Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI DU 20 AVENUE FOCH a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des rappels de retenue à la source et des pénalités afférentes mis à sa charge au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, à concurrence des sommes de 430 000 euros, pour la période correspondant aux années 2008 et 2009, et de 216 362 euros, pour la période correspondant aux dix premiers mois de l'année 2010.
Par un jugement n°1405015 du 19 octobre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le
20 décembre 2015 et le 27 décembre 2017, la SCI DU 20 AVENUE FOCH, représentée par
Mes Prest et Beauvillard, avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement.
2° d'ordonner à l'administration de communiquer les éléments permettant d'identifier les termes de comparaison sur lesquels reposent les rectifications en litige ;
3° de prononcer la décharge sollicitée ;
4° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification n'est pas motivée, faute notamment de précision sur les caractéristiques des comparatifs et d'indication sur leur origine ;
- l'évaluation de la valeur vénale du bien immobilier ne permet pas d'apprécier le caractère normal du loyer qu'il dégage ;
- l'assiette de cette valeur vénale retient à tort le coût des aménagements et leur amortissement, comme s'il s'agissait d'un supplément d'actif ;
- la détermination de la valeur vénale de l'appartement par actualisation du prix d'achat majoré des travaux est inappropriée en cas d'acquisition faite 15 ans auparavant ;
- le taux d'évolution moyen du marché immobilier, recensé par la Chambre des Notaires dans le quartier de la porte Dauphine, est inadapté à la valorisation d'un bien d'exception ;
- la méthode suivie par l'administration est entachée de contradictions, puisqu'elle présume le caractère exceptionnel du bien et recourt à un taux d'évolution du marché
immobilier ;
- compte tenu de la durée de mise à disposition du bien d'une courte période au plus égale à trois mois par an, le loyer acquitté ne peut être qualifié d'anormal et ne peut conduire à l'existence d'un revenu distribué à raison de cette anormalité.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez,
- les conclusions de M. Toutain, rapporteur public.
1. Considérant que la SCI DU 20 AVENUE FOCH, propriétaire d'un appartement de 600 m2 à cette adresse à Paris, relève appel du jugement du 19 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au rétablissement du montant de ses résultats déficitaires au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et à la décharge de retenues à la source et des pénalités afférentes au titre des mêmes exercices, à raison de l'insuffisance du loyer acquitté, pour l'occupation de cet appartement, par un ressortissant saoudien qui était également son gérant et unique associé ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 57, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;
3. Considérant que lorsque l'administration informe un contribuable qu'elle envisage de réintégrer dans son revenu imposable une somme correspondant à des loyers regardés comme insuffisants, au regard de la valeur locative réelle des biens loués, il lui appartient de préciser, outre l'adresse et le taux de rentabilité moyen des immeubles retenus comme termes de comparaison, pour chacun de ces immeubles, le montant du loyer et la date du contrat de bail le stipulant, les principales caractéristiques physiques desdits immeubles et notamment la surface, le nombre d'étages et le nombre de pièces ;
4. Considérant que le vérificateur a, dans un premier temps, déterminé la valeur vénale du bien actualisée, au titre de chacune des trois années en litige, en additionnant, d'une part, son prix d'achat, en 1995, tel que réévalué, chaque année suivante, d'après les taux d'évolution moyens relevés dans le secteur de la Porte Dauphine d'après les statistiques fournies par la Chambre des notaires de Paris, d'autre part, la valeur des travaux d'aménagement et d'ameublements réalisés sur ce bien depuis son acquisition, dont le montant a lui-même été minoré d'un taux de dépréciation annuel de 6 % ; que le vérificateur a ainsi obtenu une valeur réelle actualisée, en 2010, de 10 300 000 euros ; qu'il a, ensuite, établi la valeur de rentabilité locative du bien, en procédant par comparaison avec le montant respectif pour l'année 2010 également, du loyer de six logements, situés à Paris, dans le 8ème ou le
16ème arrondissement, et à Neuilly-sur-Seine, tous de grand standing et dont les surfaces sont comprises entre 300 et 995 m², informations qui ont été obtenues notamment par exercice du droit de communication auprès d'agences immobilières parisiennes spécialisées dans les locations de biens dits " de prestige " et dont il est ressorti un prix moyen de location de 80 euros mensuels au m², faisant ainsi apparaître, une fois appliqué à un appartement de 600 m², une valeur locative annuelle de 576 000 euros et, une fois cette dernière rapportée à la valeur vénale susmentionnée de 10 300 000 euros, un taux de capitalisation de 5,6 ; qu'enfin, le vérificateur a appliqué à la valeur vénale actualisée de l'appartement au titre de chacune des trois années contrôlées, telle qu'établie dans un premier temps, le taux de capitalisation de 5,6 découlant de la deuxième, pour en déduire la valeur locative réelle du bien qui, comparée au loyer déclaré de 120 000 euros annuels, faisait ressortir une insuffisance de loyer, respectivement chiffrée à 439 248 euros en 2008, 425 140 euros en 2009 et 455 820 euros en 2010 ;
5. Considérant que si, concernant le taux de rentabilité obtenu à partir des comparatifs, les propositions de rectification du 8 juin 2011 mentionnent, en annexes 2, l'adresse des appartements meublés retenus en 2010 comme termes de comparaison, leur étage, leur superficie, le montant des loyers observés en 2010, et l'origine de ces informations, elles ne précisent pas la date du bail correspondant à ces loyers ni les caractéristiques physiques principales de ces appartements, et notamment pas le nombre de pièces, ni leur état ; que cette omission ne permettait pas à la SCI du 20 avenue Foch de s'assurer de la pertinence des termes de comparaison retenus et de formuler ses observations de façon utile ; que, d'ailleurs, la requérante a demandé et demande encore dans la présente instance, à l'administration de communiquer les éléments permettant d'identifier les termes de comparaison sur lesquels repose le redressement ; que, dès lors, l'administration ayant méconnu les exigences prescrites par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en cas de recours à la méthode comparative, les rectifications en litige sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI du 20 avenue Foch est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge des rappels de retenue à la source et des pénalités afférentes mis à sa charge au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, et à obtenir, par voie de conséquence, leur décharge ;
7. Considérant, en revanche, que les conclusions de la SCI du 20 avenue Foch tendant à ce qu'il soit ordonné à l'administration de produire tous éléments permettant d'identifier les termes de comparaison sur lesquels sont fondées les rectifications en litige, sont, au vu de ce qui précède, frustratoires et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, qui est, dans la présente instance, la partie perdante le versement à la
SCI du 20 avenue Foch une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1405015 du Tribunal administratif de Montreuil en date du
19 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : La SCI DU 20 AVENUE FOCH est déchargée des rappels de retenue à la source et des pénalités afférentes mis à sa charge au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010.
Article 3 : L'État versera à la SCI DU 20 AVENUE FOCH une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI DU 20 AVENUE FOCH est rejeté.
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N° 15VE03929