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27/06/2025 | FRANCE | N°24PA03462

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 27 juin 2025, 24PA03462


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 2116210 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. et Mme B....





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 2116210 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. et Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 juillet 2024 et 10 février 2025, M. et Mme B..., représentés par Me Baldo, demandent à la Cour :

1°) d' annuler le jugement n° 2116210 du tribunal administratif de Paris en date du 5 juin 2024 ;

2°) de prononcer la décharge ou la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'opération d'apport à la société Sillage de titres de la société Aprevia avec une soulte n'excédant pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus, placée sous le régime du report d'imposition de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, n'est pas contraire à l'intention du législateur ;

- le versement de la soulte n'est pas détachable de l'opération d'apport de titres, dont elle est la contrepartie, qui n'est pas dépourvue d'intérêt économique et qui n'est elle-même pas abusive ;

- la soulte avait pour contreparties l'abandon du contrôle, M. B... ayant renoncé à la majorité des droits de vote et en capital dans la société civile Sillage, une répartition égalitaire des titres entre les associés de cette société, le renforcement du groupe familial vis-à-vis de l'autre associé de la société par actions simplifiée Aprevia et les nouvelles contraintes générées en diminuant la liquidité des titres détenus dans la société Sillage par rapport aux actions de la société Aprevia ; si M. B... n'avait pas perçu de soulte, il aurait été majoritaire dans le capital de la société Sillage et, en apportant à cette société ses propres titres de la société Aprevia, son épouse aurait perdu tout pouvoir de décision au sein de celle-ci ; en apportant leurs titres, ils ont constitué un bloc structuré dans lequel aucune décision ne peut être prise sans un accord commun ; ces contreparties n'avaient pas à être convenues à titre contraignant ; la soulte avait ainsi un motif autre que fiscal ;

- l'opération de création de la société Sillage et d'apport de titres de la société Aprevia avait un objectif de sécurisation patrimoniale, ainsi qu'un objectif commercial et économique ;

- si l'acte d'apport n'avait pas été passé et si la soulte n'avait pas été constatée, aucune imposition n'aurait été due, de sorte que l'opération ne peut être regardée comme leur ayant permis d'éluder ou d'atténuer leurs charges fiscales ;

- à titre subsidiaire, la partie de la soulte ayant permis le rééquilibrage entre les apporteurs, soit 53 130 euros, ne peut être regardée comme abusive ;

- la cotisation d'impôt sur le revenu étant infondée, les cotisations de contributions sociales et les majorations le sont par voie de conséquence ;

- les pénalités pour manœuvres frauduleuses de 80 % infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas fondées dès lors qu'ils pouvaient légitimement croire que l'opération n'était pas abusive ;

- à titre subsidiaire, si le caractère abusif de l'opération est reconnu, les pénalités doivent être modulées eu égard aux stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sauf à être disproportionnées compte tenu de la clarté du texte, de l'absence de travaux parlementaires et de l'absence de jurisprudence au moment de l'opération.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 novembre 2024 et 19 février 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemaire,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, à l'issue duquel ils ont été assujettis à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu à raison de plus-values imposables et de contributions sociales sur les revenus du patrimoine au titre de l'année 2013, majorées des intérêts de retard et de pénalités de 80 % sur le fondement du b. de l'article 1729 du code général des impôts. Ces impositions résultent de la taxation par le service, qui a fait application de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, des sommes de 195 563 euros et 142 437 euros qui leur avaient été respectivement octroyées par la société civile (SC) Sillage et à raison desquelles ils avaient entendu bénéficier du report d'imposition prévu à l'article 150-0 B ter du code général des impôts. M. et Mme B... relèvent régulièrement appel du jugement en date du 5 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

3. D'autre part, en vertu de l'article 150-0 A du code général des impôts, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de leur réalisation. Toutefois, aux termes de l'article 150-0 B ter de ce code, dans sa version applicable à l'année d'imposition en litige : " I. - L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. (...) / Les apports avec soulte demeurent soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus. / (...) ".

4. En instaurant un mécanisme de report d'imposition, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par apport de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. Si, dans la version du texte applicable au litige, le report d'imposition bénéficie à la totalité de la plus-value résultant d'une opération d'apport avec soulte lorsque le montant de celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport, le but ainsi poursuivi par le législateur n'est pas respecté si la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur en complément de l'attribution de titres de la société bénéficiaire de l'apport n'a aucune autre finalité que de permettre à celui-ci d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par cette société ou par celle dont les titres sont apportés. Dans ce cas, l'administration est fondée, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, à considérer qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'apporteur aurait normalement supportées.

