Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Natixis a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer le remboursement du reliquat de la créance de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011 d'un montant de 545 402 euros qui lui a été cédée par la société RAGT Semences.
Par un jugement n° 1901275 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021 sous le n° 21BX04510 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL24510 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 14 avril 2022, la société Natixis, représentée par Me Letranchant, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer le remboursement du reliquat de la créance de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011 d'un montant de 545 402 euros qui lui a été cédée par la société RAGT Semences ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal administratif était recevable ;
- l'administration ne pouvait pas, sans avoir préalablement clôturé la procédure de rectification des déclarations de la société RAGT 2N au titre de l'année 2011 par l'envoi d'un avis de mise en recouvrement, opérer une compensation de recouvrement entre, d'une part, les rectifications apportées aux bases de calcul du crédit d'impôt recherche de l'année 2011 et, d'autre part, la créance de crédit d'impôt recherche qui était remboursable, dès lors que l'administration ne disposait pas d'une créance liquide et exigible au sens de l'article L. 257 du livre des procédures fiscales ;
- selon la doctrine administrative publiée au bulletin officiel des finances publiques - Impôts le 19 août 2020 sous la référence BOI-REC-PREA-10-30 n° 20, une dette ou une créance est considérée comme liquide et exigible lorsqu'elle est certaine dans son principe et dans son montant et que son titulaire est en droit de contraindre le débiteur au paiement sans qu'aucun obstacle ne l'en empêche ;
- selon la doctrine administrative publiée au bulletin officiel des finances publiques - Impôts le 22 janvier 2020 sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-10 n° 1, seul l'avis de mise en recouvrement permet au comptable public d'authentifier une créance fiscale non acquittée spontanément dans les délais légaux en application de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales.
Par deux mémoires, enregistrés le 9 février 2022 et le 19 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande devant le tribunal administratif était irrecevable en raison de la tardiveté de la réclamation préalable présentée le 19 décembre 2018 ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 21 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Leroy, représentant la société Natixis.
Considérant ce qui suit :
1. La société RAGT Semences, société mère d'un groupe fiscalement intégré, a déclaré un crédit d'impôt recherche d'un montant de 8 505 843 euros au titre de l'année 2011 à raison des dépenses de recherche exposées par la société RAGT 2N, sa filiale. Par convention du 24 juin 2014 conclue en application de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, la société RAGT Semences a cédé à la société Natixis la créance de crédit d'impôt d'un montant de 8 505 843 euros dont elle s'estimait titulaire. Cette cession a été notifiée à l'administration fiscale le jour même. Par une première réclamation, la société Natixis a sollicité le 2 septembre 2015 le remboursement de cette créance. L'administration a partiellement fait droit à cette réclamation, à hauteur de 7 960 441 euros, par une décision du 16 février 2016. Le 19 décembre 2018, la société Natixis a vainement présenté une seconde réclamation tendant à obtenir le remboursement du reliquat de cette créance, soit 545 402 euros. La société Natixis relève appel du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à obtenir le remboursement du reliquat de la créance de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011 d'un montant de 545 402 euros acquise auprès de la société RAGT Semences.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes de l'article 199 ter B du même code : " I. - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 36 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Sont compris dans le total des revenus servant de base à l'impôt sur le revenu les bénéfices obtenus pendant l'année de l'imposition ou dans la période de douze mois dont les résultats ont servi à l'établissement du dernier bilan, lorsque cette période ne coïncide pas avec l'année civile ". Aux termes du 2 de l'article 1668 du même code : " Il est procédé à une liquidation de l'impôt dû à raison des résultats de la période d'imposition mentionnée par la déclaration prévue au 1 de l'article 223. / S'il résulte de cette liquidation un complément d'impôt, il est acquitté lors du dépôt du relevé de solde au plus tard le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l'exercice (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ", aux termes du premier alinéa de l'article R. 190-1 du même livre : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition " et aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la demande de remboursement de la créance de crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, que la naissance du droit à remboursement de la fraction du crédit d'impôt-recherche non imputée constitue la réalisation de l'événement qui motive une telle réclamation, au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.
5. Il résulte de l'instruction que la société RAGT Semences n'a pas imputé, sur l'impôt sur les sociétés dû sur les résultats d'ensemble du groupe au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012, le crédit d'impôt recherche d'un montant de 8 505 843 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'année 2011 à raison des dépenses de recherche exposées par la société RAGT 2N. La créance correspondant à l'excédent du crédit d'impôt non imputé, constatée après la liquidation de l'impôt sur les sociétés dû par la société RAGT Semences au titre de l'exercice clos en 2012, n'a pas été utilisée pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Par conséquent, la fraction non utilisée de cette créance, soit 8 505 843 euros, est devenue remboursable après la liquidation de l'impôt sur les sociétés dû par la société RAGT Semences au titre de l'exercice clos le 30 juin 2015, intervenue à une date non précisée et au plus tard le 15 octobre 2015. Par conséquent, le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, qui était échu le 31 décembre 2017, était expiré lorsque le 19 décembre 2018 la société Natixis a présenté une réclamation tendant au remboursement du reliquat, d'un montant de 545 402 euros, de la créance de crédit d'impôt recherche que la société RAGT Semences lui avait cédée.
6. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Natixis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Natixis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL24510 2
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