Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes, la société par actions simplifiée Centre International de Formation et de Perfectionnement (CIFOPE) a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre des périodes allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017.
Par un jugement nos 2102003 et 2102004/3 du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2024, la société CIFOPE, représentée par Me Naïm, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 4 avril 2024 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les prestations en cause remplissent les conditions pour bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 261 du code général des impôts ;
- cette exonération ne saurait être subordonnée à la production d'une attestation sans méconnaître le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et par suite, les dispositions de l'article 132 1 i de la directive 2006/112 CE du 28 novembre 2006.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2024, le ministre de l'économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au
26 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bories,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société CIFOPE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. Par une proposition de rectification du 1er octobre 2014, elle s'est vu notifier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, selon la procédure de rectification contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. A la suite d'une seconde vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018, elle s'est vu notifier, par une proposition de rectification datée du 12 novembre 2018, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, selon la procédure de rectification contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. La société CIFOPE relève appel du jugement du 4 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions.
2. Aux termes de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : (...) / i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'Etat membre concerné (...) ". En application de l'article 131 de cette directive, cette exonération s'applique " dans les conditions que les Etats membres fixent en vue d'assurer [son] application correcte et simple (...) et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels ".
3. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts, procédant à la transposition sur ce point de la directive : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4. (Professions libérales et activités diverses) : (...) / 4° a. les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre : (...) / de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée soit par des personnes morales de droit public, soit par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment pour ce qui concerne les conditions de délivrance et de validité de l'attestation (...) ".
4. Aux termes de l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Pour obtenir l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, les personnes de droit privé exerçant une activité de formation professionnelle continue souscrivent une demande sur un imprimé conforme au modèle établi par un arrêté conjoint des ministres chargés de la formation professionnelle continue et du budget. Cette demande est adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou à la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour les départements d'outre-mer dont le demandeur relève (...) / II. - Seules les personnes qui ont souscrit la déclaration mentionnée à l'article L. 6351-1 du code du travail (...) peuvent obtenir l'attestation. / En outre, l'attestation ne peut être délivrée qu'à la condition que l'activité du demandeur entre dans le cadre de la formation professionnelle continue telle que définie conjointement par les articles L. 6311-1 et L. 6313-1 du code du travail (...). Le demandeur doit être à jour de ses obligations résultant de l'article L. 6352-11 du code du travail ". Aux termes de l'article 202 B de la même annexe : " La délivrance de l'attestation entraîne l'exonération de TVA au jour de la réception de la demande. / L'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue (...). Elle s'applique obligatoirement à l'ensemble de ces opérations réalisées par le titulaire de l'attestation ".
5. La société requérante soutient qu'elle entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 261 du code général des impôts et que la condition formelle relative au dépôt d'une demande d'attestation prévue par les dispositions de l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts, prises en application du a du 4° du 4 de l'article 261 de ce code est incompatible avec l'article 132, point 1, i) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 en ce qu'elle instaure une différence de traitement entre organismes de formation de droit public et de droit privé et méconnaît le principe de neutralité fiscale. Elle estime que les formations qu'elle dispense dans son centre de Thiais doivent bénéficier de l'exonération en cause dès lors qu'elles sont effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue.
6. Toutefois, par les dispositions réglementaires citées au point 4, le pouvoir réglementaire s'est borné à définir, de façon adéquate, pertinente et proportionnée à l'objectif de la directive du 28 novembre 2006, les conditions permettant de justifier qu'un organisme de formation professionnelle continue puisse être reconnu comme ayant des fins comparables avec celles des organismes de droit public, au sens et pour l'application de cette directive. Il résulte ainsi de l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts que l'organisme concerné doit disposer de la déclaration préalable, mentionnée à l'article L. 6351-1 du code du travail, déposée auprès de l'autorité administrative compétente dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle, et avoir transmis chaque année à l'autorité administrative compétente, en application de l'article L. 6352-11 du même code, un document retraçant l'emploi des sommes reçues et dressant un bilan pédagogique et financier de son activité, ce document permettant notamment de vérifier, aux fins de la détermination du régime de taxe sur la valeur ajoutée auquel cet organisme est soumis, si son activité entre effectivement dans le cadre de la formation professionnelle continue. Il résulte par ailleurs de l'article 202 B de la même annexe que l'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées par son titulaire dans le cadre de la formation professionnelle continue et qu'elle s'applique obligatoirement à l'ensemble de celles-ci. Par suite, le respect de ces conditions permet d'assurer, dans le respect du principe de neutralité fiscale et sans excéder les limites du pouvoir d'appréciation laissé par la directive à chaque Etat membre, une correcte transposition des dispositions du i du 1 de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 relatives à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des activités de formation et de recyclage professionnel en prévenant toute fraude, évasion et abus éventuels.
7. Il est constant que la société CIFOPE n'a pas procédé au dépôt de sa demande d'attestation au titre d'activités s'inscrivant dans le cadre de la formation professionnelle continue. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que c'est, dès lors, à bon droit que, pour fonder les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, le service a opposé à la société requérante la condition prévue par l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts, pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et pour celle du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que son activité relevait de l'exonération prévue par les dispositions du a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts. Faute d'avoir satisfait à cette condition, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le service aurait méconnu le principe de neutralité fiscale en procédant aux rappels contestés.
8. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête en toutes ses conclusions.
DECIDE:
Article 1er : La requête de la société CIFOPE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CIFOPE et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 11 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- Mme Breillon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.
La rapporteure,
C. BORIES
La présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02435 2