Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2103364 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 avril 2021 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la demande de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL21606, le préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que c'est à tort que, dans le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que l'arrêté du 13 avril 2021 était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. B... dès lors que :
- il appartient à l'autorité préfectorale d'apprécier discrétionnairement l'opportunité d'accorder une régularisation, celle-ci n'étant pas de droit ;
- Mme B... est entrée en France dans le cadre d'un simple visa de court séjour et n'a donc jamais eu vocation à se maintenir durablement en France ;
- les liens privés et familiaux de Mme B... ne sont pas de nature à justifier une régularisation à titre dérogatoire ;
- si l'époux de Mme B... présente des talents de photographe qui ont été récompensés par des prix et justifie d'une promesse d'embauche en tant que photographe, ces éléments ne constituent pas un motif suffisant pour permettre une admission exceptionnelle au séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Sadek, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.
Elle soutient, à titre subsidiaire, que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne est entaché d'illégalité dès lors que :
- il a été pris par une autorité incompétente ;
- cet arrêté, y compris la décision portant obligation de quitter le territoire français, est insuffisamment motivé ;
- sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- c'est à tort que le préfet de la Haute-Garonne lui a opposé le défaut de visa de long séjour pour rejeter sa demande de titre de séjour ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation du préfet de la Haute-Garonne dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
Par ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 octobre 2022.
Par une décision du 7 décembre 2022, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Un mémoire présenté pour Mme B... a été enregistré le 14 décembre 2022.
II. Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL21607, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2103364 du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Sadek, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 octobre 2022.
Un mémoire présenté pour Mme B... a été enregistré le 14 décembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 27 juillet 1988, est arrivée en France le 16 avril 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 20 janvier 2021 son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 13 avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Par une requête enregistrée sous le n° 22TL21606, il fait appel du jugement en date du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, faisant droit à la demande de Mme B..., a annulé son arrêté du 13 avril 2021. En outre, par la requête enregistrée sous le n° 22TL21607, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n° 22TL21606 et n° 20TL21607, présentées par le préfet de la Haute-Garonne, sont dirigées comme le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 22TL21606 :
3. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, mariée avec M. B... depuis le 26 février 2013, est entrée pour la dernière fois en France le 16 avril 2018, avec son époux et leurs deux enfants nés en 2014 et en 2017 et qu'un troisième enfant est né de cette union en janvier 2019. En outre, par un arrêt du même jour, la présente cour rejette la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse qui annulait l'arrêté du 13 avril 2021 rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, l'arrêté contesté du préfet de la Haute-Garonne porte une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de la vie privée et familiale par rapport au but en vue desquels cet arrêté a été pris et méconnaît les stipulations précédemment citées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 avril 2021.
Sur la requête n° 22TL21607 :
6. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 22TL21606 du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 juin 2022, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL21607 tendant à ce que la cour de prononce le sursis à exécution de ce jugement.
Sur les frais liés au litige :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme à verser à Mme B... ou à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 22TL21606 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22TL21607 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement.
Article 3 : Les conclusions de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme D... A... épouse B... et à Me Saliha Sadek.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 9 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Alain Barthez, président,
M. Nicolas Lafon, président assesseur,
Mme Virginie Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2022.
Le président rapporteur,
A. C...
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21606, 22TL21607