Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois, ensemble le rejet de son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le ministre a prononcé à son encontre la sanction de déplacement d'office.
Par un jugement nos 2200214 et 2201174/5-1 du 16 février 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 avril 2024, et un mémoire du 10 mars 2025 qui n'a pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Sénéjean, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2024 ;
2°) d'annuler les arrêtés du ministre de la justice des 22 juillet et 19 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au ministre de la réaffecter sur un poste équivalent à celui qu'elle occupait jusqu'au 19 novembre 2021 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé et méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit, de dénaturation des pièces du dossier, de contradictions de motifs, d'erreurs de fait et d'erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de la mesure de suspension :
- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de la sanction disciplinaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire des fonctionnaires de l'Etat, dès lors que les faits qui fondent la sanction sont distincts de ceux qui figurent dans le rapport de saisine du conseil de discipline ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le conseil de discipline n'a ni délibéré, ni voté sur l'hypothèse d'une absence de sanction ;
- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2025, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bories,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Sénéjean, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., attachée principale d'administration de l'Etat, a été affectée au poste d'adjointe au chef du bureau chargé de la gestion administrative et financière de l'administration centrale (BGAFIAC) du ministère de la justice à compter du 1er septembre 2017. Par un arrêté du 22 juillet 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois. Par un courrier du 8 septembre 2021, Mme B... a formé un recours gracieux qui a été implicitement rejeté. Par un arrêté du 19 novembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé une sanction de déplacement d'office à son encontre. Mme B... relève appel du jugement du 16 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces trois décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il ressort de la lecture des points 6 et 20 du jugement attaqué que les juges de première instance, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la requérante, ont énoncé de manière suffisamment précise les éléments de faits pertinents au soutien de leur raisonnement et les motifs par lesquels ils ont écarté le moyen tiré de l'erreur dans la matérialité des faits. Le jugement contesté répond à cet égard à l'obligation de motivation posée à l'article L. 9 du code de justice administrative.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
4. En troisième lieu, si Mme B... fait valoir, dans sa requête d'appel, que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une contradiction de motifs, de dénaturation, et d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation, les éléments au soutien de cette argumentation, tenant à une analyse erronée des faits du litige et des écritures, procèdent d'une contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Le moyen doit, par suite, être écarté comme inopérant.
5. En revanche, il ressort des pièces du dossier que, dans un mémoire en réplique produit dans l'instance n° 2201174 le 3 avril 2023, Mme B... a soulevé un moyen tiré de la violation des droits de la défense, en ce que les griefs mentionnés dans le rapport de saisine du conseil de discipline différaient de ceux qui avaient fondé la sanction disciplinaire prononcée le 19 novembre 2021. Le tribunal administratif n'a pas visé ce moyen, qui n'était pas inopérant, et n'y a pas
répondu, de sorte que son jugement est irrégulier.
6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant seulement qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'arrêté ministériel du
19 novembre 2021 prononçant à l'encontre de Mme B... une sanction disciplinaire, de statuer par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer sur le surplus des conclusions de la requérante par l'effet dévolutif de l'appel.
Sur l'arrêté du 22 juillet 2021 :
7. Aux termes des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifiées à l'article L. 531-1 du code général de la fonction publique : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. "
8. La suspension d'un agent prise sur le fondement de ces dispositions est une mesure conservatoire destinée à l'écarter temporairement du service en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prononcée dès lors que les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.
9. L'arrêté par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a suspendu Mme B... de ses fonctions est fondé sur les circonstances que l'intéressée perturbe le bon fonctionnement du service par la diffusion d'informations erronées et la recherche de polémiques, manque à son obligation de discrétion professionnelle, entretient des relations de travail difficiles avec certains agents et contrevient à son obligation de loyauté vis-à-vis de sa supérieure hiérarchique. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces faits sont exposés de manière suffisamment circonstanciée, et sont corroborés par les pièces du dossier, en particulier par deux rapports établis les 20 juin 2021 et 2 juillet 2021 par la cheffe du bureau. Par suite, l'autorité administrative a pu, en l'état des éléments portés à sa connaissance, estimer que les faits imputés à la requérante, laquelle exerçait des fonctions d'encadrement dans un bureau indispensable au bon fonctionnement de l'administration centrale, revêtaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour fonder une mise à l'écart immédiate du service à titre conservatoire en attendant l'issue de la procédure disciplinaire. Les moyens tirés de l'inexactitude des faits retenus et de l'erreur d'appréciation doivent ainsi être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2021 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté.
Sur l'arrêté du 19 novembre 2021 :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ".
