Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 18 février 2020 par laquelle le président du conseil départemental du Gard a refusé de reconnaître comme imputables au service ses arrêts de travail du 27 novembre au 15 décembre 2019 et du 16 janvier au 29 février 2020 et l'a placée, pour ces périodes, en congé de maladie ordinaire, d'enjoindre au président du conseil départemental du Gard de prendre une décision reconnaissant l'accident de service qu'elle a subi et lui octroyant un congé pour invalidité temporaire imputable au service dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de mettre à la charge du département du Gard la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 200979 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 18 février 2020 du président du conseil départemental du Gard, lui a enjoint de se prononcer à nouveau sur la situation de Mme B... dans un délai de trois mois, a mis à la charge du département le versement à Mme B... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juin 2021, sous le n°21MA02398 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL02398, Mme B..., représentée par Me Passet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 mai 2021 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'injonction principale ;
2°) d'annuler la décision du 18 février 2020 refusant la reconnaissance d'accident de service et la plaçant en congé de maladie ordinaire ;
3°) d'enjoindre au département du Gard de prendre une décision reconnaissant l'accident de service et lui octroyant un congé pour invalidité temporaire imputable au service dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du département du Gard une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur les moyens de légalité interne permettant de prononcer l'injonction formulée à titre principal tendant à la délivrance de la décision de reconnaissance d'accident de service ;
- la présomption d'imputabilité posée par l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, déjà reconnue par la jurisprudence, a pour conséquence que l'accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions présente le caractère d'un accident de service, son accident du 27 novembre 2019, consistant en une agression verbale de la part d'une collègue de travail, survenu sur le lieu et dans le temps du service est, en conséquence, un accident de service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2021, le département du Gard, représenté par le cabinet BRL Avocats, agissant par Me Pouillaude, conclut au rejet de la requête d'appel, au rejet de la requête de première instance, par l'effet dévolutif de l'appel et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté et qu'aucun des moyens invoqués en appel et en première instance n'est fondé.
Par une ordonnance du 8 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pouillaude, représentant le département du Gard.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., recrutée au sein des services du département du Gard le 1er mai 2010 en qualité d'assistante administrative médico-sociale, a été affectée provisoirement à compter du 15 mars 2018 au ..., qui a fait l'objet d'une réorganisation et d'un déménagement. Le 27 novembre 2019, Mme B... a été vivement interpellée dans son service par une collègue de travail et s'est rendue chez son médecin qui lui a délivré un arrêt de travail jusqu'au 15 décembre 2019 au motif d'un " stress émotionnel majeur " à la suite d'une " agression au travail (d'après ses dires) ". Par un arrêté du 23 décembre 2019, le président du conseil départemental du Gard l'a suspendue de ses fonctions à compter du 30 décembre suivant. Mme B... a été hospitalisée le 13 janvier 2020 au sein de la clinique psychiatrique de Quissac. Par une décision du 18 février 2020, le président du conseil départemental du Gard a refusé de reconnaître comme imputables au service ses arrêts de travail du 27 novembre au 15 décembre 2019 et du 16 janvier au 29 février 2020 et l'a placée, pour ces périodes, en congé de maladie ordinaire. Par un jugement du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 18 février 2020, a enjoint au président du conseil départemental du Gard de se prononcer à nouveau sur la situation de l'agent dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge du département une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande principale d'injonction.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsque le requérant choisit, en première instance, de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée.
3. En l'espèce, toutefois, la circonstance que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige et qu'il a ainsi statué sans se prononcer de manière expresse sur les autres moyens comme il lui est loisible de le faire, n'est pas de nature à établir que les premiers juges n'auraient pas procédé à l'examen prioritaire des moyens de légalité interne soulevés par Mme B.... Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 21 bis I et II de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) II. Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ".
5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Doit être regardé comme un accident un évènement précisément déterminé et daté, caractérisé par sa violence et sa soudaineté, à l'origine de lésions ou d'affections physiques ou psychologiques qui ne trouvent pas leur origine dans des phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaines.
6. Mme B... soutient avoir subi, le 27 novembre 2019 sur le lieu et dans le temps du service, une agression verbale de la part d'une collègue de travail, à l'origine d'un choc émotionnel. Elle a détaillé cette altercation dans sa déclaration d'accident de service. Toutefois, hormis sa seule déclaration, aucun élément, notamment aucun témoignage, ne vient corroborer la nature et la portée des propos alors échangés, dont Mme B... se plaint de la part de sa collègue, et notamment pas les certificats de son médecin traitant des 27 novembre 2019 et 11 janvier 2021 qui se bornent à rapporter ses propos. De même, le courrier électronique de sa cheffe de service du 13 décembre 2019, qui insiste sur la nécessité que la reprise du travail de Mme B... soit accompagnée et encadrée afin qu'elle ne soit pas isolée, se limite à faire référence " au contexte de son départ " du service. Le compte-rendu d'examen d'admission à la clinique psychiatrique de Quissac du 24 janvier 2020, s'il mentionne le fait qu'elle a été mise en arrêt pour accident de travail par son médecin traitant pour " des conflits avec une collègue ", indique également que la patiente est prise en charge pour syndrome dépressif secondaire à une suspension de poste. Par suite, l'évènement violent et soudain allégué, dans la mesure où il ne repose que sur les seules déclarations de l'intéressée, ne peut être tenu pour établi. Par voie de conséquence, le stress émotionnel subi par Mme B... ne peut être regardé comme présentant le caractère d'un accident de service.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué, en tant que ce dernier n'a pas fait droit à sa demande principale d'injonction.
Sur l'appel incident du département :
8. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision du 18 février 2020 qualifiant les arrêts de travail de Mme B... comme des congés de maladie ordinaire, ne vise aucun texte législatif ou réglementaire. Par suite, elle est insuffisamment motivée et le département du Gard n'est, en conséquence et en tout état de cause, pas fondé à solliciter, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de la requérante devant le tribunal.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Gard, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme au département du Gard au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Gard sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au département du Gard.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la préfète du Gard, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL02398