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02/07/2020 | FRANCE | N°19VE03013

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 02 juillet 2020, 19VE03013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 31 janvier 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines des hôpitaux universitaires de Paris Ile-de-France Ouest a rejeté sa demande de versement de la prime de service, pour la période du second semestre de l'année 2016, et la décision du 5 avril 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1711111 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa dem

ande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 31 janvier 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines des hôpitaux universitaires de Paris Ile-de-France Ouest a rejeté sa demande de versement de la prime de service, pour la période du second semestre de l'année 2016, et la décision du 5 avril 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1711111 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2019, Mme A..., représentée par Me F..., avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;

2°) d'enjoindre à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris de lui verser la somme correspondant à la prime de service qu'elle aurait dû percevoir pour la période du second semestre de l'année 2016, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées reposent sur des faits matériellement inexacts ;

- ces décisions sont entachées d'erreur de droit, dès lors que les motifs énoncés ne permettaient pas légalement à l'autorité compétente de modifier le montant de la prime de service qu'elle verse à ses agents ;

- ce montant ne pouvait être modulé à la baisse dès lors qu'aucune sanction disciplinaire ne lui a été infligée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa manière de servir et de son comportement professionnel.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz, conseiller,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., pour Mme A..., et de Me E..., substituant Me D..., pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, par un contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 1992, afin d'exercer les fonctions de technicienne supérieure au sein de l'hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Elle a exercé au sein de cet hôpital les fonctions de " personne responsable de la radioprotection " à compter de septembre 2007. Constatant l'absence de versement, au titre du second semestre de l'année 2016, de la prime de service qu'elle percevait jusqu'alors, l'intéressée a présenté une réclamation auprès de l'autorité compétente. Par un courrier du 31 janvier 2017, le directeur des ressources humaines des hôpitaux universitaires de Paris Ile-de-France Ouest a refusé de lui verser cette prime au titre de la période en cause. Son recours gracieux contre cette décision a été rejeté par un courrier de la même autorité daté du 5 avril 2017. Mme A... fait appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des décisions en litige :

2. En premier lieu, pour refuser à Mme A... le versement de la prime de service au titre du second semestre de l'année 2016, l'autorité administrative a relevé, dans les motifs des décisions attaquées, que l'intéressée a adopté un comportement inapproprié à de nombreuses reprises, qu'elle manifeste une attitude de constante défiance à l'égard de sa hiérarchie, qu'elle lui manque de respect et de loyauté et que ses relations avec ses interlocuteurs sont structurellement conflictuelles. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de plusieurs courriels émanant de l'ancien supérieur hiérarchique de Mme A..., de sa supérieure hiérarchique à la date de la décision du 31 janvier 2017 et de plusieurs attestations de praticiens et agents de l'hôpital, que l'appelante entretient des relations structurellement conflictuelles, tant avec ces supérieurs hiérarchiques, qu'avec la personne sous l'autorité de laquelle elle a été ultérieurement placée, et avec deux professeurs de médecine exerçant au sein de l'hôpital et une cadre supérieure de soins. Il ressort également des pièces du dossier que Mme A... a mis publiquement en cause sa hiérarchie à plusieurs reprises et que ce climat général perdurait à la date de la première des deux décisions attaquées. Les circonstances dans lesquelles s'est déroulé son entretien professionnel au titre de l'année 2016, lequel s'est tenu postérieurement à l'adoption de cette décision, sont, par ailleurs, et en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée reposerait sur des faits matériellement inexacts doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 24 mars 1967 : " Dans les établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics (...), les personnels titulaire et stagiaire ainsi que les agents des services hospitaliers recrutés à titre contractuel peuvent recevoir des primes de service liées à l'accroissement de la productivité de leur travail dans les conditions prévues au présent arrêté ". Pour refuser à Mme A... le versement de la prime de service au titre du second semestre de l'année 2016, l'auteur des décisions attaquées s'est exclusivement fondé sur ces dispositions de l'arrêté du 24 mars 1967, ainsi que sur la circulaire du ministre des affaires sociales du 24 mai 1967 prise pour son application.