12. La décision en litige vise les textes dont le ministre a fait application, et énonce les griefs reprochés à l'intéressée, consistant en des manquements graves et répétés à ses obligations d'obéissance hiérarchique, de loyauté et de discrétion professionnelle, et dont le comportement est de nature à faire courir des risques psycho-sociaux aux autres agents et à nuire à l'intérêt du
service. De plus, chacun de ces griefs est assorti d'exemples. Ainsi, la décision en litige comprend l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. "
14. Mme B... soutient que la décision portant sanction disciplinaire est fondée sur des faits qui ne figurent pas dans le rapport de saisine du conseil de discipline établi le 15 octobre 2021, tels que son manque de respect des consignes et des délais, ses manquements au devoir d'obéissance, ou les risques psycho-sociaux auxquels seraient exposés les agents du BGAFIAC, et que le principe des droits de la défense aurait ainsi été méconnu. Il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que ce rapport mentionne, en page 9, qu'il " faut régulièrement rappeler à Mme B... les échéances ou les commandes qui ne sont pas instruites dans des délais
satisfaisants ", et que ce manquement est assorti de trois exemples concrets. D'autre part, les faits choisis pour illustrer son manquement au devoir d'obéissance, outre la méconnaissance de
consignes évoquée en page 6 de ce rapport, tiennent notamment à son attitude envers son
homologue adjointe au chef de bureau, laquelle est exposée en page 5. Enfin, si les risques psycho-sociaux ne sont pas énoncés expressément dans le rapport du 15 octobre 2021, celui-ci indique notamment en p. 6 que Mme B... " adopte des comportements qui nuisent à la sérénité et à l'ambiance générale du travail ", en p. 9 qu'elle a exercé des pressions sur les agents, et en p. 8 qu'elle a contribué à un climat de travail conflictuel. En outre, il ressort du procès-verbal du conseil de discipline du 10 novembre 2021 que l'intéressée a été informée à cette occasion que ses
carences étaient " de nature à faire courir un risque à la santé morale des agents par une dégradation de l'ambiance de travail ". Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'une partie des griefs justifiant la sanction litigieuse auraient été ajoutés sans avoir été préalablement soumis au débat devant le conseil de discipline, en méconnaissances du principal général des droits de la défense ou des dispositions citées au point 13.
15. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, désormais codifiées à l'article L. 532-1 du code général de la fonction publique : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission
administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. (...). " Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aujourd'hui codifié à l'article L. 532-5 du code général de la fonction publique : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme
siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. " Aux termes de l'article 34 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires, applicable au litige dès lors que son abrogation par l'article 27 du décret n° 2020-1426 du 20 novembre 2020 n'a pris effet, en vertu de son article 33, qu'à compter du renouvellement général des instances de dialogue social dans la fonction publique, intervenu en décembre 2022 : " Les commissions administratives siègent en formation restreinte lorsqu'elles sont saisies de questions résultant de l'application des articles (...) 67 (...) de la loi du 11 janvier 1984. (...) Dans les autres cas, elles siègent en
assemblée plénière. " Aux termes de l'article 35 du même décret, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque les commissions administratives paritaires siègent en formation
restreinte, seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le grade auquel appartient le fonctionnaire intéressé et les membres titulaires ou suppléants représentant le grade immédiatement supérieur ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration sont appelés à délibérer. " Enfin, aux termes de l'article 41 de ce décret : " Les commissions
administratives ne délibèrent valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et par le présent décret, ainsi que par le règlement intérieur. / En outre, les trois quarts au moins de leurs membres doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. Lorsque ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle convocation est envoyée dans le délai de huit jours aux membres de la commission qui siège alors valablement si la moitié de ses membres sont présents. "
16. Mme B... soutient que la composition de la commission administrative paritaire (CAP) dans sa formation disciplinaire était irrégulière, dès lors que seuls six des dix membres qui composent la CAP ont participé à la séance, soit moins des trois quarts, en méconnaissance des dispositions de l'article 41 du décret du 28 mai 1982. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point précédent que le conseil de discipline est une formation restreinte de la commission
administrative paritaire, au sein de laquelle seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le grade auquel appartient le fonctionnaire intéressé, les membres titulaires ou suppléants représentant le grade immédiatement supérieur et un nombre égal de représentants de l'administration sont appelés à délibérer. En l'espèce, il ressort de la feuille d'émargement et du procès-verbal du conseil de discipline, réuni le 10 novembre 2021, que six membres étaient présents à l'ouverture de la réunion, à savoir les deux représentants du personnel pour le grade d'attaché principal d'administration, grade détenu par Mme B..., le représentant suppléant pour le grade d'attaché d'administration hors classe, grade immédiatement supérieur à celui de Mme B..., et trois représentants de l'administration. En outre, il ressort du procès-verbal que le président a ouvert la séance après avoir constaté que le quorum était atteint, mention qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. Ainsi, le moyen invoqué par Mme B..., tiré de ce que le quorum n'était pas atteint, doit être écarté comme manquant en fait.
17. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984, désormais codifiées à l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme ; /- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ;/ - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon
correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...). ". Et aux termes de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les
fonctionnaires de l'Etat : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. (...) Dans l'hypothèse où aucune des propositions soumises au conseil de discipline, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n'obtient l'accord de la majorité des membres présents, le conseil est
considéré comme ayant été consulté et ne s'étant prononcé en faveur d'aucune de ces propositions. Son président informe alors de cette situation l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Si cette
autorité prononce une sanction, elle doit informer le conseil des motifs qui l'ont conduite à prononcer celle-ci. "
18. Il ressort des pièces du dossier qu'aucune des propositions de sanction soumises au conseil de discipline réuni le 10 novembre 2021 n'a recueilli l'accord de la majorité des membres présents. Mme B... soutient que cette instance n'a par la suite ni délibéré ni voté sur l'hypothèse d'une absence de sanction, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent.
Toutefois, la mention portée dans son avis selon laquelle " les représentants du personnel et de l'administration n'ont pas jugé opportun de prononcer une absence de sanction à l'égard de l'agent " atteste que cette possibilité a été envisagée, puis écartée, par les membres du conseil. Dans ces conditions, l'absence d'avis motivé est conforme aux dispositions précitées de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 et le moyen doit être écarté.
19. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983, reprises aux articles L. 121-9 et L. 121-10 du code général de la fonction publique : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. ". Aux termes des dispositions de l'article 26 de la même loi, désormais codifiées à l'article L. 121-7 dudit code : " (...) Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion
professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. (...) "
20. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
21. Il ressort des termes de l'arrêté du 19 novembre 2021 que pour prendre la sanction du déplacement d'office, le garde des sceaux, ministre de la justice s'est fondé sur les manquements de Mme B... à l'obligation d'obéissance, à l'obligation de loyauté envers sa hiérarchie et à l'obligation de discrétion professionnelle, ainsi que sur son comportement inadéquat nuisant au bon fonctionnement du service et faisant peser sur les agents des risques psycho-sociaux.
22. S'agissant des manquements reprochés à Mme B..., d'une part, il ressort des pièces du dossier, consistant notamment en des rapports et signalements émanant de ses supérieurs
hiérarchiques, que Mme B... a fréquemment omis, à compter de l'année 2018, de mettre ses supérieurs en copie de messages électroniques dont ils avaient à connaître, de rendre compte de l'avancement des missions qui lui étaient confiées, et d'effectuer certaines tâches qui lui incombaient dans les délais impartis. En outre l'administration établit, par des incidents précisément relatés et datés, que l'intéressée a adopté une attitude défiante vis-à-vis de sa hiérarchie et de son homologue adjointe au chef de bureau. Ces faits, qui peuvent être regardés comme matériellement exacts compte tenu des pièces nombreuses et concordantes versées par l'administration, constituent, par leur caractère réitéré en dépit de plusieurs rappels à l'ordre, des manquements aux
devoirs d'obéissance hiérarchique et de loyauté. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a manqué à son devoir de discrétion professionnelle à l'occasion d'échanges entre collègues sur des mouvements à venir. Ces faits, qui sont contestés par l'intéressée mais dont la matérialité est établie par des signalements circonstanciés de sa hiérarchie, constituent des
manquements au devoir de discrétion professionnelle.
23. S'agissant des retentissements sur le fonctionnement du service, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de nombreux échanges par mail ou sms avec l'intéressée, que Mme B... omettait d'informer promptement sa chaîne hiérarchique de ses absences et congés, de programmer un message d'absence et de transférer sa ligne téléphonique durant ses congés et ne respectait pas les horaires de travail habituels. Ces faits revêtent, par leur caractère réitéré et leur effet sur le fonctionnement du service, un caractère fautif. En outre, il est reproché à
l'intéressée d'avoir nui, par son comportement, à la sérénité des relations de travail au sein du bureau. Cette circonstance est attestée par des témoignages et attestations produites par l'administration, qui corroborent une dégradation de l'ambiance de travail imputable au comportement
fautif de l'intéressée. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que fait valoir la requérante, que les faits qui lui sont reprochés seraient imputables à des dysfonctionnements du service.
24. En dernier lieu, compte tenu de la gravité et de la réitération des fautes commises par Mme B..., laquelle exerce des fonctions d'encadrement dans un bureau sensible de la
chancellerie, de l'échec des rappels à l'ordre et des tentatives de dialogue ayant conduit à la rupture du lien de confiance avec ses supérieurs hiérarchiques, et de l'impact négatif du comportement de l'intéressée sur le fonctionnement du service, la sanction portant déplacement d'office ne revêt pas de caractère disproportionné. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction en litige serait
disproportionnée doit être écarté.
25. Il résulte de l'ensemble ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions qui lui étaient soumises relatives à l'arrêté du 19 novembre 2021, et qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée à ce titre devant les premiers juges ainsi que le surplus de ses conclusions devant la cour. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 février 2024 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B... dirigées contre l'arrêté du ministre de la justice du 19 novembre 2021.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris et dirigées contre l'arrêté du ministre de la justice du 19 novembre 2021 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- Mme Breillon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.
La rapporteure,
C. BORIES
La présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01765 2