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01/03/2018 | FRANCE | N°16VE01920

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 01 mars 2018, 16VE01920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et lui a assigné un pays de retour.

Par un jugement n° 1602228 du 19 mai 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de délivrer au demandeur un titre de séjour en qualité d'étranger malade.

Procédu

re devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2016, le PREFET DE LA SEINE-SAIN...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et lui a assigné un pays de retour.

Par un jugement n° 1602228 du 19 mai 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de délivrer au demandeur un titre de séjour en qualité d'étranger malade.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2016, le PREFET DE LA SEINE-SAINT DENIS demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- la communication du sens des conclusions n'a eu lieu que le jour de l'audience ;

- en méconnaissance de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la note en délibéré du 2 mai 2016 ne lui pas été communiquée ;

- le secret médical s'opposait à ce qu'il ait eu connaissance de la pathologie de l'intimé ;

- il n'a pas méconnu les dispositions du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le système de soins au Congo-Kinshasa est en voie de progrès grâce à la coopération des instances de l'Organisation Mondiale de la Santé ;

- il n'est pas établi que les cinq médicaments prescrits par M. B... n'aient pas d'équivalents disponibles dans le pays de l'intimé.

.......................................................................................................

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par une décision du 29 septembre 2015, le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., ressortissant de la République Démocratique du Congo, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a assigné un pays de destination ; que le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision, par un jugement du 19 mai 2016, au motif que le défaut de prise en charge de la pathologie de M. B... entraînerait pour ce dernier, contrairement à ce qu'estimait le PREFET, des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le traitement approprié n'est pas disponible dans son pays d'origine ; que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 731-3 du code de justice administrative : " Postérieurement au prononcé des conclusions du rapporteur public, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré " ; que, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant de l'une des parties à l'instance, conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient en tous les cas d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision, ainsi que, au demeurant, de la viser sans l'analyser ; que, s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte après l'avoir visée et, cette fois, analysée, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette note contient, soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que, dans tous les cas où il est amené à tenir compte de cette note en délibéré, il doit soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans celle-ci en rouvrant l'instruction ;

3. Considérant qu'une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 2 mai 2016 ; qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal administratif a pris connaissance de cette note en délibéré ; que cette note ne contenant pas l'exposé ni d'une circonstance de fait dont son auteur ne pouvait faire état avant la clôture de l'instruction, ni d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devait relever d'office, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité, en s'abstenant de rouvrir l'instruction, après avoir pris connaissance de cette production, et de répondre au moyen qu'elle soulevait ;

Sur le fond :

4. Considérant qu'aux termes du 11 ° de l'article L. 313-11du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;

5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS soutient que l'absence de prise en charge de l'état de santé de M. B... n'aurait pas de conséquences fatales et qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié en République Démocratique du Congo, pays dont le système de santé connaît une évolution favorable grâce à une coopération avec les instances de l'Organisation Mondiale de la Santé ; que tel est également l'avis du 6 février 2015 du médecin de l'agence régionale de santé ; que, toutefois cet avis est contredit par plusieurs certificats médicaux établis, avant et après la décision attaquée, par quatre praticiens hospitaliers, dont trois psychiatres, indiquant que M. B..., qui allègue avoir été torturé et violé par les autorités congolaises et avoir assisté à des scènes de torture et d'homicide, se trouve dans un état psychique très dégradé, souffre d'un stress post-traumatique, de phénomènes de réminiscences de scènes de violence, d'un envahissement de la pensée, d'une perte de l'élan vital et de graves troubles de l'appétit et du sommeil ; que ces certificats indiquent que son état nécessite une prise en charge médicale et psychiatrique longue dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et dont il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine ; qu'à supposer que, dans la liste dressée par l'Organisation Mondiale de la Santé de médicaments essentiels disponibles en République Démocratique du Congo, se trouvent des médicaments équivalents à ceux prescrits en France à M. B..., les documents généraux produits par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ne font pas état de la possibilité d'un suivi thérapeutique, jugé indispensable par les praticiens français ; que, par suite, le moyen invoqué par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS et tiré de ce que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal il n'aurait pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé et doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête, que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté en date du 29 septembre 2015 et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.

2

N° 16VE01920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01920
Date de la décision : 01/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : OTMANE TELBA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-01;16ve01920 ?
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