Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la réduction, à hauteur de 29 755 euros, de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2018.
Par un jugement n° 1906644 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2021, sous le n° 21BX02778 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL22778 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires enregistrés le 13 juillet 2023 et le 4 septembre 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Ribes, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la restitution de la somme de 29 755 euros au titre du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement au titre de l'année 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le bénéfice non commercial réalisé par M. C... en 2019 est supérieur à celui réalisé en 2018 si l'on tient compte du changement de cadre juridique d'exercice de son activité, de sorte que la fraction de son bénéfice non commercial réalisé en 2018 qui n'a pas été prise en compte pour le calcul du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement a le caractère d'un revenu non exceptionnel et ouvre droit à ce crédit d'impôt ;
- la hausse du bénéfice non commercial de M. C... en 2018 par rapport aux trois années précédentes trouve son origine dans un surcroît d'activité ;
- dès lors que le bénéfice industriel et commercial réalisé par Mme C... en 2019 est supérieur à celui réalisé en 2018, la fraction de ce dernier qui n'a pas été prise en compte pour le calcul du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement a le caractère d'un revenu non exceptionnel et ouvre droit à ce crédit d'impôt ;
- en application du rescrit publié le 26 juin 2019 au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-RES-000052, ils peuvent bénéficier du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement à raison du bénéfice non commercial de M. C..., ses revenus cumulés au titre de 2019 étant supérieurs à son bénéfice non commercial réalisé en 2018.
Par deux mémoires, enregistrés le 23 décembre 2021 et le 9 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions de la requête ne sont recevables qu'à hauteur de 23 504 euros ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Ribes, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont bénéficié, en 2019, d'un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement d'un montant de 213 777 euros, qui a été imputé sur leur cotisation primitive d'impôt sur le revenu au titre de 2018. Estimant que ce crédit d'impôt était insuffisant, ils ont, par des réclamations des 26 juillet et 18 septembre 2019, sollicité un complément de ce crédit d'impôt d'un montant de 29 755 euros. Ils relèvent appel du jugement du 4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à obtenir la restitution de la somme de 29 755 euros au titre du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement pour l'année 2018.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. L'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, modifié par l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, instaure, à compter des revenus de l'année 2018 et pour ceux qui entrent dans son champ d'application, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est opéré, pour les revenus salariaux et les revenus de remplacement, par l'employeur ou l'organisme versant. Pour les autres revenus, en particulier ceux correspondant à des bénéfices professionnels, ce prélèvement prend la forme du versement d'acomptes. Les dispositions du paragraphe I de l'article 60 déterminent les modalités de ce prélèvement. Les dispositions de son paragraphe II fixent les modalités de la transition entre les règles antérieures de paiement de l'impôt sur le revenu et le prélèvement à la source, afin que les contribuables ne paient pas, en 2019, l'impôt sur le revenu dû à la fois sur les revenus de l'année 2018 et sur ceux de l'année 2019, en instituant un crédit d'impôt dit de modernisation du recouvrement ayant pour objet d'effacer le montant de l'impôt dû au titre de 2018 correspondant aux revenus non exceptionnels de cette année.
3. Aux termes du A du II de cet article 60 : " Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu ". Aux termes du E du II de ce même article : " 1. Le montant net imposable des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux à retenir au numérateur du rapport prévu au B du présent II pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A est déterminé, pour chaque membre du foyer fiscal et pour chacune de ces catégories de revenus, dans les conditions prévues à l'article 204 G du code général des impôts, à l'exception du 6° du 2 et du 4 du même article 204 G. / 2. Le montant défini au 1 du présent E, le cas échéant après application des abattements prévus aux articles 44 sexies à 44 septdecies du code général des impôts, est retenu dans la limite du plus faible des deux montants suivants : / 1° Le bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus aux mêmes articles 44 sexies à 44 septdecies ; / 2° Le plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus audits articles 44 sexies à 44 septdecies (...) / 3. En cas d'application du 2° du 2 du présent E, le contribuable peut obtenir un crédit d'impôt complémentaire dans les conditions suivantes : / 1° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est supérieur ou égal au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable bénéficie d'un crédit d'impôt complémentaire, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2019, égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ; / 2° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, mais supérieur au plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015,2016 ou 2017 retenus en application du 2° du 2, le contribuable bénéficie, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu au titre de 2019, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la différence entre : / a) Le crédit d'impôt calculé en retenant au numérateur du rapport prévu au B du présent II le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E ; / b) Et le crédit d'impôt déjà obtenu en application du 2 du présent E ; / 3° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable peut bénéficier, par voie de réclamation, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ou du 2° du présent 3, s'il justifie que la hausse de son bénéfice déclaré en 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l'année 2019 résulte uniquement d'un surcroît d'activité en 2018 (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que pour tenir compte de la possibilité qu'ont les travailleurs indépendants de procéder à des arbitrages sur les recettes et les charges servant à la détermination de leur bénéfice et ainsi maximiser leur bénéfice en 2018, le caractère non exceptionnel du bénéfice de 2018 est apprécié sur une période pluriannuelle. Ainsi, si un contribuable imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux réalise, au titre de l'année 2018, un bénéfice supérieur au plus élevé des montants de ses bénéfices de 2015, 2016 ou 2017, le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement dont il peut bénéficier est plafonné au niveau du montant le plus élevé de ces trois années, la différence étant réputée constituer un revenu exceptionnel. Si son bénéfice au titre de 2019 est plus élevé que celui de 2018, le bénéfice de 2018 est réputé ne plus être exceptionnel de sorte qu'il est octroyé de plein droit au contribuable un crédit d'impôt complémentaire effaçant l'intégralité de l'impôt qu'il a acquitté au titre de 2018 sur ce bénéfice. Si son bénéfice de 2019 est inférieur à son bénéfice de 2018 mais supérieur au plus élevé des bénéfices réalisés en 2015, 2016 et 2017, il lui est également octroyé de plein droit un crédit d'impôt complémentaire, limité à la différence entre le bénéfice le plus élevé des trois années de référence et le bénéfice réalisé en 2019. Il peut en outre, dans cette dernière hypothèse, présenter une réclamation à l'administration fiscale pour obtenir un complément de crédit d'impôt pour éliminer la totalité de l'impôt sur le revenu au titre de son bénéfice de 2018, sous réserve qu'il établisse que la part du bénéfice de cette année supérieure aux quatre années de référence correspond à un surcroît d'activité.
