Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme F... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 mars 2017 par lequel le maire de Cassuéjouls a délivré à M. E... B..., au nom de l'Etat, un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée ... située au lieu-dit Mandy-Haut et d'ordonner la suspension des travaux, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1705223 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour avant renvoi :
Par une requête enregistrée le 5 décembre 2018 et des mémoires enregistrés le 4 juin 2019 et le 31 juillet 2019, sous le n°18BX04190 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, M. D... et Mme A..., représentés par Me Vimini, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Cassuéjouls 27 mars 2017 ;
3°) de mettre à la charge de M. B..., de l'Etat et de la commune de Cassuéjouls une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont bien intérêt pour agir dès lors qu'ils sont voisins immédiats du projet, qu'ils auront une vue directe sur celui-ci, que ce projet est de nature à porter atteinte à une servitude de captage permettant l'alimentation de leur habitation en eau potable, qu'il portera atteinte au paysage et qu'il sera générateur de nuisances en phase de travaux et après réalisation ;
- le permis de construire n'a été affiché sur le terrain d'assiette du projet que le 16 octobre 2017 et dans des conditions en outre irrégulières ;
- le dossier de demande du permis de construire litigieux était incomplet ;
- le permis de construire litigieux est entaché de vices de procédure dès lors que les avis de la direction départementale des territoires, de la chambre d'agriculture et du service départemental d'incendie et de secours n'ont pas été recueillis préalablement ;
- le projet nécessitait une permission de voirie ou à tout le moins l'accord du gestionnaire du domaine public ;
- le projet méconnaît les dispositions des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, R. 111-2 du code de l'urbanisme et 153-4 et 155-1 du règlement sanitaire départemental dès lors qu'il est implanté à moins de 50 mètres des bâtiments d'élevage situés sur la parcelle se trouvant au sud du terrain d'assiette et à moins de 35 mètres d'une source d'eau potable ;
- le projet méconnaît les dispositions des articles L. 111-3 du code de l'urbanisme, R. 111-14 du même code et L. 145-3 du même code dès lors qu'il ne se situe pas dans les parties urbanisées de la commune, est de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants et n'est pas nécessaire à une activité agricole ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte aux moyens et fins de non-recevoir invoqués en première instance par le préfet de l'Aveyron.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juin 2019 et 20 août 2019, M. B..., représenté par Me Petitjean, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à ce que la cour ordonne la régularisation du permis de construire litigieux dans le cadre d'un permis modificatif et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les requérants n'ont pas d'intérêt à agir ;
- la demande de première instance était tardive ;
- les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du règlement sanitaire départemental sont inopérants ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 18BX04190 du 9 juillet 2020 la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel de M. D... et Mme A....
Procédure devant le Conseil d'État :
Par une décision n° 441942 du 22 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par les intéressés, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux où elle a été à nouveau enregistrée sous le n° 21BX03258 et ensuite sous le n° 21TL23258 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État :
Par des mémoires en défense, en reprise d'instance après cassation, enregistrés les 30 octobre 2021 et le 20 avril 2022, M. B..., représenté par Me Petitjean, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à ce que la cour ordonne la régularisation du permis de construire litigieux dans le cadre d'un permis modificatif et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient les mêmes fins de non-recevoir et les mêmes moyens de défense que précédemment.
Par un mémoire enregistré le 28 mars 2022, en reprise d'instance après cassation, M. D... et Mme A..., représentés par Me Vimini concluent aux mêmes fins que dans leurs précédentes écritures et demandent, dans le dernier état de leurs écritures, qu'une somme de 9 000 euros soit mise à la charge de M. B..., de la commune de Cassuejouls et de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Ils soutiennent les mêmes moyens que précédemment.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2022, en reprise d'instance après cassation, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable dès lors que les requérants n'ont pas d'intérêt à agir ;
- il s'en rapporte aux moyens invoqués en première instance par le préfet de l'Aveyron.
Par ordonnance du 21 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée le 19 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 20 février 1974 portant délimitation de zones de montagne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Vimini, représentant M. D... et Mme A... ;
- et les observations de Me Petitjean, représentant M. B....
