Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet de Vaucluse l'a expulsé du territoire français.
Par un jugement n° 2103402 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 23TL00763 le 31 mars 2023, M. A..., représenté par Me Febbraro, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet de Vaucluse l'a expulsé du territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la décision de la cour et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, est le père d'enfants français et est marié avec une ressortissante française depuis plus de quatre ans ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par ordonnance du 9 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 août 2023.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23TL00792 le 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Febbraro, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2103402 du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision de la cour sur sa requête au fond, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens d'annulation sur lesquels est fondée sa requête au fond présentent un caractère sérieux et que l'exécution de la décision de première instance va entraîner des conséquences difficilement réparables.
Par ordonnance du 9 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 août 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barthez,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 14 juillet 1984, est entré en France le 20 novembre 2010 sous couvert d'un visa long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français. Par un arrêté du 19 juillet 2021, le préfet de Vaucluse a décidé son expulsion du territoire français. M. A..., par la requête n° 23TL00763, fait appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2021. Par la requête n° 23TL00792, il demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.
2. Les requêtes n° 23TL00763 et n° 23TL00792 présentées par M. A... étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 23TL00763 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ". Aux termes de l'article L. 631-3 du même code, applicable au présent litige : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessée depuis le mariage ; 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...) / La circonstance qu'un étranger mentionné aux 1° à 5° a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu'il bénéficie des dispositions du présent article. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est marié depuis plus de quatre ans avec une ressortissante française et est le père d'enfants français mineurs résidant en France. S'agissant de la condition tenant aux dix ans de résidence régulière en France, il est entré sur le territoire français le 20 novembre 2010 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour et a ensuite bénéficié de titres de séjour ou d'autorisations provisoires de séjour. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a été incarcéré pour une durée totale de trois ans et quatre mois, du 8 mai 2013 au 7 mai 2014, puis du 22 novembre 2017 au 7 avril 2020. Les années passées en détention ne pouvant être prise en compte pour le calcul des dix ans mentionnés par les dispositions législatives précitées, M. A... ne remplit donc pas, à la date de l'arrêté contesté du préfet de Vaucluse, la condition de durée de la résidence régulière en France. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° et du 4° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit ainsi être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; 2° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...). / Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 22 novembre 2017 de manière définitive pour des faits de viol et d'agression sexuelle à une peine de huit ans d'emprisonnement. Par suite, cette peine étant supérieure à cinq ans d'emprisonnement, il entrait dans la dérogation énoncée au dernier alinéa de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'expulsion du territoire français.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est marié avec une ressortissante française et que de ce mariage sont issues trois filles nées en France respectivement le 27 mai 2012, le 8 décembre 2013 et le 22 mai 2020. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... a une formation de coiffeur, profession qu'il exerce depuis sa sortie de prison dans un salon de coiffure qu'il a ouvert à Courthézon (Vaucluse). Néanmoins, M. A... a été condamné le 22 novembre 2017 à une peine de huit ans d'emprisonnement pour des faits de viol et d'agression sexuelle. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de l'avis de la commission départementale d'expulsion de Vaucluse du 19 mars 2021, qu'il est incertain, contrairement à ce qui est allégué, qu'il ait pris conscience de la gravité de son acte. De plus, M. A... n'a pas respecté l'obligation d'indemniser la partie civile et qu'il ne manifeste aucune empathie pour la victime. Ainsi, eu égard à la gravité des faits qui ont entraîné une condamnation pénale et au suivi de l'intéressé tel que relevé notamment par la commission départementale d'expulsion de Vaucluse, la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, l'arrêté du 19 juillet 2021 n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père de trois enfants français, qu'il est revenu vivre au domicile familial à sa sortie de détention et qu'ainsi qu'il a été dit, son troisième enfant est né en 2020. Toutefois, il a été emprisonné pendant trois ans entre 2017 et 2020 et, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 8 du présent arrêt, le préfet de Vaucluse, en expulsant du territoire M. A..., n'a pas méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment ne permet de regarder l'arrêté contesté du préfet de Vaucluse comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent aussi être rejetées.
Sur la requête n° 23TL00792 :
13. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2103402 du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Nîmes, les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, une somme à verser à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 23TL00763 de M. A... est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL00792 de M. A... tendant au sursis à exécution du jugement n° 2103402 du 9 mars 2023.
Article 3 : Les conclusions de la requête n° 23TL00792 de M. A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
A. Barthez
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. LafonLe greffier,
F. Kinach
Le République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL00763, 23TL00792 2