5. En premier lieu, s'il ne résulte ni des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, ni des travaux parlementaires qui en sont à l'origine que le versement de la soulte doit poursuivre un objectif de rééquilibrage de valeur entre les biens échangés ou d'ajustement de parité d'échange, ce versement doit néanmoins être regardé comme une mesure d'appréhension de liquidités en report d'imposition que les parties peuvent librement décider, dans la limite fixée par la loi, pour rendre acceptable l'adhésion des apporteurs à une opération de restructuration d'entreprises nécessaire à leur développement. Ce but n'est pas respecté si l'octroi de la soulte n'est manifestement pas nécessaire à une opération de restructuration d'entreprises mais est en réalité uniquement motivé par la volonté de l'apporteur des titres d'appréhender en franchise immédiate d'impôt des liquidités détenues par la société dont les titres sont apportés ou par la société bénéficiaire de l'apport. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir qu'aucune finalité particulière n'est assignée au versement d'une soulte et que les dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts permettent ainsi de dégager librement une soulte lors d'une opération d'apport dès lors que son montant ne dépasse pas 10 % de la valeur des titres reçus en contrepartie de l'apport.

6. En deuxième lieu, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, en l'absence de toute mention explicite en ce sens, que le législateur a entendu exclure la possibilité pour l'administration fiscale de faire application aux opérations d'apport entrant dans leurs prévisions, notamment aux opérations d'apports avec soulte lorsque le montant de celle-ci est inférieur à 10 % de la valeur nominale des titres reçus, de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, lorsque les conditions de mise en œuvre de cette procédure sont réunies. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., il est dès lors loisible à l'administration de recourir à cette procédure, sous le contrôle du juge, pour restituer leur véritable caractère aux sommes versées à titre de soultes à l'occasion d'opérations d'apport de titres placées sous le régime de report d'imposition prévu à l'article 150-0 B ter du code général des impôts.

7. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 8 décembre 2016, que, le 27 septembre 2013, M. et Mme B... ont constitué la SC Sillage, qui exerce l'activité de holding, qui a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et dont le capital de 3 912 000 euros est divisé en 3 912 000 parts d'une valeur unitaire d'un euro. Cette société a été constituée par l'apport de 2 400 actions de la société par actions simplifiée (SAS) Aprevia, dont M. et Mme B... détenaient respectivement 25,31 % et 24,69 % du capital social. Ces 2 400 actions ont été évaluées à la somme totale de 4 250 000 euros, soit un montant unitaire arrondi de 1 771 euros. Ainsi, en contrepartie de l'apport des 1 215 actions de la SAS Aprevia qu'il détenait, évaluées à 2 121 563 euros, M. B... a reçu 1 956 000 parts de la SC Sillage, ainsi qu'une soulte de 195 563 euros, et, en contrepartie de l'apport des 1 185 parts de la SAS Aprevia qu'elle détenait, évaluées à 2 098 437 euros, Mme B... a reçu 1 956 000 parts de la SC Sillage, ainsi qu'une soulte de 142 437 euros. Ces deux soultes, qui représentaient chacune moins de 10 % de la valeur nominale des titres reçus par les apporteurs en contrepartie de leurs apports respectifs, ont été inscrites, sans restriction à leur disponibilité, au crédit des comptes courants d'associé ouverts à leurs noms dans les livres de la SC Sillage.

8. M. et Mme B... soutiennent que l'octroi des soultes en litige par la SC Sillage n'avait pas pour unique finalité de leur permettre d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par cette société. Ils font valoir que l'opération d'apport a entraîné pour chacun d'entre eux une perte de pouvoir individuel, ainsi que la perte du droit de disposer individuellement des actions de la SAS Aprevia et des dividendes attachés à ces actions. Ils n'apportent toutefois aucun élément de nature à l'établir, alors qu'ils ont eu l'initiative de l'opération d'apport et qu'ils en ont librement déterminé les modalités. Les requérants ont ainsi créé la SC Sillage, dont ils ont librement fixé le capital social et qu'ils contrôlent, dans l'objectif d'attribuer à chaque membre du couple les mêmes droits sociaux. S'ils font valoir par ailleurs que les titres de la SC Sillage sont moins liquides que les actions de la SAS Aprevia, il résulte de l'article 11 des statuts de la SAS Aprevia que les actions de cette société ne peuvent être cédées qu'avec l'agrément de l'ensemble de ses actionnaires. En tout état de cause, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir les conséquences qui résulteraient pour eux des désavantages allégués. Enfin, M. et Mme B... ne sauraient se prévaloir ni de ce que le montant des soultes en litige n'excédait pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus de la SC Sillage, cette circonstance étant par elle-même dépourvue de toute incidence, ni de l'intérêt économique et patrimonial de l'opération d'apport, qui n'a pas été contesté par l'administration fiscale, le service n'ayant pas remis en cause le bénéfice du report d'imposition prévu par l'article 150-0 B ter du code général des impôts à raison de la plus-value résultant de l'échange de titres.

