Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2013, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Athon-Pérez, avocat ;
M. A...demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1002311 du 4 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 30 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'atteinte à sa liberté syndicale et de discriminations dont il aurait fait l'objet, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au rectorat de l'académie de Versailles de rétablir sans délai le libre exercice de son droit syndical ;
2° de condamner l'Etat à lui verser la somme susmentionnée ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur ses moyens tirés de l'atteinte à sa liberté syndicale et n'a statué que sur les moyens relatifs aux discriminations dont il a fait l'objet ;
- le jugement du tribunal administratif est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; en ce qui concerne l'atteinte à sa liberté syndicale, le proviseur a méconnu le décret du 28 mai 1982 en l'empêchant de bénéficier de son droit d'information mensuel et en empêchant une réunion de se tenir le 6 avril 2006, en interrompant une réunion syndicale le 15 février 2007, en refusant de mettre à la disposition du syndicat les locaux nécessaires, en portant atteinte à son droit de participer à une commission administrative paritaire académique du 29 juin 2009 en ne lui permettant pas de la préparer utilement, et en ne lui accordant pas la décharge syndicale à laquelle il avait droit ;
- en ce qui concerne les discriminations dont il a fait l'objet, le tribunal administratif a commis des erreurs de fait, le proviseur a méconnu son droit à une décharge syndicale, a stigmatisé ses propos tenus en conseil d'administration et a écarté ses motions, a méconnu son droit à des autorisations spéciales d'absence pour assister aux réunions des unions départementales du syndicat, a bloqué son avancement et sa carrière, a limité l'augmentation de sa notation pour 2009/2010 et a pris en compte ses activités politiques dans la gestion de sa carrière ;
- il a subi un préjudice de carrière ainsi qu'un préjudice moral pour lequel il demande réparation à hauteur de 30 000 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;
Vu le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2015 :
- le rapport de M. Pilven, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de Me Athon-Perez, pour M. A...;
1. Considérant que M.A..., professeur au lycée professionnel Arthur Rimbaud de Garges-lès-Gonesse, a demandé au recteur de l'académie de Versailles une indemnisation de 30 000 euros en réparation du préjudice de carrière et du préjudice moral qu'il estime avoir subis du fait de discriminations et d'entraves dans l'exercice de ses fonctions de représentant syndical, demande qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet par le recteur de l'académie de Versailles ; que par jugement du 4 février 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme en réparation des préjudices subis ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le requérant soutient qu'en ne se prononçant que sur les discriminations dont il allègue avoir fait l'objet et non sur les atteintes à sa liberté syndicale, le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une omission à statuer ; que, toutefois, le tribunal administratif a statué sur l'ensemble des fautes alléguées par le requérant en analysant la demande de l'intéressé comme tendant à engager la responsabilité de l'administration pour des faits de discrimination ; que le fait, pour le juge de première instance, de qualifier les fautes que le requérant reproche à l'administration d'une manière différente de celle invoquée par celui-ci dans sa requête ne constitue pas une irrégularité de nature à entrainer l'annulation du jugement mais se rapporte au bien fondé de la décision attaquée sur laquelle il appartient au juge d'appel de se prononcer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de la requête :
En ce qui concerne l'atteinte à la liberté syndicale :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 susmentionné : " L'administration doit mettre à la disposition des organisations syndicales représentatives dans le service ou groupe de services considéré, ayant une section syndicale, un local commun aux différentes organisations lorsque les effectifs du personnel de ce service ou groupe de services implantés dans un bâtiment administratif commun sont égaux ou supérieurs à cinquante agents. Dans toute la mesure du possible, l'administration met un local distinct à la disposition de chacune de ces organisations. (...) Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales représentatives sont normalement situés dans l'enceinte des bâtiments administratifs. Toutefois, en cas d'impossibilité, ces locaux peuvent être situés en dehors de l'enceinte des bâtiments administratifs. L'administration supporte, le cas échéant, les frais afférents à la location de ces locaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : " Les organisations syndicales représentatives sont en outre autorisées à tenir, pendant les heures de service, des réunions mensuelles d'information (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de ce décret : " La tenue des réunions mentionnées aux articles 4, 5 et 6 ne doit pas porter atteinte au bon fonctionnement du service ou entraîner une réduction de la durée d'ouverture de ce service aux usagers. Les demandes d'organisation de telles réunions doivent, en conséquence, être formulées au moins une semaine avant la date de la réunion " ; et qu'aux termes de l'article 15 dudit décret : " I.-Sur simple présentation de leur convocation ou du document les informant de la réunion de ces organismes, les représentants syndicaux, titulaires et suppléants, ainsi que les experts, appelés à siéger (...) au sein des comités techniques, des commissions administratives paritaires,(...), se voient accorder une autorisation d'absence ; (...) III.-La durée de l'autorisation d'absence comprend, outre les délais de route et la durée prévisible de la réunion, un temps égal à cette durée pour permettre aux intéressés d'assurer la préparation et le compte rendu des travaux (...) " ;
4. Considérant que M. A...soutient que le proviseur du lycée professionnel Arthur Rimbaud aurait porté atteinte à sa liberté de réunion syndicale en ne donnant pas son autorisation à la tenue d'une réunion d'information syndicale le 6 avril 2006, en interrompant une réunion syndicale d'information le 15 février 2007 pour la tenue de laquelle il avait pourtant obtenu un accord, en refusant de mettre un local à la disposition de son syndicat, en portant atteinte à son droit de participer à une réunion de la commission administrative paritaire académique du 29 juin 2009 et en tentant de méconnaitre son droit à décharge en raison de ses activités syndicales ;
5. Considérant, toutefois, que le proviseur a donné son accord pour la tenue d'une réunion d'information syndicale le 6 avril 2006, mais à compter de 16h30, pour des raisons de sécurité, et non à 8h30 comme le souhaitait l'intéressé ; qu'il n'a donc pas refusé la tenue de cette réunion mais a simplement pris les dispositions nécessaires pour que celle-ci ne remette pas en cause le bon fonctionnement du service, en application de l'article 7 du décret du 28 mai 1982 précité ; que, par ailleurs, M. A...n'indique pas en quoi l'organisation de cette réunion après 16h30 aurait créé des difficultés de nature à porter atteinte à son droit de réunion syndicale ;
6. Considérant, par ailleurs, que si le syndicat du requérant avait obtenu du proviseur, sur le fondement de l'article 5 du décret du 28 mai 1982 précité, l'autorisation d'organiser une réunion syndicale le 15 février 2007, cela ne dispensait pas les enseignants, souhaitant participer à cette réunion et devant normalement assurer leur service à la même heure, de déposer une demande préalable de s'absenter de leur classe ; que le requérant ne peut non plus sérieusement soutenir qu'en interrompant cette réunion afin de permettre aux professeurs participant à cette réunion d'assurer leurs cours aux heures prévues et de regagner leurs salles de classe pour s'occuper de leurs élèves, le proviseur aurait porté atteinte à sa liberté syndicale alors qu'il appartenait au contraire au proviseur de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'établissement en vertu de l'article 7 du décret du 28 mai 1982 précité ;
7. Considérant que si le proviseur a indiqué aux syndicats de l'établissement qu'il ne pouvait mettre un local à leur disposition en l'absence de locaux disponibles dans l'établissement, il a aussi précisé qu'il allait prendre contact avec la municipalité afin de trouver un local à l'extérieur de l'établissement, conformément aux dispositions de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 ; qu'il n'est pas contesté qu'en 2013, ce droit n'était toujours pas satisfait ; que, toutefois, à supposer que le droit du syndicat auquel appartient le requérant a été méconnu, M. A... n'indique pas en quoi cette faute de l'administration aurait été de nature à lui causer un préjudice personnel et direct ;
8. Considérant que le proviseur du lycée a accordé à M. A...une autorisation d'absence d'une demi-journée pour assister, en qualité de suppléant, à une réunion le
