Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.
Par un jugement n° 2004406 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur du dégrèvement de 8 233 euros prononcé par l'administration en cours d'instance et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, qui n'a pas été communiqué, enregistrés les 20 et 26 février 2024, Mme A..., représentée par Me Haddad, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe du débat contradictoire a été méconnu dès lors qu'elle n'a pu être représentée par un conseil devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- les dépenses libellées " échantillons ", les dépenses alimentaires, les dépenses culturelles, les dépenses de téléphone, les dépenses de bureau et de représentation, les dépenses de matériel multimédia et d'électroménager, les fournitures de bureau, les dépenses d'entretien et de réparation, les frais de réception, les dépenses de mobilier, les dépenses de matériel informatique, les frais de chauffage, eau, gaz et électricité, les primes d'assurance, les dépenses relatives aux prestations de services, les frais de transport et de déplacement, la taxe foncière et les dépenses d'amortissement sont des dépenses déductibles de taxe sur la valeur ajoutée et des charges déductibles du bénéfice.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Breillon,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Haddad, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui exerce à son domicile personnel l'activité de conseil en achats de textiles et d'accessoires sous la dénomination TLN Development, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des années 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur du dégrèvement de 8 233 euros prononcé par l'administration en cours d'instance et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article R. 60-2 du livre des procédures fiscales : " Devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...), le contribuable peut se faire assister par deux conseils de son choix ".
3. La requérante soutient qu'elle a été privée d'un débat contradictoire au motif qu'elle n'a pu être représentée par son conseil devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires au cours de sa séance du lundi 13 mai 2019 alors qu'elle en avait demandé le report en produisant un certificat médical attestant de l'hospitalisation de son conseil le vendredi qui précède. Toutefois, d'une part, aucun texte ni aucune règle applicable en l'absence de texte ne limite le pouvoir du président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de refuser de reporter, sur la demande du contribuable, la réunion de la commission à une date ultérieure. Le président de ladite commission pouvait donc régulièrement refuser la demande de report de la séance, qui au demeurant avait déjà été reportée au moins à une reprise à la demande de la contribuable. D'autre part, il ressort des termes mêmes de l'avis de la commission rendu le 13 mai 2019 que le conseil de la contribuable avait produit des observations écrites le 26 février 2019 dont il a été tenu compte en séance. Si la requérante soutient que l'oralité lors des débats en séance est une garantie du respect du principe contradictoire, aucune prescription n'impose que les observations présentées par le contribuable soient orales. Par conséquent, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure est entachée d'irrégularité au motif que le principe du débat contradictoire n'aurait pas été respecté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les rehaussements en matière de bénéfices non commerciaux :
4. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts, relatif à la détermination des bénéfices non-commerciaux : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) ". Quelle que soit la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il entend déduire de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession.
5. En premier lieu, Mme A... soutient que c'est à tort que le service a refusé d'admettre en déduction les dépenses qu'elle indique avoir engagées au titre d'achat d'échantillons utilisés dans le cadre de son activité professionnelle. Toutefois, elle se borne à produire à l'appui de ses écritures des échanges de courriels comportant des photographies de produits, des fiches techniques et un compte rendu de réunion, sans fournir de facture d'achat, ni justifier du lien entre l'achat des textiles, chaussures, articles de lingerie et de maroquinerie en cause et l'activité d'agent commercial en textile qu'elle exerce. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, le service ne se fonde pas sur l'absence de contrats écrits conclus avec ses fournisseurs et ses clients pour refuser la déduction des charges, mais relève que cette absence représente, parmi d'autres éléments, un élément constituant un faisceau d'indices permettant de remettre en cause la réalité ou la nécessité de la prestation facturée. C'est donc à juste titre que le service n'a admis, à titre de tempérament, qu'à hauteur de 35 % la déduction des dépenses relatives à des achats d'échantillons.
6. En deuxième lieu, si la requérante fait état de dépenses alimentaires, qui présenteraient le caractère de cadeaux et qui porteraient sur des montants modiques, aucun élément ne permet d'établir que de telles dépenses auraient été exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation. Elles ne sont donc pas déductibles.
7. En troisième lieu, Mme A... soutient qu'elle a exposé pour son activité des dépenses culturelles consistant en l'achat de mangas dans le cadre d'un projet incluant l'imagerie spécifique des mangas sur des textiles. Toutefois, elle n'établit pas que l'achat de mangas pour un montant de 1 043 euros et de romans jeunesse pour un montant de 148 euros présenterait un lien avec son activité professionnelle, alors que le service relève l'incohérence entre l'achat de mangas tout au long des années 2014 à 2016 et le caractère nécessairement ponctuel du projet en cause.