S'agissant du bénéfice non commercial réalisé en 2018 par M. C... :
5. Il résulte de l'instruction que les requérants ont déclaré que M. C... a réalisé des bénéfices non commerciaux au titre des années 2015 à 2018, pour des montants respectifs de 463 203 euros, 549 854 euros, 445 139 euros et 579 572 euros. En application des dispositions précitées des 1 et 2 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, l'administration a constaté que le bénéfice réalisé au titre de l'année 2018 était supérieur au plus élevé des bénéfices réalisés au cours de la période des trois années de référence, soit un bénéfice de 549 854 euros réalisé au titre de l'année 2016. Par conséquent, l'administration a considéré que le revenu non exceptionnel de l'année 2018 à prendre compte pour le calcul du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement s'élevait à 549 854 euros. Le reliquat, soit 29 718 euros, a été réputé constituer un revenu exceptionnel.
6. En premier lieu, les requérants soutiennent que ce reliquat doit être considéré comme un revenu non exceptionnel dès lors que le bénéfice réalisé par M. C... en 2019 est supérieur au montant de son bénéfice imposable de l'année 2018. Toutefois, cette circonstance, qui permettrait, si elle était établie, d'obtenir de droit, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu au titre de 2019, le crédit d'impôt complémentaire prévu par les dispositions du 1° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, est sans incidence dans le présent litige, qui concerne les modalités de calcul du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement attribué au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2018. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
7. En second lieu, les requérants soutiennent que ce reliquat doit être considéré comme un revenu non exceptionnel dès lors que le bénéfice non commercial réalisé par M. C... en 2018 résulte d'un surcroît d'activité. Toutefois, cette circonstance, qui permettrait, si elle était établie, d'obtenir, sur réclamation, le crédit d'impôt complémentaire prévu par les dispositions du 3° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, est sans incidence dans le présent litige, qui concerne les modalités de calcul du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement attribué au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2018. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
S'agissant du bénéfice industriel et commercial de Mme C... :
8. Il résulte de l'instruction que les requérants ont déclaré que Mme C... a réalisé un déficit industriel et commercial d'un montant de 16 031 euros au titre de l'année 2015, puis des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2016 à 2018 pour des montants respectifs de 4 277 euros, 19 630 euros et 33 252 euros. En application des dispositions précitées, l'administration a constaté que le bénéfice réalisé au titre de l'année 2018 était supérieur au plus élevé des bénéfices réalisés au cours de la période des trois années de référence, soit un bénéfice de 19 630 euros réalisé au titre de l'année 2017. Par conséquent, l'administration a considéré que le revenu non exceptionnel de l'année 2018 à prendre compte pour le calcul du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement s'élevait à 19 630 euros. Le reliquat, soit 13 622 euros, a été réputé constituer un revenu exceptionnel.
9. Les requérants soutiennent que ce reliquat doit être considéré comme un revenu non exceptionnel dès lors que le bénéfice industriel et commercial réalisé par Mme C... en 2019 est supérieur au montant de son bénéfice imposable de l'année 2018. Toutefois, cette circonstance, qui permettrait d'obtenir de droit, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu au titre de 2019, le crédit d'impôt complémentaire prévu par les dispositions du 1° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, est sans incidence dans le présent litige, qui concerne les modalités de calcul du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement attribué au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2018. Au demeurant, les requérants ont, à ce titre, bénéficié en 2020 d'un crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement complémentaire d'un montant de 6 251 euros. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
10. Les requérants, qui invoquent le changement de cadre juridique de l'activité de M. C... intervenu en 2019, ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du rescrit publié au bulletin officiel des finances publiques - Impôts le 26 juin 2019 sous la référence BOI-RES-000052, qui s'applique en cas de changement de cadre juridique dans lequel s'exerce l'activité au cours de la période 2015 à 2017, et non pas lorsqu'un tel changement s'est produit en 2019.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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