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13/06/2025 | FRANCE | N°23PA03910

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 13 juin 2025, 23PA03910


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I°) Par une première requête, enregistrée sous le n° 1906957, la société Orange, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 en conséquence de la rem

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I°) Par une première requête, enregistrée sous le n° 1906957, la société Orange, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 en conséquence de la remise en cause de créances de crédit d'impôt recherche, d'autre part, de lui accorder le remboursement d'un crédit d'impôt pour des dépenses de recherche d'un montant total de 224 767 euros.

II°) Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1907374, la société Orange a demandé à ce tribunal de lui accorder la restitution d'un crédit d'impôt pour des dépenses de recherche d'un montant total de 224 767 euros au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1906957-1907374 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale d' impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles la société Orange a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, à due proportion de crédits d'impôt recherche s'élevant à 60 303 euros et à 1 797 651 euros pour chacune de ces années et rejeté le surplus de la requête n° 1906957 et, d'autre part, rejeté la requête enregistrée sous le n° 1907374.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er septembre 2023, 19 février et 9 avril 2024, la société Orange, représentée par Me Quentin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de sa filiale intégrée, la société Orange Application for Business (OAB), correspondant au rejet partiel de sa créance de crédit d'impôt recherche de l'année 2014 pour un montant égal à 196 023 euros et en tant qu'il a rejeté sa demande de restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant total de 224 767 euros au titre des années 2014 et 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de sa filiale intégrée, la société OAB, et correspondant au rejet partiel de sa créance de crédit d'impôt recherche de l'année 2014 pour un montant égal à 196 023 euros ;

3°) de prononcer la restitution de la somme de 224 767 euros en principal, assortie des intérêts moratoires, correspondant aux crédits d'impôt recherche complémentaires afférents à 2014 pour 34 357 euros et 2015 pour 190 410 euros de sa filiale intégrée, la société OAB ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'évaluation des crédits d'impôt recherche retenue par l'administration fiscale et reprise par les premiers juges est erronée ;

- en ce qui concerne le crédit d'impôt recherche dit interne, la société OAB a réalisé des dépenses de recherche à l'occasion de la réalisation de livrables commandés par ses clients constitutifs de prestations de service d'ingénierie ; c'est ainsi à tort que l'administration fiscale a considéré qu'il y avait double valorisation par la société OAB et par elle-même des prestations de recherche réalisées à l'occasion des prestations d'ingénierie ;

- en ce qui concerne le dépôt de déclarations de crédit d'impôt recherche rectificatives afférentes aux crédits des années 2014 pour 34 357 euros et 2015 pour 190 410 euros, ces déclarations rectificatives correspondent aux heures réellement travaillées par son personnel de recherche indépendamment des stipulations contractuelles et à des ajustements en matière de charges patronales et d'intéressement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 décembre 2023, 22 mars 2024 et 11 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel de la société Orange ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation partielle de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles la société Orange a été assujettie, au titre de l'exercice clos en 2015, à due proportion d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 1 797 651 euros et au rejet de la demande de première instance à fin de décharge des cotisations supplémentaires en cause afférentes à l'année 2015.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge partielle des cotisations supplémentaires afférentes à l'année 2015 dès lors que les prestations pour lesquelles la société OAB revendique le bénéfice d'un crédit d'impôt recherche sont des prestations d'ingénierie et non des prestations de recherche et développement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- les observations de Me Quentin, pour la société Orange.

Une note en délibéré a été enregistrée le 24 mai 2025 pour la société Orange.

Considérant ce qui suit :

