Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler d'une part, l'arrêté du 2 février 2017 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1701056 du 7 février 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 février 2017, M. A..., représenté par Me Pusung, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le premier juge a omis de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire ;
- l'auteur des décisions attaquées ne disposait pas d'une délégation de signature à cet effet ;
- ces décisions ne sont pas motivées ;
- la mesure d'éloignement, l'interdiction de retour sur le territoire français d'un an ainsi que l'assignation à résidence méconnaissent l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure d'éloignement a été décidée sans examen de sa situation personnelle ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire n'est pas justifiée au regard des objectifs de la directive retour ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet s'est cru à tort lié pour prendre cette décision ;
- la décision assignant un pays de retour méconnaît l'article 3 de la convention déjà mentionnée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du
16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A... relève appel du jugement du 7 février 2017, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre les arrêtés du 2 février 2017 par lesquels le préfet des Hauts-de-Seine, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'autre part, l'a assigné à résidence ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. A... doit être regardé comme critiquant la régularité du jugement, dès lors qu'il soutient que le premier juge a omis de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire ; qu'il résulte des motifs du jugement entrepris que le premier juge n'a pas statué sur les conclusions présentés en ce sens dans le mémoire enregistré le 6 février 2017 ; que, dans ces conditions, ce jugement est entaché d'irrégularité et doit, dans cette mesure, être annulé ; que, par suite, il y a lieu d'examiner, par la voie de l'évocation, ces conclusions et, par effet dévolutif de l'appel, les autres conclusions de la requête ;
Au fond :
Sur la mesure d'éloignement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) " ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens, repris sans changement en appel, tirés de l'incompétence de l'auteur de la mesure d'éloignement et du défaut de motivation de cette dernière ;
5. Considérant que la mesure d'éloignement mentionne la date de naissance de M. A..., l'âge auquel il serait arrivé en France, les liens de concubinage qu'il aurait noués dans ce pays avec une compatriote ; que, dans ces conditions et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la mesure d'éloignement n'ait fait état ni de la grossesse de la compagne de M. A..., pourtant déclarée par ce dernier lors de son interpellation, ni de son activité professionnelle en France, le moyen tiré de l'absence d'examen de la situation personnelle de M. A... manque en fait ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le frère de M. A... réside régulièrement en France, que le requérant lui-même y vit maritalement depuis mai 2013 avec Mme B..., une compatriote, enceinte de lui à la date de l'arrêté attaqué et qu'enfin, il est employé comme homme de ménage ; que, de plus, M. A... allègue être entré en France le 19 septembre 2010 et y séjourner habituellement depuis lors ; que, toutefois, son intégration en France n'est confirmée que par des attestations postérieures à l'arrêté attaqué, établies par des personnes se présentant comme des amis, des connaissances ou des employeurs de M. A...et peu circonstanciées ; que, Mme B... étant également en situation irrégulière en France sur le territoire français, M. A...ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue aux Philippines, où l'intéressé a vécu au moins jusqu'à l'âge de 42 ans ; que, dans ces conditions, la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte excessive à la vie privée et familiale du requérant, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elles ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au paragraphe 4 et 5, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur et du défaut de motivation de cette décision doivent être écartés ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 7) risque de fuite : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ; qu'aux termes de l'article 7 de ladite directive : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 4. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, (...) les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; " qu'il résulte des dispositions précitées au point 3 du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'existence d'un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français résulte d'un ensemble de critères objectifs et doit être appréciée par l'autorité compétente en fonction des circonstances particulières de l'espèce ; que ces dispositions ne méconnaissent pas les objectifs de la directive susvisée et notamment ceux qui résultent des stipulations précitées ; qu'il s'ensuit que doit être écarté le moyen tiré d'incompatibilité des dispositions législatives sur lesquelles est fondée la décision attaquée, avec les objectifs de cette directive ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est au demeurant pas sérieusement contesté par M. A... qu'il se trouvait dans le cas prévu au a) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité au point 3, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui avait été faite de quitter le territoire français ;
11. Considérant que M. A... soutient que la grossesse de sa compagne, sa santé fragile, l'obligation où lui-même se trouvait d'informer de son départ ses employeurs et l'occupation d'un domicile depuis 2013 faisaient obstacle à ce qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement ; mais que le préfet des Hauts-de-Seine, auquel le législateur a entendu laisser sur ce point un large pouvoir d'appréciation, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que ces circonstances particulières n'étaient pas de nature de nature démontrer que l'intéressé avait l'intention d'exécuter volontairement la mesure d'éloignement ;
12. Considérant qu'il ne résulte pas des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet des Hauts-de-Seine se serait estimé tenu de refuser à M. A... un délai de départ volontaire et qu'il se serait ainsi mépris sur l'étendue de sa compétence ;
Sur la décision assignant un pays de retour :
13. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au paragraphe 4 et 5, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur et du défaut de motivation de cette décision doivent être écartés ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs des premiers juges, le moyen, aussi peu argumenté en appel qu'en première instance, tiré de ce que ce que la décision assignant un pays de retour méconnaîtrait ces stipulations ;
Sur l'interdiction de retour d'un an sur le territoire français pendant un an et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision :
15. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interruption de retour.(...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... avait fait état, lors de son interpellation, de sa relation maritale avec une compatriote depuis mai 2013 et de ce que le couple attendait un enfant ; que la décision attaquée se borne à mentionner qu'une interdiction de retour d'un an ne porte pas d'atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressé au respect de la vie privée et familiale de M. A..., sans, d'ailleurs, faire apparaître que son auteur a tenu compte des quatre critères énoncés par les dispositions précitées ; que, faute de relever que l'existence d'une relation maritale et la grossesse de Mme B... ne constituaient pas à elles seules des circonstances humanitaires s'opposant à une interdiction de retour, qui empêchait M. A... d'être auprès de sa compagne lors de la naissance de son enfant, cette décision n'est pas suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette interdiction doit être accueilli ;
Sur la mesure portant assignation à résidence :
16. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au paragraphe 4 et 5, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur et de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doivent être écartés ;
17. Considérant qu'en l'absence de toute précision permettant d'en apprécier la portée, le moyen tiré de ce que cette mesure méconnaîtrait l'article 8 précité de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut être écarté ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir, d'une part, que le jugement rendu par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 7 février 2017 doit être annulé en tant qu'il n'a pas statué sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire, d'autre part, que les premiers juges ont rejeté à tort ses conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de quitter le territoire français ;
Sur les conclusions accessoires :
19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
20. Considérant que le présent arrêt qui ne se prononce pas sur un refus de titre de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour, dont, au demeurant, le préfet des Hauts-de-Seine n'était pas saisi, n'implique, par suite, aucunement, qu'il soit enjoint à ce préfet de délivrer un tel titre ou une telle autorisation ;
21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 7 février 2017, en tant qu'il porte sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'un durée d'un an, et l'interdiction faite à M. A... de retour sur le territoire français pendant an, sont annulés.
Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise relatives à la décision lui refusant un délai de départ volontaire, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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N° 17VE00630