissy, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé le prix des loyers est déductible de ces mêmes charges en application du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 2 septembre 2024, a été produit pour la société Air Nett par Me Dimey et Me Cros et n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 7 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Breillon,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public
- et les observations de Me Cros, représentant la société Air Nett.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Air Nett qui exerce l'activité de nettoyage de cabines d'avions a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2018 à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause la déductibilité en charges de loyers d'un montant de 408 000 euros versé aux sociétés civiles immobilières (SCI) Les Pierres Blanches et Roissy pour la location de deux entrepôts, a procédé à leur réintégration aux résultats imposables de la société et a rejeté la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente auxdits loyers. Il en est résulté des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 mars 2016, 2017 et 2018 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période d'avril 2015 à mars 2018, notifiés selon la procédure de rectification contradictoire pour un montant total, en droits et pénalités, de 275 343 euros. Par la présente requête, la société Air Nett relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. " Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable dispose d'un délai de trente jours, qui, à l'instar de tous les délais de procédure, est un délai franc, pour faire connaître ses observations sur la proposition de rectification qui lui a été adressée par l'administration et que la durée de ce délai peut être portée à soixante jours à sa demande. Dans les cas où un délai franc expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
4. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 29 juillet 2019 a été notifiée le lendemain, 30 juillet, à la société Air Nett qui a sollicité la prorogation du délai de réponse de trente jours dès le 1er août 2019. Le service ayant fait droit à cette demande, la société disposait donc, pour faire connaître ses observations, d'un délai franc de soixante jours qui expirait le lundi 30 septembre suivant à minuit. Il résulte également de l'instruction que le courrier d'observations de la requérante en date du 30 septembre 2019, a été adressé par voie postale en courrier recommandé avec accusé de réception et a été réceptionné par l'administration fiscale le 1er octobre 2019, de sorte qu'il a nécessairement été envoyé le 30 septembre 2019, soit dans les délais impartis. Par suite, dès lors que la société a répondu dans le délai imparti, elle ne peut être regardée comme ayant tacitement accepté les impositions supplémentaires notifiées.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. "
6. Si, en réponse à la proposition de rectification, le contribuable présente des observations dans le délai prévu à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, l'administration est tenue de faire connaître à l'intéressé, au moyen d'un document appelé " réponse aux observations du contribuable " les points sur lesquels le désaccord subsiste afin de lui permettre de saisir, dans le délai mentionné aux articles L. 59 et R. 59-1 du même livre, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires avant la mise en recouvrement de l'imposition. En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration de mentionner, dans la proposition de rectification ou dans la réponse aux observations du contribuable, la possibilité qu'a celui-ci de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en cas de désaccord persistant.
7. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 18 octobre 2019 adressé à la société Air Nett, le service lui a indiqué, à tort, qu'elle était considérée comme ayant tacitement accepté les rehaussements compte tenu de sa réponse tardive à la proposition de rectification. Dès lors, ainsi que le soutient la requérante, cette mention a légitiment pu l'induire en erreur et la priver de la faculté, prévue à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. En outre, si après avoir clairement indiqué que la société était regardée comme ayant accepté les rehaussements notifiés, le service répond point par point aux observations formulées par la société dans son courrier du 30 septembre 2019, cette circonstance, contrairement à ce que relève le jugement attaqué, ne saurait ôter toute portée à l'affirmation claire et précise selon laquelle la société devait être regardée comme ayant accepté les rehaussements en cause. Enfin, la circonstance invoquée en défense selon laquelle la société était assistée d'un conseil fiscaliste n'est pas de nature à remettre en cause les conséquences de la mention erronée figurant dans le courrier précité du 18 octobre 2019. Par suite, la garantie attachée à la possibilité de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été méconnue, entachant ainsi la procédure de rectification d'irrégularité.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société Air Nett est fondée à demander la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période d'avril 2015 à mars 2018. Il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Air Nett d'une somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par elle, et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 21 décembre 2023 est annulé.
Article 2 : La société Air Nett est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période d'avril 2015 à mars 2018.
Article 3 : L'Etat versera à la société Air Nett la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air Nett et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 21 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- Mme Breillon, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.
La rapporteure,
A. BREILLONLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00859 2