1. La société Orange Application for Business (OAB), à laquelle a succédé au 1er janvier 2019 la société Orange Business Service (OBS) à la suite d'une fusion absorption, est une filiale de la société Orange SA et exerçait une activité dans le secteur du numérique. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par une proposition de rectification du 20 décembre 2017 émise selon la procédure contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés fondées notamment sur la remise en cause partielle de crédits d'impôt pour dépenses de recherche que cette société avait déclarés au titre des années 2014 et 2015. La société Orange SA, en sa qualité de redevable du groupe fiscalement intégré incluant la société OAB, a contesté les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant, par une réclamation du 5 décembre 2018 adressée au directeur des vérifications nationales et internationales. Elle a également demandé le remboursement d'un crédit d'impôt recherche au titre des deux années mentionnées ci-dessus, à la suite de déclarations rectificatives déposées par la société OAB, par cette même réclamation et par une réclamation du même jour adressée à la direction des grandes entreprises. Ces réclamations ont été rejetées, la première, par une décision du directeur des vérifications nationales et internationales du 29 avril 2019, la seconde, par une décision du directeur des grandes entreprises du 27 mai 2019. Par une requête n° 1906957, la société Orange SA a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, pour un montant total de 2 228 356 euros correspondant à la remise en cause de créances de crédit d'impôt recherche afférentes aux années 2014 et 2015. Par une requête enregistrée sous le n° 1907374, la société Orange a également demandé à ce tribunal de lui accorder la restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant total de 224 767 euros au titre des années 2014 et 2015. La société Orange SA relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant du rejet partiel de la créance de crédit d'impôt recherche de l'année 2014 de sa filiale OAB pour un montant égal à 196 023 euros et en tant qu'il a rejeté sa demande de restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant total de 224 767 euros au titre des années 2014 et 2015. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles la société Orange a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 à due proportion d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 1 797 651 euros.

Sur l'appel de la société Orange SA :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant (...). / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) / d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions (...) / III. - Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les entreprises, organismes ou experts mentionnés au d, au d bis ou au 6° du k du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt (...) ". Aux termes de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts : " Pour la détermination des dépenses de recherche visées aux a, b, f et au 2° du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il y a lieu de retenir : (...) / b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires ".

3. Il résulte de ces dispositions que les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts pour la réalisation d'opérations de recherche qui leur sont confiées par des entreprises entrant elles-mêmes dans le champ des bénéficiaires du crédit d'impôt recherche constituent, pour ces entreprises donneuses d'ordre, des dépenses éligibles à ce crédit. S'agissant des organismes de recherche sous-traitants, ils ne peuvent inclure les dépenses exposées pour réaliser de telles opérations dans la base de calcul de leur crédit d'impôt recherche.

4. En revanche, lorsqu'un tel organisme engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris dans l'hypothèse où elles sont suscitées par l'exécution de prestations pour le compte d'un tiers dont l'objet ne porte pas sur la réalisation d'opérations de recherche, cet organisme peut inclure ces dépenses dans la base de calcul de son crédit d'impôt si elles satisfont aux exigences posées par l'article 244 quater B du code général des impôts, sans que ces dispositions ne lui imposent de déduire de cette assiette les sommes facturées au bénéficiaire des prestations, qui ne constituent pas, pour ce dernier, des dépenses éligibles à ce crédit d'impôt.

5. En premier lieu, il ressort des énonciations de la proposition de rectification du 20 décembre 2017 adressée à la société OAB que le vérificateur a estimé que les factures émises par cette société à destination de ses donneurs d'ordre pour des travaux de recherche et développement qui lui avaient été commandés ne faisaient pas apparaitre les détails suffisamment individualisés ni n'indiquaient les opérations susceptibles d'être véritablement qualifiées de recherche et développement. Compte tenu de l'insuffisance des éléments communiqués, le vérificateur, estimant ne pas être en mesure d'apprécier le caractère éligible des mentions générales indiquées dans les factures de sous-traitance, a retenu des recherches pouvant donner lieu à un crédit d'impôt d'un montant de 69 128 euros au titre de l'année 2014, au lieu du montant de 325 454 euros initialement retenu par la société.

6. Pour contester l'évaluation ainsi retenue par le vérificateur, la société requérante fait valoir que " les regroupements thématiques ainsi opérés [par le vérificateur] intègrent différents projets, pour certains réalisés pour des donneurs d'ordres publics ou étrangers ou, pour d'autres, pour des clients privés français ". Elle produit au soutien de son argumentation un premier tableau regroupant les dépenses et factures émises par " thématique " et comportant divers montants rattachés aux clients de la société OAB. Elle produit également un deuxième tableau comportant, pour une " thématique 1 " dite " Fleet performance : expérimentation et systèmes pour l'Eco-conduite ", divers codes projets, tels que " R93DTPSA ", " RD23ECPF ", " RD87ECDM ", en regard desquels figurent des noms des personnels, le nombre d'heures supposément travaillées, le salaire brut, les charges patronales ainsi que l'intéressement. Tout en renvoyant de manière générale à ses écritures de première instance, la société requérante présente un troisième tableau listant plusieurs " thématiques " non définies autrement que par des numéros associés à des projets, auxquelles sont associés des " types client " interne ou externe, et des dépenses dont elle demande la prise en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche. A supposer que les dépenses en cause ne se rattachent pas à la réalisation d'opérations de recherche commandées par ses clients et éligibles pour ceux-ci au crédit d'impôt recherche, condition requise en application du principe figurant au point 4 du présent arrêt, la seule production de ces éléments ne permet pas d'apprécier si l'ensemble des tâches accomplies par les salariés concouraient effectivement à la réalisation d'opérations de recherche réalisées pour le propre compte de la société OAB.

