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19/09/2024 | FRANCE | N°24TL00295

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 24TL00295


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2307488 rendu le 12 décembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse

a annulé l'arrêté du 8 décembre 2023, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2307488 rendu le 12 décembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 décembre 2023, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de Mme B... et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 12 décembre 2023.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé que la mesure d'éloignement en litige méconnaissait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant au seul motif que son fils était placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, alors que rien ne s'oppose à ce que l'enfant puisse retourner en Algérie avec sa mère.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, Mme C... B..., représentée par Me Moura, demande à être admise à l'aide juridictionnelle provisoire et conclut :

1°) à la confirmation du jugement attaqué ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si elle n'était pas admise à l'aide juridictionnelle, à lui verser personnellement au titre de ce seul article L. 761-1.

Elle fait valoir que :

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreurs de fait s'agissant de sa situation maritale et parentale, d'une erreur de droit au regard des 5° et 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- la même décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant refus de délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français et fixation du pays de renvoi sont privées de base légale ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la même décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant fixation du pays de destination se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux risques encourus en Algérie.

Par une ordonnance en date du 21 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juin 2024.

Par une décision du 17 mai 2024, Mme B... a obtenu le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- et les observations de Me Moura, représentant l'intimée.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne, née le 13 septembre 1984 à Alger (Algérie), serait entrée pour la première fois sur le territoire français au mois de mars 2010. Repartie dans son pays d'origine après avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement prononcée par le préfet de la Haute-Garonne le 12 mai 2011, l'intéressée y a donné naissance à un fils, nommé A... D..., né le 6 août 2014. Mme B... déclare être revenue sur le territoire français au mois de juin 2020, accompagnée de son fils A.... Elle a été interpellée par les services de police le 8 décembre 2023 pour vérification de son droit de circulation et de séjour. Par un arrêté pris le jour même de l'interpellation, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, l'a interdite de retour sur ce territoire pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement. Par un jugement rendu le 12 décembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de cet arrêté, enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme B... et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par la présente requête, le préfet de la Haute-Garonne interjette appel de ce jugement du 12 décembre 2023.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 17 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme B... le bénéfice du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de l'intéressée tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle au titre de cette même instance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant mentionne que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte des stipulations précitées que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais également à celles qui ont pour effet d'affecter leur situation d'une manière suffisamment directe et certaine.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du jugement en assistance éducative rendu par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Toulouse le 1er mars 2023, que le jeune A..., fils de Mme B..., alors âgé de presque sept ans, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Haute-Garonne le 3 août 2021, consécutivement à une sévère décompensation psychiatrique de la requérante ayant nécessité son hospitalisation en service spécialisé pendant plusieurs mois au cours des années 2021 et 2022. Depuis cette date, l'enfant est placé dans une famille d'accueil à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) avec un droit de visite médiatisé une fois par mois au bénéfice de sa mère. Par son jugement susmentionné du 1er mars 2023, le juge des enfants a renouvelé la mesure de placement du jeune A... ainsi que le droit de visite médiatisé de sa mère pour une durée d'une année supplémentaire courant du 31 mars 2023 au 31 mars 2024. Du fait de cette décision judiciaire et ainsi que l'a relevé le magistrat désigné, à la date de l'arrêté en litige, l'enfant de la requérante avait vocation à rester sur le territoire français au moins jusqu'au 31 mars 2024 et il ne pouvait donc pas repartir en Algérie avec sa mère. Il ressort par ailleurs d'une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse du 27 septembre 2023 que Mme B... exerce seule l'autorité parentale sur le jeune A... et il est constant que l'enfant n'a aucun lien avec son père contre lequel l'appelante a porté plainte pour violences conjugales et initié une procédure de divorce. Il ressort enfin des attestations établies par la responsable du service de l'aide sociale à l'enfance les 13 janvier 2022 et 11 décembre 2023, corroborées par le compte-rendu rédigé par l'assistante sociale du service hospitalier assurant le suivi médico-psychologique de Mme B..., que l'intéressée voit son fils de manière régulière à une fréquence récemment portée à deux fois par mois, qu'elle est présente à tous les rendez-vous proposés par le service et qu'il existe " un lien mère/enfant de qualité dont A... a besoin pour son développement ". Dans ces conditions, la mesure d'éloignement sans délai prise à l'encontre de la requérante porte atteinte à l'intérêt supérieur de son fils et c'est donc à bon droit que le premier juge a estimé qu'elle méconnaissait les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 décembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de son arrêté du 8 décembre 2023, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions en injonction présentées par l'intimée :

6. Le présent arrêt rejette l'appel du préfet de la Haute-Garonne et n'implique pas nécessairement qu'il soit fait droit aux conclusions en injonction de Mme B... alors que, par le jugement attaqué, il a déjà été enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intimée.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme B... ayant été admise à l'aide juridictionnelle au titre de la présente instance, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce et sous réserve de la renonciation de Me Moura à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser à Me Moura au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Moura sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme C... B... et à Me Moura.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24TL00295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00295
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : MOURA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;24tl00295 ?
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