Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Meubl'Invest a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1601556 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 décembre 2018 et un mémoire enregistré le 22 mai 2020 et non communiqué, la société Meubl'Invest, représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en reprenant sur l'exercice clos le 31 décembre 2009, l'intégralité de la somme de 456 416,22 euros, correspondant à des acomptes versés par des clients entre 1987 et 2000 et reconnue un passif injustifié à l'occasion d'une précédente vérification de comptabilité portant sur les exercices 2001 à 2003 ;
- c'est à tort que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est déclarée incompétente ;
- la reprise de la somme de 456 416,22 euros sur l'exercice clos le 31 décembre 2019 est prescrite ;
- le 4 bis de l'article 38 du code général des impôts lui est applicable ;
- elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 32 de la doctrine administrative référencée DGI 4-A-10-06 du 29 juin 2006 ;
- l'administration ayant pris une position formelle, qui lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, en admettant que la somme de 456 416,22 euros constituait un passif injustifié au titre des années 2001 à 2003, cette somme devait donc être rattachée au premier exercice non prescrit vérifié, soit l'exercice 2008.
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Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la société Meubl'Invest.
1. La société Meubl'Invest, qui exerçait une activité d'administration et de gestion d'entreprises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2009. La société Meubl'Invest fait appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période ".
3. Il résulte de l'instruction que la société Meubl'Invest a, par une écriture comptable du 1er janvier 2009, apuré une dette figurant au passif de son bilan, au compte " 41900 - clients - acomptes reçus ", en créditant le compte de produits exceptionnels d'un montant de 456 416,22 euros. Sur le plan fiscal, elle a procédé à la déduction extra-comptable sur la liasse fiscale de cette somme, sur le tableau 2058-A relatif à la détermination du résultat imposable de l'exercice 2009. En corrigeant ce retraitement extra-comptable d'une écriture comptable passée spontanément par la société en 2009 et en imposant la somme de 456 416,22 euros à l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année 2009, l'administration n'a pas procédé à une nouvelle vérification de comptabilité d'une période précédemment vérifiée au cours de laquelle elle avait remis en cause, sur les exercices clos en 2001, 2002 et 2003, la présence de cette somme au passif du bilan de cette société. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales doit, par suite, être écarté.
4. En second lieu, le sens de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. Dès lors, si la commission se déclare incompétente en se méprenant sur l'étendue du domaine d'intervention que lui attribuent les dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, cette erreur n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition et n'est, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition contestée. Le moyen invoqué par la société Meubl'Invest tiré de ce que c'est à tort que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est déclarée incompétente pour examiner la rectification résultant de la correction par l'administration de l'écriture extra-comptable précédemment évoquée, est dès lors inopérant et doit être écarté pour ce motif.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". L'article L. 189 du même livre dispose : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification ".
6. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, l'administration a corrigé une écriture extra-comptable spontanément passée par la société Meubl'Invest sur l'exercice clos en 2009, lequel, en raison de l'envoi d'une proposition de rectification le 11 février 2011, n'était pas prescrit lors de la mise en recouvrement de l'imposition supplémentaire en résultant, le 10 décembre 2013. Contrairement à ce que soutient la société Meubl'Invest, l'administration n'a pas remis en cause une écriture de passif injustifiée passée sur des exercices antérieurs prescrits. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, par suite, être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. (...) ". En vertu des dispositions du 4 bis de cet article, une erreur ou omission affectant l'évaluation d'un élément quelconque de l'actif ou du passif du bilan d'un des exercices non prescrits peut, si elle a été commise au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier des exercices non prescrits, être corrigée de manière symétrique dans les bilans de clôture et d'ouverture des exercices non prescrits, y compris dans le bilan d'ouverture du premier d'entre eux.
8. La société fait valoir que dans la mesure où la somme de 456 416,22 euros figurait au passif du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2000, au compte 41900 " clients - acomptes reçus ", soit au moins sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit et sans aucun mouvement depuis lors, il y a lieu, s'agissant d'une écriture injustifiée d'un poste du passif, de rectifier en faveur de l'entreprise, sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du CGI, le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et de rattacher l'erreur commise à son exercice d'origine.
9. Les sommes correspondant aux acomptes reçus par des clients ne doivent pas figurer au passif du bilan, mais doivent être comptabilisés en produits exceptionnels à partir du moment où ces acomptes sont définitivement acquis à la société. En l'espèce, le ministre admet dans ses écritures en défense que les dettes commerciales nées en 1987 et 1988 étaient éteintes. Il ressort de l'annexe 1 à la proposition de rectification du 11 février 2011 que ces dettes s'élèvent à 34 958,08 euros. Ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, la société dispose du droit, prévu au deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, de corriger l'erreur correspondant à cette somme dès lors qu'elle figure à son passif avant le 1er janvier 1999, c'est-à-dire depuis plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit - en l'espèce l'exercice ouvert le 1er janvier 2006 - et n'a pas été réduite ultérieurement. C'est donc à tort que l'administration fiscale a réintégré dans les résultats de la société Meubl'Invest, au titre de l'exercice au cours duquel la société a corrigé son erreur, clos en 2009, une somme de 34 958,08 euros. Pour le surplus, en se bornant à invoquer dans ses dernières écritures l'existence d'une prescription quinquennale applicable à compter de l'exercice clos en 2008, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe, acompte par acompte, de la date à laquelle ceux-ci ne devaient plus figurer au passif de son bilan, en raison de l'extinction définitive de l'obligation qu'elle avait de rembourser cet acompte à son client avant le 1er janvier 1999.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
10. En premier lieu, le paragraphe 32 de la doctrine administrative du 29 juin 2006, rapportée au bulletin officiel des impôts n° 4 A-10-06 du 29 juin 2006, se borne à donner un exemple pratique d'une omission ou d'une erreur intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, qui doit être rattachée à l'exercice d'origine en application du principe de correction symétrique des bilans et ne peut donc plus conduire à une minoration ou une majoration de l'impôt dû, puisqu'elle a été commise au cours d'un exercice prescrit. Mais il ne contient aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui a été énoncée au point 8 figurant ci-dessus. La société Meubl'Invest ne peut donc utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. En second lieu, ainsi qu'il a déjà été exposé, l'administration n'a pas réintégré sur l'exercice 2009 un passif qu'elle a reconnu comme injustifié au titre des années 2001 à 2003 lors d'une précédente vérification de comptabilité, mais a corrigé une écriture extra-comptable spontanément passée par la société au cours de l'exercice clos en 2009. La société requérante ne peut dès lors utilement soutenir que la somme reconnue comme constituant un élément du passif injustifié au cours d'exercices précédents, constituerait une prise de position formelle opposable à l'administration - sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales - qui aurait, dès lors, dû réintégrer cette somme sur le premier exercice vérifié non prescrit, soit l'exercice clos le 31 décembre 2008.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Meubl'Invest est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes, à concurrence de la réintégration, dans la base d'imposition de cet impôt, de la somme de 34 958,08 euros.
Sur les frais exposés :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE:
Article 1er : La base d'impôt sur les sociétés assignée à la société Meubl'Invest au titre de l'exercice clos en 2009 est réduite d'une somme de 34 958,08 euros.
Article 2 : La société Meubl'Invest est déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités y afférentes et celles résultant de la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus de la requête de la société Meubl'Invest est rejeté.
N° 18VE04334 2