29 juin 2009 à 15h00 de la commission administrative paritaire académique ; que l'intéressé soutient qu'il aurait dû bénéficier de la totalité de la journée afin de préparer utilement cette réunion ; que, toutefois, il précise dans ses écritures que la réunion de la commission devait durer environ une heure trente et qu'il lui fallait environ trente minutes pour rejoindre le lieu de la réunion prévue à 15h00 ; qu'en vertu des dispositions du III de l'article 15 du décret du
28 mai 1982 susmentionné, il avait droit, en plus de la durée de la réunion et du délai de route, à un temps équivalent, soit à deux heures au titre de la préparation de la réunion puis de l'établissement du compte-rendu ; que, pour une réunion de la commission prévue à 15h00, il est constant que le requérant a disposé du temps nécessaire, prévu par l'article 15 du décret du 28 mai 1982 précité, réparti avant et après la réunion, ce qui permettait au proviseur, dans un souci de bon fonctionnement de l'établissement, de lui confier la surveillance d'un examen le
29 juin au matin ; que le proviseur n'a donc pas porté atteinte au droit de l'intéressé de participer à la réunion de la commission administrative paritaire académique ;
9. Considérant que si le requérant soutient que le proviseur aurait voulu lui imposer des heures supplémentaires, il ne l'établit pas en faisant seulement état d'un service prévisionnel auquel il n'a pas été donné suite ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté qu'il a bénéficié de deux heures de décharge au titre de ses activités syndicales ; que la circonstance que ces deux heures n'aient pas été ajoutées à un de ses collègues au titre d'heures supplémentaires n'a pas eu pour effet d'établir que le proviseur lui aurait imposé d'effectuer en seize heures le travail prévu pour dix-huit heures ;
En ce qui concerne les discriminations dont il aurait fait l'objet :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses (...) Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés au deuxième alinéa du présent article (...) " ; que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
11. Considérant que, pour les motifs mentionnés au point 9, la discrimination alléguée par l'intéressé au titre de ses décharges d'activité syndicale ne peut être retenue ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme le soutient M. A..., le proviseur aurait sollicité un de ses collègues pour établir qu'il aurait été absent le 18 septembre 2009, alors qu'il participait à une réunion de la commission exécutive de son syndicat, avec l'accord du proviseur, ou qu'il aurait été regardé en absence irrégulière à cette date par l'administration ;
13. Considérant que la circonstance que ses propos tenus en conseil d'administration aient été mis entre guillemets n'est pas en soi constitutive d'une discrimination ou d'une stigmatisation comme le soutient le requérant ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les comptes-rendus de conseil d'administration aient déformé ses propos, mis à part une rectification mineure demandée par le proviseur lui-même dans un courrier du 26 avril 2007 ;
14. Considérant que la circonstance que des collègues ou des amis de M. A...témoignent de ses qualités personnelles et que ses évaluations professionnelles étaient élogieuses n'est pas de nature à établir que l'avis réservé émis par le proviseur sur sa candidature aux fonctions de personnel de direction ait été fondé sur d'autres considérations que la manière de servir de l'intéressé, et que le proviseur ait pris en compte l'activité syndicale de ce dernier lorsqu'il a fait mention de ses prises de positions vis-à-vis de l'équipe de direction ;
15. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition réglementaire que M. A...pouvait prétendre pour l'année 2009/2010 à une augmentation de points identique ou supérieure à celles des années précédentes ; qu'aucun élément au dossier ne permet d'établir que l'engagement syndical de l'intéressé aurait été à l'origine d'une moindre augmentation de sa note pour l'année considérée ; que, par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet non plus d'établir que ses activités politiques aient été de quelque façon que ce soit prises en compte par l'administration pour la gestion de sa carrière ou pour l'établissement de ses notations ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité de l'administration ne peut être recherchée ni en raison d'atteintes à la liberté syndicale du requérant ni en raison de discriminations qu'il aurait subies de la part du proviseur du lycée ; que, dès lors, M. A... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande à fin d'indemnisation en réparation des préjudices allégués ;
Sur les dispositions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
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N° 13VE00925 2