Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2021 par lequel la préfète de la Corrèze a prononcé son expulsion.
Par un jugement n° 2105256 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 juillet 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2022, la préfète de la Corrèze demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 8 juillet 2021.
Elle soutient que :
- M. Doligez, secrétaire général de la préfecture de la Corrèze, a reçu délégation le 1er septembre 2020 pour signer notamment tous les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers ;
- M. B... a été régulièrement convoqué pour être entendu par la commission d'expulsion ;
- la commission d'expulsion était régulièrement composée dès lors que le juge qui la présidait a été régulièrement désigné par la présidente du tribunal judiciaire de Tulle ;
- la décision d'expulsion ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Touboul, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête est irrecevable en raison de l'absence de qualité du signataire pour représenter le préfet.
Par ordonnance du 13 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malgache né le 7 janvier 1985, est entré régulièrement en France en 1999. Par un arrêté du 8 juillet 2021, la préfète de la Corrèze a prononcé son expulsion du territoire français. Elle relève appel du jugement du 1er mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B... :
2. Il ressort des pièces du dossier que la requête d'appel, enregistrée le 29 mars 2022, a été signée par M. Matthieu Doligez, secrétaire général de la préfecture de la Corrèze qui a reçu délégation, par arrêté préfectoral du 1er septembre 2020 régulièrement publié le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer notamment " tous les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers ainsi que la signature des mémoires et requêtes à produire devant les juridictions administratives et civiles touchant ces domaines ". Si M. Doligez a été nommé sous-préfet de l'arrondissement de Libourne (Haute-Garonne) par décret du 16 mars 2022, il n'a pris ses nouvelles fonctions que le 4 avril 2022. Par suite, la délégation de signature donnée à M. Doligez le 1er septembre 2020, qui a été abrogée par l'arrêté de la préfète de la Corrèze du 4 avril 2022 portant délégation de signature à M. Tarrega, secrétaire général de la préfecture, régulièrement publié le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture, continuait à produire ses effets le 29 mars 2022. La fin de non-recevoir opposée par M. B... doit ainsi être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que la composition de la commission d'expulsion était irrégulière, faute pour la préfète de la Corrèze d'avoir justifié de ce que M. Marc Rous, vice-président du tribunal judiciaire de Tulle chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention, qui présidait la commission chargée de l'examen de la situation de M. B..., disposait d'une délégation de la présidente du tribunal judiciaire de Tulle.
4. Aux termes de l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'expulsion ne peut être édictée que dans les conditions suivantes : (...) / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée : / a) du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; / b) d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département ; / c) d'un conseiller de tribunal administratif ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 9 septembre 2020 adressée à la préfète de la Corrèze, Mme Marie-Sophie Waguette, présidente du tribunal judiciaire de Tulle, a désigné M. A... aux fins de présider la commission d'expulsion.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont, pour annuler l'arrêté critiqué, considéré que la composition de la commission d'expulsion n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... :
7. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 2, M. Doligez, avait reçu délégation le 1er septembre 2020 aux fins de signer notamment l'arrêté critiqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté critiqué manque en fait et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir qu'il appartient à la préfète de la Corrèze de justifier du respect de la tenue de la commission d'expulsion dans des conditions conformes aux dispositions des articles L. 632-1 et L. 632-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... ne met pas à même la cour d'apprécier la portée de ce moyen.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. D'une part, si le requérant soutient qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de ses deux enfants mineurs de nationalité française, il ressort des pièces du dossier qu'il n'en justifie pas alors qu'il est constant qu'il n'avait, à la date de l'arrêté critiqué, aucun contact avec ses enfants et leur mère. D'autre part, le requérant, âgé de 36 ans à la date de l'arrêté en litige et qui est présent habituellement en France depuis 1999, a été condamné à six reprises entre 2010 et 2020, pour des faits d'agression sexuelle et d'exhibition sexuelle, des faits de circulation avec véhicule terrestre à moteur sans assurance, des faits de violence par une personne en état d'ivresse manifeste suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, des faits de récidive d'agression sexuelle, des faits de récidive d'agression sexuelle par une personne en état d'ivresse manifeste, des faits de harcèlement sexuel, des faits d'usage illicite de stupéfiants, des faits de non justification de son adresse par une personne enregistrée dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles et des faits de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou produits classés comme dangereux. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé réside en France depuis l'âge de quinze ans, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. En dernier lieu, il résulte des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Il résulte de ce qui a été exposé au point 10 que la mesure critiquée ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de M. B.... Par suite, le moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Corrèze est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 juillet 2021 prononçant l'expulsion de M. B....
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... sur ce fondement.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2105256 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2021 par lequel la préfète de la Corrèze a prononcé son expulsion est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
La rapporteure,
V. Restino
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22TL20881