7. En deuxième lieu, la société requérante soutient que la société OAB a engagé, pour son propre compte, des travaux de recherche à la faveur de commandes passées par des clients, dont la société Orange, portant non sur des travaux de recherches mais sur des prestations d'ingénierie aboutissant à la réalisation de " livrables " précisément mesurables et quantifiables. Pour démontrer que les prestations ainsi commandées par ses clients ne relevaient pas de la recherche-développement, la société requérante se prévaut des stipulations contractuelles liant la société OAB à ses clients mettant à la charge de la première une obligation de résultat, délimitant précisément dans le temps et dans leur périmètre les prestations en cause et les rémunérant par un prix forfaitaire, toutes caractéristiques incompatibles avec la pratique applicable en matière de recherche. Toutefois, aucun élément précis n'est versé aux débats susceptible d'attester de la nature des travaux ainsi réalisés pour lesquels la société requérante sollicite l'éligibilité au crédit d'impôt recherche. Si la société requérante produit dans son mémoire en réplique un premier tableau recensant des montants de dépenses supposément engagés pour des travaux de recherches accomplis en 2014, et en pièce jointe un second tableau associant des intitulés de projets (RD23ECPF, R93DTPSA, RD88ECFP, PIDT, ITL001C1...) à des noms de salariés et à leur salaire, charges sociales et intéressement, ces éléments ne permettant pas d'apprécier la nature des travaux en cause et d'établir qu'ils se rattacheraient à des activités de recherche et développement se distinguant des prestations d'ingénierie réalisées pour les clients de la société OAB. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux seraient constitutifs de travaux de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche sur le fondement des dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts.

8. En troisième lieu, la société requérante demande la prise en compte de deux déclarations rectificatives en vue de l'attribution d'un complément de crédit d'impôt recherche d'un montant de 34 357 euros au titre de l'année 2014 et de 190 410 euros au titre de l'année 2015. Au soutien de ces prétentions, elle fait valoir que les rectifications auxquelles elle a procédé correspondent à la prise en compte des heures réellement travaillées par les personnels affectés sur des travaux de recherche, à la prise en compte de certaines charges patronales, dont la contribution au Fonds national d'aide au logement, la cotisation à l'association pour l'emploi des cadres, et à celle de la mutuelle et de l'intéressement des salariés. Ces rectifications aboutissent selon elle à des dépenses éligibles supplémentaires à prendre en compte dans l'assiette du crédit d'impôt d'un montant de 114 522 euros pour l'année 2014 et de 634 698 euros pour l'année 2015. Pour justifier des rectifications en cause, la société requérante verse aux débats plus d'un millier de pages correspondant à des fiches de paie de salariés et au journal de paie de ces salariés et se prévaut, à titre illustratif, de tableaux déclaratifs supposés attester des heures réellement accomplies par deux salariés. Toutefois, les nombreuses pièces versées au débat ne permettent d'identifier, ni la nature exacte des travaux en cause, ni la répartition de ces travaux par projet, ni les sociétés clientes ayant passé commande des travaux d'ingénierie à l'occasion desquels ces travaux de recherche auraient été accomplis pour le compte de la société OAB. Ces pièces ne permettent pas davantage d'établir que les travaux de recherche allégués se distingueraient des prestations d'ingénierie commandées par les clients internes ou externes de la société OAB. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, que les rectifications en cause procéderaient seulement d'une modification de l'assiette de travaux de recherche acceptés dans leur principe par le vérificateur. C'est ainsi à juste titre que l'administration fiscale a refusé de prendre en considération les déclarations rectificatives déposées par la société OAB postérieurement à la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet.

