Vu, I, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 16 février 2006 sous le n° 06VE00337, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY dont le siège est situé 1 rue Jean Moulin - BP 106 à Montmorency (95160), représenté par son directeur en exercice, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le centre hospitalier demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0404248 en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à payer :
- à Mme Patricia Y et à M. Virginio X, en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure Anna X et sous réserve du recours exercé par la caisse primaire d'assurance maladie, une rente trimestrielle de 15 000 euros jusqu'à ce que leur enfant ait atteint l'âge de quinze ans ;
- à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise une somme de 1 329 895, 70 euros, cette somme devant être payée au fur et à mesure des débours de la caisse par imputation sur la moitié de la rente ;
2°) de rejeter les demandes de Mme Y et de M. X ;
Le CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont a été saisi le tribunal ; que c'est à tort qu'il a été reproché à l'établissement hospitalier de ne pas avoir diagnostiqué la souffrance foetale de l'enfant et d'avoir procédé à une césarienne tardivement ; que le tribunal s'est fondé sur des données qui sont celles du rythme cardiaque maternel et non celles du foetus ; que la sage-femme a apporté une surveillance attentive au déroulement de l'accouchement ; qu'elle a appelé le médecin aussitôt lorsqu'est survenue la bradycardie majeure à 18 H 30 ; que la césarienne a été pratiquée sans retard ; qu'ainsi, aucune faute ne peut être reprochée à l'hôpital ; que, subsidiairement, il n'est pas démontré que les reproches adressés à établissement seraient à l'origine du préjudice de l'enfant ; que le retard de croissance intra-utérin, l'hypotrophie foetale et l'anamnios peuvent être à l'origine de tout ou partie des séquelles ; que très subsidiairement, les indemnités allouées sont excessives ;
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Vu, II, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 20 février 2006 sous le n° 06VE00356, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL-D'OISE dont le siège est situé 2 rue des Chauffours à Cergy-Pontoise (95017), représentée par son directeur en exercice, par la scp Jean-Jacques Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL-D'OISE demande à la cour :
- de réformer l'article 2 du jugement susmentionné n° 0404248 en date du 15 décembre 2005 ;
- de condamner le Centre hospitalier d'Eaubonne-Montmorency à lui verser, d'une part, la somme de 97 264, 40 euros au titre des prestations déjà servies à la victime et, d'autre part, une rente au titre des prestations en nature futures qui lui sera versée au fur et à mesure de ses débours et dont le capital représentatif s'élève à la somme de 1 232 631, 40 euros ;
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL-D'OISE soutient que le jugement est entaché d'une erreur de droit, en tant que le tribunal a imputé sa créance sur la rente qu'il a accordée à Mme Y et à M. X ; que l'imputation n'est justifiée que s'il a été tenu compte des frais assumés par les caisses de sécurité sociale pour déterminer le montant de la rente ou si les prestations correspondantes font double emploi avec des éléments pris en compte lors de cette détermination ; qu'en l'espèce, les frais de la caisse ne pouvaient être imputés sur la part de la rente réparant l'atteinte à l'intégrité physique de l'enfant ; qu'il ressort des motifs du jugement que les dépenses supportées par la caisse et comprenant les hospitalisations, les consultations médicales, les frais pharmaceutiques, de radiologie et d'appareillage, les séances de rééducation fonctionnelle et d'orthophonie et les frais de transport n'ont été pris en compte par le tribunal lors du calcul de la rente ; que l'imputation prononcée dans ces conditions par le tribunal procède d'un raisonnement erroné en droit ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2007 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement du 15 décembre 2005, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déclaré le CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY totalement responsable des conséquences dommageables de l'accouchement de Mme Y et a condamné cet établissement à réparer les préjudices résultant, pour sa fille Anna X, des graves séquelles physiques et neurologiques dont elle est atteinte à la suite de sa naissance le 22 septembre 1999 ; que le CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY, qui conteste sa responsabilité et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL-D'OISE, qui soutient que ses droits à remboursement n'ont pas été intégralement pris en compte par le tribunal, interjettent appel de ce jugement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué comporte les éléments de fait et les motifs de droit sur lesquels les premiers juges se sont fondés pour déclarer que la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY se trouvait engagée ; que si l'établissement requérant soutient que ce jugement est insuffisamment motivé « au regard des conclusions dont le tribunal administratif était saisi de sa part », il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé éventuel ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme Y, enceinte de quarante et une semaines révolues, a été admise le 22 septembre 1999 à douze heures dans le service de gynécologie obstétrique du CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY en vue de mettre au monde son deuxième enfant ; que l'échographie réalisée à 15 heures 30 a confirmé que le foetus était en présentation de siège complet et a révélé un oligoamnios « confinant à l'anamnios » ; qu'il résulte des annotations portées sur le dossier de l'hôpital que si l'équipe médicale a envisagé de pratiquer une césarienne, elle n'a pas écarté la possibilité d'un accouchement par les voies naturelles ; que l'enregistrement du rythme cardiaque foetal a présenté des ralentissements à diverses reprises ; qu'à la suite d'une nouvelle bradycardie apparue à 18 heures 20, de la rupture des membranes à 18 heures 26 et en l'absence de récupération au niveau de la bradycardie foetale, il a été procédé en urgence à une césarienne ; que l'enfant, né à 18 heures 50, qui ne présentait pas d'autonomie sur le plan respiratoire, a été transféré en service de néonatalogie ;