Une note en délibéré, présentée par M. D... et Mme A..., repésentés par Me Vimini, a été enregistrée le 19 mai 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 août 2016, le maire de Cassuéjouls (Aveyron) a délivré à M. B..., au nom de l'Etat, un certificat d'urbanisme opérationnel pour la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée ... située au lieu-dit Mandy-Haut. Le 13 février 2017, M. B... a déposé une demande de permis de construire, qui lui a été délivré par le maire, au nom de l'Etat, par un arrêté du 27 mars 2017. Sur demande de M. D... et Mme A..., le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, par une ordonnance n° 1705222 du 4 décembre 2017, a suspendu l'exécution de ce permis de construire. Toutefois, par un jugement n° 1705223 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. D... et Mme A... tendant à l'annulation de ce permis de construire comme irrecevable faute de justifier d'un intérêt à agir. Par une ordonnance n°19BX00696 du 21 mars 2019, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a suspendu l'exécution du permis de construire délivré le 27 mars 2017 à M. B.... Par un arrêt n° 18BX04190 du 9 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel au fond contre ce jugement formé par M. D... et Mme A..., au motif de l'irrecevabilité de la demande de première instance en l'absence d'intérêt pour agir. Toutefois, cet arrêt a été annulé par une décision n° 441942 du 22 juillet 2021 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, qui a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé en litige doit être implanté à un peu moins de 100 mètres de la maison d'habitation de M. D... et Mme A..., sur un terrain situé en surplomb de celle-ci et dont il est séparé par une route bordée d'arbres. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des photographies versées aux débats, que les appelants n'auront, depuis leur maison d'habitation, aucune vue directe sur ce projet alors que la vue existante depuis la cour de leur propriété, au demeurant de faible ampleur, sera également obstruée par les arbres. Par ailleurs, la circonstance que M. D... et Mme A... seraient les voisins les plus proches du projet en litige dans ce secteur isolé de la commune ne saurait suffire à leur conférer un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige.
5. D'autre part, il est constant que M. D... et Mme A... bénéficient sur le terrain d'assiette du projet en litige d'une servitude de captage de l'eau de la source constitutive de la seule alimentation en eau potable de leur maison. Pour justifier de leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire délivré à M. B..., les intéressés font valoir que la construction porte atteinte à l'approvisionnement de cette source et invoquent les risques d'amoindrissement du débit et de la qualité de la source induits par le projet autorisé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise judiciaire en date du 20 janvier 2021, que ladite source, située à plus de dix mètres de profondeur, n'est pas située sous l'emprise au sol de la future habitation, que le système de traitement d'assainissement, à plus de 60 mètres de la limite divisoire de la parcelle de M. D..., ne présente aucun risque pour la source, compte tenu de l'absence de rejet des eaux usés en milieu naturel et qu'en outre, selon les propres dires de M. D... devant le sapiteur retranscrits dans ce rapport, la ressource en eau n'est pas atteinte et le débit et la qualité des eaux sont inchangés. Par ailleurs, si les appelants font état d'éboulements du tunnel survenus lors des travaux de terrassements de la construction autorisée, l'intérêt pour agir d'un requérant contre un permis de construire s'apprécie au vu des circonstances de droit et de fait à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures. Au demeurant, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté, que la ressource en eau et la zone de captage n'ont pas été atteintes par les travaux dont s'agit et que l'approvisionnement et la qualité des eaux demeurent identiques, eu égard aux points identifiés de localisation de cette source alors que le rapport d'expertise judiciaire relève également que les désordres affectant l'ouvrage tunnelier trouvent leur origine dans sa composition et son évolution naturelle.
6. Dès lors et dans ces conditions, les appelants ne fournissent pas d'éléments suffisamment précis et probants permettant de considérer que le projet autorisé en litige serait susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien. Par suite, les intéressés ne peuvent être regardés comme justifiant d'un intérêt à agir contre l'arrêté en litige accordant le permis de construire à M. B.... Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur requête.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, et de la commune de Cassuéjouls, qui n'est pas partie à la présente instance, la somme que demandent les appelants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... et de Mme A... une somme globale de 1 500 euros au bénéfice de M. B... au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... et de Mme A... est rejetée.
Article 2 : M. D... et Mme A... verseront à M. B... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme F... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. E... B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023.
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 21TL23258 2