Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2016, Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les arrêtés du 12 juillet 2016 par lesquels la préfète de l'Essonne a décidé de la remettre aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assignée à résidence.
Par un jugement n°1605016 du 15 juillet 2016, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de MmeD....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 mai 2016, Mme D...représentée par Me Nsimba, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement et les arrêtés attaqués ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " et le " formulaire OFPRA " dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation au titre de l'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme D...soutient que :
Sur l'arrêté de remise aux autorités belges :
- cet arrêté est entaché d'incompétence ;
- elle n'a pas pu bénéficier d'un interprète lors de l'entretien individuel en méconnaissance de l'article 5 du règlement 604/2013/UE ; elle ne comprend pas le français mais seulement le sango ; elle a seulement été assistée, à l'initiative de l'agent de la préfecture, par un autre demandeur d'asile présent dans la salle qui parlait un autre dialecte centrafricain que le sango ;
- l'entretien a été rapide et elle n'a pu s'exprimer, eu égard à l'absence de confidentialité, sur l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle et familiale et, notamment sur sa situation familiale et les conditions de son départ en hâte de la Centrafrique ;
- le formulaire d'entretien n'est que partiellement renseigné ;
- l'arrêté est fondé sur l'ancien règlement CE n° 343/2003 ; il vise en outre le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 et non le règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ; il ne vise pas le règlement 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison de empreintes digitales ; le fait que la préfecture se soit fondée sur un règlement inapplicable et n'ait pas fondé sa décision sur le règlement Eurodac rend sa décision illégale ;
- elle n'a pas reçu dans sa langue les informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les dispositions de l'article 5 de ce règlement, qui fixent de nouvelles obligations qui n'existaient pas dans l'ancien règlement n° 343/2003 mentionné dans la décision attaquée, n'ont pas été respectées ;
- elle n'a reçu aucune information dans sa langue sur le règlement Eurodac n° 603/2013 non visé dans la décision attaquée ;
- sa situation n'a pas été examinée, en violation des articles 16 et 17 du règlement 604/2013 ;
- sur le fond, la décision est entachée d'un défaut d'examen effectif de sa situation personnelle ;
- elle a été prise en violation des articles 16 et 17 du règlement n° 604/2013 compte tenu de sa situation exceptionnelle et humanitaire ;
- la préfète s'est estimée à tort en situation de compétence liée pour refuser une prise en charge par la France ;
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
- cet arrêté est illégal par voie d'exception.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne, rapporteur,
- et les conclusions Mme Rudeaux, rapporteur public.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante centrafricaine, née le 10 mars 1979 à Bangui, demande l'annulation du jugement n° 1605016 du 15 juillet 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté de la préfète de l'Essonne du 12 juillet 2016 décidant de sa remise aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile, d'autre part de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;
Sur la légalité de l'arrêté de remise aux autorités belges :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme C...B..., directrice de l'immigration et de l'intégration et signataire de l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de l'Essonne du 17 mai 2016, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer, pour les matières relevant de ses attributions, tous arrêtés, actes, décisions, pièces et correspondances à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces décisions auraient été signées par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (... ) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. " ;
4. Considérant que Mme D...soutient qu'elle ne comprend pas le français, qu'elle n'a pu bénéficier d'un interprète lors de l'entretien individuel et qu'elle n'a pas été informée de la procédure dans sa langue ; qu'il ressort toutefois des mentions portées sur le compte rendu de cet entretien, signé par MmeD..., que celle-ci a déclaré comprendre le français et le sango, qui sont les deux langues officielles en Centrafrique ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour la tenue de l'audience de première instance, ou, antérieurement, pour la notification à Mme D...des décisions administrative la concernant, l'assistance d'un interprète ait été demandée par l'intéressée, ni qu'elle aurait été nécessaire ; que la motivation du jugement contesté mentionne, au contraire, que la requérante a répondu spontanément en français aux questions qui lui étaient posées par le magistrat délégué ; que dans ces conditions, Mme D...ne peut être regardée comme ayant été privée d'une garantie du fait de l'absence d'un interprète pour l'assister au cours de l'entretien individuel ;