9. A titre subsidiaire, M. et Mme B..., qui font valoir que, lors de l'opération décrite au point 7, ils ont reçu le même nombre de parts de la SC Sillage alors que M. B... détenait et a apporté à cette société trente actions de la SAS Aprevia de plus que son épouse, soutiennent qu'à concurrence de la valeur de ces trente actions, soit 53 130 euros, la soulte octroyée à M. B... a été consentie en contrepartie de son accord à une répartition égalitaire des titres de la SC Sillage. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il est constant que les requérants ont créé conjointement la SC Sillage, dont ils détiennent l'intégralité du capital, qu'ils ont librement fixé, et qu'ils ont été les seuls à participer à l'opération d'apport, dont ils sont à l'initiative et dont ils ont déterminé ensemble les modalités de façon à constituer, ainsi qu'ils l'indiquent, un bloc d'actionnaires de la SAS Aprevia, jouissant des mêmes droits dans la SC Sillage. Ils n'établissent pas, ni même n'allèguent que cet objectif ne pouvait pas être atteint autrement que par l'attribution à chacun d'entre eux d'un même nombre de titres de la SC Sillage, notamment par l'adoption de clauses statutaires garantissant une égalité des droits de vote et des droits aux dividendes, et qu'ainsi, en l'absence d'octroi d'une soulte à M. B..., son épouse n'aurait pas pu bénéficier des mêmes droits dans cette société. Ils n'apportent aucun élément de nature à établir qu'à concurrence d'un montant de 53 130 euros, la soulte octroyée à M. B... a été décidée pour rendre acceptable son adhésion à l'opération de restructuration et qu'elle était dès lors nécessaire à la réalisation de cette opération.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, que les soultes octroyées à M. et Mme B... n'ont eu aucune autre finalité que de leur permettre d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par la SC Sillage et qu'en stipulant l'octroi de ces soultes, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que les requérants auraient normalement supportées. M. et Mme B... ne sont dès lors pas fondés à soutenir que c'est à tort que le service a remis en cause le report d'imposition dont ils avaient entendu bénéficier, sur le fondement de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, à raison des soultes octroyées par la SC Sillage.

Sur le bien-fondé des pénalités de 80 % :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

12. En premier lieu, il résulte des circonstances exposées aux points 7 à 9, dont il se prévaut pour justifier les pénalités de 80 % infligées à M. et Mme B... sur le fondement des dispositions précitées du b. de l'article 1729 du code général des impôts, que le ministre établit que les requérants entrent dans les prévisions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Le ministre se prévaut par ailleurs de ce qu'ils sont les uniques bénéficiaires des soultes en litige, qui leur ont été accordées par la SC Sillage, dont ils détiennent l'intégralité du capital et qu'ils ont eux-mêmes constituée dans le cadre d'une opération d'apport de titres dont ils ont eu l'initiative. Dans ces conditions, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé des pénalités qui ont été infligées à M. et Mme B....

13. En second lieu, d'une part, les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts proportionnent la majoration qu'elles instituent aux agissements commis par le contribuable. La loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés. D'autre part, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration fiscale inflige à un contribuable, de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue. Par suite, compte tenu des pouvoirs dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge, qui se prononce sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux, exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer la majoration et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir la majoration, soit d'en prononcer la décharge. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas compatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation des taux de l'amende qu'elles prévoient.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes. Leurs conclusions à fins de décharge et d'annulation doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'ils ont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 27 juin 2025.

Le rapporteur,

O. LEMAIRE

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 24PA03462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03462
Date de la décision : 27/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BALDO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-27;24pa03462 ?
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