Considérant que le tribunal, se référant au rapport d'expertise, a relevé que plusieurs ralentissements du rythme cardiaque du foetus s'étaient produits entre douze heures et 18 heures trente, que ces épisodes de bradycardie avaient provoqué une souffrance foetale à l'origine des altérations neurologiques irréversibles dont souffre l'enfant depuis sa naissance et que ces lésions étaient imputables au retard de l'équipe médicale à prendre la décision de pratiquer une césarienne ainsi qu'à une surveillance insuffisante d'un accouchement à risque ; que les premiers juges ont donc retenu à l'encontre de l'établissement hospitalier une faute de nature à engager totalement sa responsabilité ;
Considérant toutefois que le CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY invoque le caractère incomplet et imprécis des constatations des deux experts et fait valoir que leurs conclusions relatives aux causes des lésions neurologiques ne sont pas conformes aux données de la science ; qu'il produit, en s'en appropriant les termes, le rapport d'un professeur de médecine qui relève que les experts n'ont pas pris connaissance du dossier relatif à la surveillance médicale de la grossesse, n'ont pas envisagé l'hypothèse d'une cytopathie mitochondriale, ne se sont pas prononcés sur le « PH néonatal », n'ont exploré aucune « piste ante-natale » et n'ont pas décrit de façon précise les lésions dont l'enfant est atteinte ;
Considérant que le rapport d'expertise ne fournit pas d'informations suffisantes sur les ralentissements du rythme cardiaque foetal et, notamment, sur leur nombre et leur importance ; que si les deux experts concluent à un retard de l'équipe médicale à réagir aux épisodes de bradycardie dès leur apparition et affirment que ce retard a provoqué une souffrance foetale qui serait à l'origine des lésions cérébrales dont est atteinte la jeune Anna, ils ne fournissent aucun élément et aucune explication à l'appui de leurs affirmations ; que la cour ne trouve donc pas dans ce rapport d'éléments suffisants sur le lien de causalité entre le handicap dont souffre l'enfant et les circonstances de sa naissance ; qu'en outre, les éléments du préjudice corporel de l'enfant ne sont pas décrits avec une précision suffisante ; qu'il y a lieu, par suite, de surseoir à statuer et de prescrire une nouvelle expertise qui devra être confiée à un gynécologue obstétricien et à un médecin neuropédiatre ;
DECIDE :
Article 1er : Il sera procédé à une expertise par un gynécologue obstétricien et un médecin neuropédiatre. Ils auront pour mission :
1 ) de se faire communiquer le dossier médical du CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY concernant l'accouchement de Mme Patricia Y le 22 septembre 1999 ainsi que tous documents médicaux qu'ils estimeront nécessaires à l'accomplissement de leur mission ;
2 ) de prendre connaissance :
- d'une part, du rapport d'expertise enregistré au greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 1er décembre 2003, établi par le Professeur Bernard Z, neurologue, auquel est annexé le rapport d'expertise sapitale établi par le docteur Jean-Marc Emmanuelli, chirurgien gynécologue accoucheur ;
- d'autre part, du « rapport critique sur l'expertise médicale » établi par le professeur Claude A le 22 juin 2006 à la demande de la compagnie d'assurances du centre hospitalier susmentionné ;
- enfin, de tous documents utiles et notamment, s'ils l'estiment nécessaire, du dossier médical de la grossesse de Mme Y ;
3 ) de décrire les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'accouchement de Mme Y, d'indiquer les soins et examens pratiqués, de préciser les modalités selon lesquelles était organisée la surveillance de l'intéressée et de son enfant à naître ;
4 ) de fournir tous éléments permettant d'apprécier si des fautes, de quelque nature qu'elles soient, ont pu être commises lors de l'accouchement ; de dire à cet effet si Mme Y a bénéficié d'une surveillance suffisante compte tenu de son état, si les examens et les soins qu'elle a reçus ont été conformes aux données acquises de la science et réalisés selon les règles de l'art et si la césarienne a été réalisée dans un délai normal compte tenu de l'état de Mme Y et de l'évolution du rythme cardiaque du foetus ;
5 ) d'examiner et de décrire l'état de la jeune Anna X ;
6 ) de fournir tous éléments devant permettre de déterminer les causes des lésions neurologiques dont est atteinte la jeune Anna depuis sa naissance ; de préciser notamment si ces lésions peuvent avoir pour origine une souffrance foetale apparue le 22 septembre 1999, elle-même provoquée par les ralentissements du rythme cardiaque foetal survenus entre 12 heures et 18 heures 30 ;
7 ) d'indiquer l'ensemble du préjudice corporel dont est atteinte Anna X en précisant la durée de l'incapacité temporaire totale si elle existe, la date de consolidation si cette date peut être déterminée dès à présent, le taux de l'incapacité permanent partielle, l'intensité des souffrances, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et, d'une façon générale, tous chefs de préjudices résultant du handicap de l'enfant ;
8 ) d'examiner, s'ils l'estiment nécessaire, Mme Patricia Y ;
9 ) de présenter toutes observations qui leur paraîtraient de nature à éclairer la cour et à lui permettre d'apprécier les responsabilités éventuellement encourues ;
Article 2 : Pour l'accomplissement de leur mission, les experts pourront se faire communiquer toutes les pièces qu'ils estimeraient nécessaires, autres que celles énumérées à l'article 1er susvisé. Ils pourront également entendre toute personne ayant examiné et donné des soins à Mme Patricia Y pendant sa grossesse et ayant soigné l'enfant depuis sa naissance.
Article 3 : L'expertise se déroulera contradictoirement entre M. X et Mme Y, parents de la jeune Anna, le CENTRE HOSPITALIER D'EAUBONNE-MONTMORENCY et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL-D'OISE.
Article 4 : Les experts accompliront leur mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 5 : Les experts déposeront leur rapport au greffe en six exemplaires avant le 31 mars 2008.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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