Sur l'appel incident présenté par le ministre :

9. Le ministre en charge de l'économie et des finances conteste la décharge prononcée par les premiers juges des impositions supplémentaires mises à la charge de la société OAB au titre de l'année 2015. Pour prononcer cette décharge, les premiers juges ont considéré qu'il résultait de l'instruction que la société OAB était titulaire d'une créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 2 495 218 euros conformément à celle initialement déclarée par la société, et que c'est à tort que l'administration avait remis en cause cette créance pour un montant de 1 797 651 euros.

10. Le ministre fait valoir que rien ne permet d'établir que les prestations accomplies par la société OAB et dont elle demande l'éligibilité au crédit d'impôt recherche seraient constitutives de travaux de recherche et non de simples prestations d'ingénierie. La société requérante soutient en défense que les prestations en cause correspondent, soit à des travaux de recherche développement réalisés en interne pour son propre compte indépendamment de toute commande de clients, soit à des travaux de recherche développement réalisés pour des clients soit étrangers soit publics donc sans risque de double valorisation au crédit d'impôt recherche, soit à des travaux de recherche développement accomplis pour son propre compte dans le cadre de prestations d'ingénierie commandées par des clients privés postérieurement à l'abrogation de l'agrément lui conférant la qualité d'organisme de recherche privé agréé au sens du d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et donc également sans risque de double valorisation au titre du crédit d'impôt recherche. Toutefois, les tableaux qu'elle joint au soutien de ses affirmations se bornent à faire mention des intitulés de divers projets, sans que soit spécifiée la nature des prestations nécessitées pour leur réalisation. Contrairement à ce que soutient la société Orange, la remise en cause de certaines des prestations en cause ressort également des énonciations de la proposition de rectification aux termes de laquelle " Au vu de l'insuffisance des éléments communiqués, le service n'est pas en mesure d'apprécier le caractère éligible des mentions générales indiquées dans les factures de sous-traitance. Ces dépenses ne correspondent pas à la réalisation de véritables opérations de recherche et de développement ", mentions que la société ne vient pas contester utilement en l'absence d'éléments suffisamment précis permettant d'établir le rattachement des dépenses dont s'agit à des activités de recherche. En ce qui concerne les projets présentés comme relevant de la recherche développement dans le cadre de projets internes, aucun document n'est fourni susceptible d'attester de la nature des travaux en cause. Relativement aux prestations présentées comme de recherche développement accomplies pour le compte de la société OAB dans le cadre de prestations d'ingénierie commandées par des clients privés, les seuls éléments produits sont les contrats et commandes de prestations d'ingénierie passés par ces clients, lesquels ne permettent pas d'attester de la réalisation d'opérations de recherche à la faveur de leur réalisation, aucun élément complémentaire n'étant produit permettant de distinguer les prestations d'ingénierie de celles ressortissant au domaine de la recherche et développement. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait accompli des prestations de recherche justifiant un crédit d'impôt d'un montant supérieur à celui de 697 567 euros retenu à l'issue de la vérification de comptabilité, et le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu un montant de crédit d'impôt recherche de 1 797 651 euros et déchargé en conséquence les impositions supplémentaires mises à la charge de la société Orange.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. En revanche, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes mises à la charge de la société Orange au titre de l'exercice clos en 2015, à due proportion d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 1 797 651 euros.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Orange au titre des frais par elle exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1906957-1907374 du 29 juin 2023 est annulé en tant qu'il prononce la décharge des cotisations supplémentaires d''impôt sur les sociétés, de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes mises à la charge de la société Orange SA au titre de l'exercice clos en 2015, à due proportion d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 1 797 651 euros.

Article 2 : La demande présentée par la société Orange devant le tribunal administratif de Montreuil et tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d''impôt sur les sociétés, de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes mises à la charge de la société Orange au titre de l'exercice clos en 2015, à due proportion d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 1 797 651 euros est rejetée ainsi que les conclusions de sa requête d'appel.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copies en seront adressées à la direction des vérifications nationales et internationales ainsi qu'à la direction des grandes entreprises.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOIS

Le président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA03910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03910
Date de la décision : 13/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : QUENTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-13;23pa03910 ?
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