4. Aux termes de l'article L. 813 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la signature de l'arrêté du 24 mars 1967 : " Des arrêtés concertés des ministres de la santé publique et de la population, de l'intérieur et des finances et des affaires économiques (...) détermineront les conditions dans lesquelles les personnels soumis au présent statut pourront, à titre exceptionnel, bénéficier d'avantages en nature et recevoir des primes et indemnités, notamment pour travaux pénibles ou insalubres et pour travaux supplémentaires. ". Les ministres signataires de l'arrêté du 24 mars 1967 tenaient de ces dispositions la compétence pour instaurer une prime de service en faveur des agents titulaires ou stagiaires relevant du statut défini à l'article L. 792 du même code, et tenaient par ailleurs de leur pouvoir général d'organisation de leurs services la compétence pour instaurer, dans le cadre des lois et règlements alors en vigueur, une prime de service en faveur des agents contractuels placés sous leur autorité dans ces services. Ils ne pouvaient en revanche compétemment instaurer une telle prime pour des agents contractuels servant dans des établissements publics hospitaliers dès lors que ces agents sont placés sous une autre autorité que la leur. Ainsi, l'article 1er de l'arrêté du 24 mars 1967 était, dès l'origine, entaché d'incompétence en tant qu'il dispose que les primes de service qu'il instaure sont également applicables aux agents des services hospitaliers recrutés à titre contractuel par les établissements publics hospitaliers. Ni cet arrêté, ni la circulaire du ministre des affaires sociales du 24 mai 1967 prise pour son application ne pouvaient, dès lors, être légalement appliqués à la situation de Mme A..., agent contractuel de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.

5. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

6. En l'espèce, la note du directeur des ressources humaines de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris du 8 novembre 2016 prévoit le versement d'une prime de service aux agents contractuels engagés avant le 1er octobre 1999 et percevant une rémunération indiciaire. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... remplit ces deux conditions cumulatives et entrait donc dans le champ d'application de cette note. Celle-ci prévoit que le montant de la prime de service versée à l'agent est fixé en tenant compte de la valeur professionnelle et de l'assiduité de l'agent. Ainsi, les décisions attaquées, motivées par l'insuffisante valeur professionnelle de Mme A... en raison de son comportement tel que décrit au point 2 du présent arrêt, trouvent leur fondement légal dans la note du 8 novembre 2016 prise par le directeur des ressources humaines de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris en sa qualité de chef de service. Les critères fixés par cette note pour la fixation du montant de cette prime étant identiques à ceux de l'arrêté du 24 mars 1967 et de la circulaire du ministre des affaires sociales du 24 mai 1967 prise pour son application, ces deux bases légales confèrent à l'autorité compétente le même pouvoir d'appréciation pour fixer le montant de cette prime. Il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution de la note du directeur des ressources humaines de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris du 8 novembre 2016 à l'arrêté du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 et à la circulaire du ministre des affaires sociales du 24 mai 1967 prise en application de cet arrêté comme base légale des décisions attaquées, cette substitution ne privant Mme A... d'aucune garantie.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'une erreur de droit en ce qu'elles refuseraient de rétablir à Mme A... le versement de la prime de service pour des motifs étrangers aux critères qu'il appartenait à l'autorité compétente de prendre en compte dans la détermination du montant de cette prime en vertu de la note du 8 novembre 2016 doit être écarté.

8. En troisième lieu, s'il ressort des pièces du dossier qu'une note de service du directeur des hôpitaux universitaires de Paris Ile-de-France Ouest du 19 avril 2016 prévoit une modulation à la baisse du montant de la prime de service versée aux agents faisant l'objet d'une sanction disciplinaire, cette note n'a toutefois ni pour objet, ni pour effet d'interdire à l'autorité compétente de moduler à la baisse le montant de la prime de service en dehors de cette seule hypothèse. Le moyen tiré de ce qu'aucune modulation à la baisse du montant versé à Mme A... ne pouvait être décidé dès lors que celle-ci n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire doit, dès lors, être écarté.

9. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, Mme A... entretient des relations structurellement conflictuelles avec ses supérieurs hiérarchiques successifs, ainsi qu'avec plusieurs autres agents de l'hôpital avec lesquels elle est amenée à travailler, et a mis publiquement en cause sa hiérarchie de manière réitérée et dans des contextes inappropriés. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces difficultés et agissements ne lui seraient en aucune manière imputables. Il ressort également des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, ces faits ont notamment été constatés au cours du second semestre de l'année 2016, l'auteur des décisions attaquées ne s'étant au demeurant nullement borné à se prévaloir de circonstances antérieures à cette période pour refuser à Mme A... le versement de la prime de service. Il ressort en outre des pièces du dossier que la personne compétente en radioprotection doit, eu égard à ses missions, disposer d'aptitudes relationnelles fortes, d'une capacité de positionnement adéquat vis-à-vis de la direction, et faire preuve de pédagogie et de disponibilité. Les éléments relatifs au comportement général de Mme A... pouvaient, dès lors, être pris en compte par l'autorité administrative pour apprécier sa valeur professionnelle. Par suite, l'auteur des décisions attaquées n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucune somme ne devait être versée à l'intéressée au titre de la prime de service pour la période du second semestre de l'année 2016.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du Mme A... une somme de 1 500 euros à verser à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 19VE03013


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03013
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers - Primes de rendement.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Substitution de base légale.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-02;19ve03013 ?
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