8. En quatrième lieu, Mme A... soutient qu'elle a besoin pour son activité professionnelle de deux téléphones portables en cas de surchauffe de batterie et d'un abonnement de téléphone fixe et que les dépenses afférentes sont donc déductibles. Il résulte de l'instruction que le service a admis en déduction les dépenses relatives à un téléphone portable et considéré que le second téléphone aurait dû faire l'objet d'une immobilisation compte tenu de son coût supérieur à 500 euros HT. S'agissant des abonnements téléphoniques des portables, le prorata d'usage professionnel a été porté de 50 à 90 % dans le cadre du recours hiérarchique. S'agissant de la ligne fixe, le service a retenu le prorata de 50 %. La requérante n'établit pas que l'administration aurait dû admettre en déduction ces dépenses pour des montants supérieurs à ceux déjà admis par le service.
9. En cinquième lieu, la requérante soutient que les dépenses d'entretien et de réparation de son local professionnel de 10 m² situé à son domicile, ainsi que de son salon et de son hall d'entrée utilisés par ses clients, sont déductibles. Toutefois, le service a admis les dépenses relatives à son local professionnel ainsi que la déductibilité à hauteur de 10 % des dépenses engagées pour la rénovation d'autres pièces de son habitation. En se prévalant de la modicité des dépenses, la requérante ne justifie pas de la déductibilité de celles-ci pour un montant supérieur à celui déjà admis par l'administration.
10. En sixième lieu, Mme A... n'établit pas l'utilisation professionnelle d'une seconde tablette. C'est donc à juste titre que le service a refusé la déductibilité de la dépense afférente à un tel équipement.
11. En septième lieu, s'agissant des prestations de services de son fournisseur GLB Studio, l'administration a admis la déductibilité de toutes les dépenses dans le cadre du dégrèvement accordé en cours de première instance, à l'exception de celles relatives à deux factures de 600 euros et 936 euros dont les paiements n'ont pas été encaissés. La seule production de talons de chèques ne justifiant pas du paiement desdites factures, c'est à juste titre que le service a refusé leur déductibilité. Il en est de même de la facture de la société Succes Style dont le paiement n'a pas été encaissé.
12. En huitième lieu, si la requérante soutient que les versements de 5 400 euros et 4 500 euros sont déductibles, elle se borne à faire valoir qu'il s'agirait du paiement de travaux de rénovation de son bureau, sans apporter la preuve de ses allégations. L'administration, qui avait au demeurant déjà admis la déductibilité de dépenses relatives à la rénovation du bureau était donc fondée à refuser la déductibilité de ces dépenses.
13. En neuvième lieu, s'agissant du fournisseur Efor Moda, la seule production d'un avoir de 3 010 euros au profit d'Achat Sourcing ne permet pas, à elle seule, de justifier de la déductibilité de cette somme.
14. En dixième lieu, s'agissant du fournisseur Power on Trading, l'administration a admis la déductibilité des factures dès lors que leur paiement était justifié. En faisant état d'un avoir, la requérante n'établit pas le règlement de la facture correspondante au titre de la période vérifiée.
15. En onzième lieu, si la requérante soutient qu'elle a utilisé un avoir qu'elle détenait à l'encontre de la société Shangaï Overseas pour régler ses prestations par compensation, elle n'établit pas la réalité des prestations fournies, ni leur règlement. La déductibilité a donc été refusée à bon droit.
16. En douzième lieu, l'administration a admis la déductibilité de la moitié du prix du billet d'avion de M. B... qui aurait visité une usine en Chine pour le compte de la requérante. Cette dernière, qui ne produit que deux courriels, ne justifie pas que l'intégralité du déplacement de M. B... aurait été effectué dans l'intérêt exclusif de son activité. En outre, s'agissant du déplacement de Mme A... en Espagne, celle-ci n'établit pas l'existence d'une relation d'affaires avec M. C... et l'entreprise Cruan. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les frais de déplacement restant en litige n'ont pas été admis en déduction.
17. En treizième lieu, si Mme A... soutient qu'elle était en droit d'amortir son matériel informatique, il résulte de l'instruction que le service n'a pas remis en cause l'amortissement de ce matériel dans le cadre de la procédure de vérification.
18. En dernier lieu, si la requérante soutient que les dépenses de bureau et de réception, de matériel multimédia et électroménager, de fournitures de bureau et dépenses de mobilier, les dépenses énergétiques et les primes d'assurance, l'amortissement du matériel informatique et la taxe foncière sont déductibles, il résulte de l'instruction que l'administration a admis la déductibilité de ces dépenses soit dans le cadre du recours hiérarchique de Mme A..., soit lors du dégrèvement prononcé le 10 décembre 2020.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dépenses restant en litige doivent être déduites du bénéfice imposable.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
20. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".
21. La requérante n'est pas fondée à demander la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux dépenses énoncées aux points 5 à 17 précités dès lors qu'elle n'établit pas que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de son entreprise.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 restant en litige après le dégrèvement prononcé le 10 décembre 2020. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- Mme Breillon, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.
La rapporteure,
A. BREILLONLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
N° 24PA00861 2