Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Expert Immo a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le maire de Montredon-des-Corbières lui a refusé un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de sept lots.
Par un jugement n° 1904983 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande et a mis à la charge de la société Expert Immo une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 août 2020 sous le n° 20MA03185 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03185 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société à responsabilité limitée Expert Immo, représentée par Me Boillot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904983 du 30 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Montredon-des-Corbières du 18 juillet 2019 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au maire de Montredon-des-Corbières de lui délivrer le permis d'aménager sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montredon-des-Corbières une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'agissant de l'accès au projet ;
- il est également entaché d'une erreur d'appréciation s'agissant de la desserte du projet par les réseaux publics d'eau potable et d'assainissement ; le maire s'est par ailleurs estimé lié par l'avis rendu par le service gestionnaire de ces réseaux.
Une mise en demeure a été adressée à la commune de Montredon-des-Corbières le 25 juillet 2022.
Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Boillot, représentant la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La société Expert Immo a sollicité, le 29 avril 2019, un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement composé de sept lots destinés à la construction d'habitations sur les parcelles cadastrées section BA 57, 59 et 69, situées au lieu-dit " Pech Montredon ", sur le territoire de la commune de Montredon-des-Corbières (Aude). Par un arrêté du 18 juillet 2019, le maire de cette commune a refusé de lui accorder le permis d'aménager sollicité. Par la présente requête, la société Expert Immo relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 25 juillet 2022 par la voie de l'application " Télérecours ", la commune de Montredon-des-Corbières n'a produit aucun mémoire en défense avant la clôture de l'instruction. Ainsi, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient toutefois au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant. En outre, l'acquiescement aux faits est en lui-même sans conséquence sur la qualification juridique au regard des textes sur lesquels l'administration s'est fondée ou dont le requérant revendique l'application.
3. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour refuser le permis d'aménager sollicité par la société Expert Immo, le maire de Montredon-des-Corbières s'est fondé, d'une part, sur ce que le projet de lotissement méconnaissait certaines dispositions du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone agricole dans laquelle il doit être partiellement implanté, d'autre part, sur ce que l'accès au projet par la route départementale n° 6113 serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique et, enfin, sur ce que le terrain d'assiette du projet n'était pas desservi par les réseaux publics de distribution d'eau potable et d'assainissement, lesquels ne présentaient par ailleurs pas une capacité suffisante pour une telle desserte.
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'administration et au juge, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte de la probabilité de réalisation de ces risques et de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Lorsqu'un projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui permettraient d''assurer la conformité du projet sans y apporter des modifications substantielles nécessitant le dépôt d'une nouvelle demande.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'accès au lotissement projeté a été prévu sur la route départementale n° 6113 reliant Narbonne à Carcassonne, laquelle est classée route de première catégorie à grande circulation et itinéraire de transports exceptionnels. Dans son avis rendu sur le projet le 21 juin 2019, le président du conseil départemental de l'Aude a notamment souligné que la circulation automobile était très importante sur cette voie située en dehors de l'agglomération et que les vitesses pratiquées par les véhicules y restaient élevées en dépit des limitations règlementaires. Il a également estimé que, malgré la présence d'une ligne continue sur cette route, il existait un risque important de " cisaillement " de la voie par les habitants du lotissement lors de leurs entrées et sorties et, par voie de conséquence, un risque d'accident au regard de la configuration des lieux. Si la société Expert Immo relève que l'accès prévu donne sur une ligne droite, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'un virage situé à moins de cent mètres en direction de l'est restreint la visibilité pour les usagers. Dans ces conditions, la seule installation d'un panneau de signalisation, proposée par la société requérante, ne saurait être regardée comme suffisante pour garantir la sécurité des conditions d'accès au lotissement par la route départementale n° 6113. En conséquence, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme que le maire de Montredon-des-Corbières a pu opposer les risques liés à l'accès pour rejeter la demande de permis d'aménager.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. ". Il résulte de ces dispositions que le permis doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte du projet et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité ou par quel concessionnaire ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
7. Selon l'article UC 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montredon-des-Corbières, applicable dans la zone UC au sein de laquelle se situe, pour sa majeure partie, le terrain d'assiette du projet : " Desserte par les réseaux : / Alimentation en eau potable : / Toute construction ou installation doit être raccordée à un réseau public de distribution d'eau potable, suffisant et conforme, sauf les bâtiments n'en nécessitant pas par leur utilisation (garages, celliers). / Eaux usées : / Toute construction ou installation doit être raccordée par des canalisations souterraines au réseau collectif d'assainissement. / (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, lorsqu'il a été consulté sur le projet de la société Expert Immo, le service " eau et assainissement " de la communauté d'agglomération du Grand Narbonne a indiqué, par un avis émis le 8 juillet 2019, d'une part, que le terrain d'assiette du projet n'était pas desservi par les réseaux d'eau potable et d'assainissement et, d'autre part, que les deux réseaux en cause n'avaient pas une capacité suffisante pour assurer sa desserte. En se bornant à produire un procès-verbal de constat d'huissier établi le 2 novembre 2018 attestant de la présence de regards d'arrivée et d'évacuation des eaux sur une propriété voisine, la société requérante n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à contredire les mentions de l'avis du service gestionnaire s'agissant de la capacité insuffisante de ces deux réseaux. Dès lors que la collectivité publique n'avait pas le projet de procéder aux travaux de renforcement nécessaires, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation et sans s'estimer lié par l'avis sus-évoqué que le maire de Montredon-des-Corbières, après avoir accompli les diligences requises, a pu se fonder sur ce second motif pour refuser de délivrer le permis sollicité.
9. Il résulte de ce qui précède, alors au surplus que la société Expert Immo ne critique pas le bien-fondé du motif de refus tiré de la méconnaissance de certaines dispositions du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone agricole, que ladite société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation et n'implique aucune mesure d'exécution particulière au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montredon-des-Corbières, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Expert Immo au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Expert Immo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Expert Immo et à la commune de Montredon-des-Corbières.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Aude, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 20TL03185