Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 29 mars 2005, présentée pour la SOCIETE MULTICLO, dont le siège est situé rue Léo Lagrange BP 2261 à Saint-Marcel (27950), par la selarl Lefebvre Reibell et associés, avocats au barreau de Paris ; la SOCIETE MULTICLO demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0406289 en date du 24 février 2005 par laquelle le président de la troisième chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy à lui verser, d'une part, la somme de 71 334, 88 euros au titre de l'exécution d'un marché conclu avec cet établissement et, d'autre part, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation de ce marché ;
2°) de condamner l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy à lui payer les sommes susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'office public d'habitations à loyer modéré le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en estimant que sa demande était dépourvue de moyens, alors cette demande contenait un exposé des motifs pour lesquels l'entreprise estimait devoir obtenir le paiement du solde du marché conclu avec l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy ainsi qu'une indemnisation du préjudice subi à raison de l'irrégularité de la résiliation ; que la condition d'irrecevabilité manifeste n'étant pas remplie en l'espèce, c'est à tort que sa demande a été rejetée par l'ordonnance du 24 février 2005 ; que des difficultés sont apparues lors de la réalisation des travaux d'aménagement des espaces extérieurs de la cité Blanqui Est ; qu'elle a dû procéder à des reprises et à des adaptations en raison de déformations apparues sur des ouvrages, alors qu'elle avait initialement alerté le maître d'oeuvre sur la fragilité de la conception définie au cahier des clauses techniques particulières ; qu'elle a également été victime d'actes de vandalisme ; que la décision de l'office public d'habitations à loyer modéré en date du 10 octobre 2003 prononçant la résiliation du marché lui a été signifiée par voie d'huissier le 13 novembre 2003 ; que cette décision n'a jamais été portée à sa connaissance auparavant ; que la réception avec réserves en date du 20 octobre 2003 est donc intervenue en dehors de toute résiliation ; que cette résiliation est injustifiée, abusive et prononcée dans des conditions irrégulières ; que le décompte général de l'office public d'habitations à loyer modéré, notifié le 23 décembre 2003, comporte des abattements et des pénalités de retard qui sont injustifiés ; que dans son propre décompte, l'entreprise avait déjà déduit les prestations non réalisées de son fait ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2007 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;
- les observations de Me Karageorgiou, avocat, pour la SOCIETE MULTICLO et de Me Larrieu, avocat, pour l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'ordonnance du 24 février 2005 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (…) et les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes irrecevables pour défaut d'avocat, pour défaut de production de la décision attaquée, ainsi que celles qui sont entachées d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. » ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (…) » ;
Considérant que, devant le tribunal administratif, la SOCIETE MULTICLO, après avoir exposé de façon précise les circonstances de fait qui sont à l'origine du litige l'opposant à l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy, a indiqué qu'elle avait contesté « dans le cadre de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales » le décompte général qui lui avait été notifié et a fait valoir que les sommes dont elle demandait le paiement lui étaient dues par l'établissement susmentionné, d'une part, en exécution du marché de travaux portant sur l'aménagement des espaces extérieurs de la cité Blanqui Est et, d'autre part, en raison du caractère irrégulier et non fondé de la décision de résiliation du marché, prononcée par le maître de l'ouvrage ; qu'ainsi, eu égard aux termes de la demande dont le tribunal était saisi, la SOCIETE MULTICLO devait être regardée comme ayant nécessairement invoqué la méconnaissance par l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy des obligations contractuelles prévues par le marché ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé que sa demande ne reposait sur aucun fondement juridique et l'a rejetée comme irrecevable, en faisant application des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, cette ordonnance doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE MULTICLO devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions de la SOCIETE MULTICLO tendant à la condamnation de l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy :
En ce qui concerne la demande de paiement de la somme de 71 334, 88 euros au titre du règlement du marché :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : « L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (....) » ; qu'aux termes de l'article 13.45 du cahier susvisé : « Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 23 décembre 2003, l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy a adressé à la SOCIETE MULTICLO, titulaire du lot n° 4 afférent aux travaux de serrurerie du marché susmentionné, un ordre de service auquel était annexé le décompte général des travaux dont s'agit ; que la SOCIETE MULTICLO, qui a reçu notification de ce pli le 27 décembre 2003, a alors fait parvenir à l'office public d'habitations à loyer modéré une lettre en date du 8 janvier 2004 par laquelle elle exprimait son désaccord sur ce décompte en faisant valoir que les difficultés d'exécution ne lui étaient pas imputables et en contestant les pénalités de retard ; que toutefois, cette correspondance ne contenait aucune indication relative au montant des sommes dont le paiement était revendiqué et des retenues et abattements considérés comme injustifiés ; qu'en outre, elle ne permettait pas d'identifier la nature des travaux ou prestations qui auraient été omis dans le décompte général qui lui avait été notifié ; qu'à défaut du respect des prescriptions prévues par les stipulations de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales, la lettre susmentionnée du 8 janvier 2004 ne saurait constituer le mémoire de réclamation exigé par ce texte ; que la SOCIETE MULTICLO n'a fait parvenir aucune autre réclamation à l'office public d'habitations à loyer modéré dans le délai de trente jours applicable en l'espèce, s'agissant d'un marché dont le délai d'exécution était fixé à six mois par l'article 7-1 du cahier des clauses administratives particulières ; que le décompte général qui lui a été notifié le 27 décembre 2003 est donc devenu définitif ; que, dès lors, la SOCIETE MULTICLO n'est pas fondée à remettre en cause ce décompte en demandant la condamnation du maître de l'ouvrage à lui payer la somme de 71 334, 88 euros au titre de l'exécution du marché litigieux ;
En ce qui concerne la demande de réparation du préjudice résultant de la résiliation du marché :
Considérant qu'aux termes de l'article 49-1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : « (…) lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. (…) » ; que l'article 49-2 de ce cahier dispose : « Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée ou la résiliation du marché peut être décidée. » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 4 septembre 2003, l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy a invité la SOCIETE MULTICLO à procéder à la mise en conformité des ouvrages avec les stipulations du cahier des clauses techniques particulières ; que cette lettre, reçue par l'entreprise le lendemain, lui impartissait un délai de trois semaines et l'informait qu'à défaut de se conformer à cette mise en demeure, la résiliation du marché serait prononcée ; qu'il a été constaté, lors de la visite du 26 septembre 2003, que la SOCIETE MULTICLO n'avait pas réalisé les ouvrages dans le respect de ses obligations contractuelles ; que le maître de l'ouvrage était par suite fondé, eu égard aux manquements constatés, à prononcer la résiliation du marché à ses torts, comme le prévoient les stipulations précitées de l'article 49-2 ;
Considérant que, si la SOCIETE MULTICLO fait valoir que la décision de résiliation en date du 10 octobre 2003 lui a été signifiée par huissier le 13 novembre 2003, cette circonstance n'est pas, par elle-même, constitutive d'une irrégularité ; que l'entreprise n'a été privée d'aucune garantie et a été notamment représentée aux diverses visites de chantiers au cours desquelles le maître d'oeuvre a relevé qu'elle avait pris du retard dans l'exécution des travaux et que plusieurs ouvrages n'étaient pas conformes aux règles de l'art ; que les fautes de la SOCIETE MULTICLO ont donc justifié la mesure de résiliation qui, par suite, n'a ouvert aucun droit à indemnisation à son profit ;
Sur les conclusions de la SOCIETE MULTICLO tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE MULTICLO la somme qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SOCIETE MULTICLO le paiement à l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 24 février 2005 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE MULTICLO devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de l'office public d'habitations à loyer modéré de Bondy tendant à la condamnation de la SOCIETE MULTICLO au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 05VE00556 2