5. Considérant que Mme D...fait valoir que le formulaire d'entretien individuel n'a été que très partiellement renseigné en soulignant que : " la rubrique (bas de la page 3) des pays traversés, les dates et les durées de séjour est totalement vide, aucune des cases à la fin de la dernière page 5 n'ont été cochées et aucune précision de l'agent qui aurait mené l'entretien " ; qu'il n'est toutefois pas établi, ni même allégué, que la requérante n'aurait pas bénéficié, le 25 janvier 2016, à la préfecture d'Evry, de l'entretien individuel avec une personne qualifiée ; que Mme D...ne se prévaut d'aucune disposition prévoyant l'indication obligatoire de la qualité et de l'identité de l'agent préfectoral recevant l'étranger en entretien individuel ; que le compte rendu d'entretien mentionne une date d'entrée en France de l'intéressée au 26 novembre 2015, les " pays traversés déclarés " soit le Mali (Bamako) et la France, la détention par l'intéressée d'un visa d'entrée délivré par un Etat membre de l'espace Schengen autre que la France, soit les Pays-Bas, et la perte de son passeport par l'intéressée après son arrivée en France, ainsi que d'autres éléments déclarés par Mme D... permettant à l'autorité compétente de déterminer si la France, ou le cas échéant un autre Etat membre de l'espace Schengen devait se charger de l'examen de la demande d'asile de l'intéressée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces éléments ne correspondraient pas aux déclarations de la requérante, ou auraient été recueillis sans que celle-ci ait été réellement ou suffisamment entendue ; qu'ainsi, Mme D...ne peut être regardée comme ayant été privée de la garantie instituée par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la préfète de l'Essonne a fondé sa décision sur l'application des articles 12.4, 3.2 et 17 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, texte mentionné dans les visas de sa décision et qui était en vigueur à la date de la décision attaquée ; que la référence au règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, abrogé et remplacé par celui du 26 juin 2013, constitue une simple erreur matérielle ; que, par ailleurs, si la requérante fait valoir que l'arrêté attaqué vise le règlement CE n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 et non le règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, il ne ressort pas de la motivation de cette décision et il n'est d'ailleurs pas soutenu que cet arrêté serait fondé sur des dispositions du premier règlement qui ne seraient plus en vigueur du fait de l'adoption du second ; que le moyen tiré de l'erreur de base légale dont serait entachée la décision contestée doit être écarté ;
7. Considérant que si la requérante fait valoir que des dispositions de l'article 5 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui fixent de nouvelles obligations qui n'existaient pas dans l'ancien règlement n° 343/2003 CE du 18 février 2003, mentionné à tort dans la décision attaquée, n'ont pas été respectées, elle ne précise pas lesquelles de ces dispositions auraient été méconnues ; que le moyen qu'elle invoque, qui n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté ;
8. Considérant qu'il est constant que, lors de l'entretien individuel organisé en vue de l'examen de sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, les documents d'information A et B, intitulés respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " ont été remises à Mme D...en français ; que ces documents constituent la " brochure commune " (parties A et B) prévue par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et sont strictement conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui est l'un des actes réglementaires d'application du règlement 604/2013 ; qu'ils comportent l'ensemble des éléments d'information requis, d'une part, par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et, d'autre part, par le paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin et repris à l'article 29 du règlement UE n° 603/2013 qui s'y est substitué ; que le moyen tiré par la requérante de la violation de ces garanties d'information doit être écarté ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté litigieux, qui contient l'ensemble des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, que la préfète de l'Essonne, sur la base des éléments dont elle disposait, aurait procédé à un examen insuffisant ou incomplet de la situation de Mme D... avant de décider sa remise aux autorités belges ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 16 du règlement (UE) susvisé n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les Etats membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit " ;
11. Considérant que la requérante, qui ne fait état d'aucun membre de sa famille résidant légalement en France et dont elle serait dépendante ou qui serait dépendant d'elle, ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article 16 du règlement (UE) susvisé n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut être accueilli ;
12. Considérant qu'aux termes qu'aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " ;
13. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté litigieux que, comme le soutient la requérante, la préfète de l'Essonne se serait estimée en situation de compétence liée pour prononcer sa réadmission en Belgique et n'aurait pas fait usage de la compétence lui permettant, en application des dispositions citées au point 12, de décider que cette demande serait examinée au France ; que, d'autre part, si Mme D... évoque les " sévices graves subis dans son pays dont elle garde le traumatisme ", son parcours difficile en France où, victime de compatriotes qui ont cherché à l'exploiter, elle a vécu dans une situation de grande précarité, et si elle fait valoir son état de grossesse non désirée, sa décision d'abandonner l'enfant à naître, et son choix d'accoucher sous X, ce qui ne serait légalement pas possible en Belgique, ces circonstances ne permettent pas de considérer qu'en prescrivant sa remise aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile sans faire usage de sa faculté d'examen dérogatoire ouverte par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'autorité administrative aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'arrêté portant remise aux autorités belges n'est pas entaché d'illégalité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 juillet 2016 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé de sa remise aux autorités belges et l'arrêté du même jour par lequel la préfète de l'Essonne a décidé son assignation à résidence ; que doivent être rejetées, en conséquence, les conclusions présentées par la requérante aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
N°16VE02345 2