Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
La société Alrick a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation solidaire de paiement de dettes fiscales de la société Asfi à laquelle elle est tenue en application de l'article 1724 quater du code général des impôts.
Par un jugement n° 1702688 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la société Alrick de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge qui lui ont été réclamées au titre de la solidarité sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts (article 1er), a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 3).
La société Fontenal Intermarché a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation solidaire de paiement de dettes fiscales de la société Asfi à laquelle elle est tenue en application de l'article 1724 quater du code général des impôts.
Par un jugement n° 1702749 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la société Fontenal Intermarché de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge qui lui ont été réclamées au titre de la solidarité sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts (article 1er) a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 3).
La société Sofema a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation solidaire de paiement de dettes fiscales de la société Asfi à laquelle elle est tenue en application de l'article 1724 quater du code général des impôts.
Par un jugement n° 1702752 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la société Sofema de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge qui lui ont été réclamées au titre de la solidarité sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts (article 1er), a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 3).
Procédures devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 19VE02007 le 3 juin 2019, le ministre chargé du budget demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1702688 du 9 avril 2019 ;
2°) de remettre à la charge de la société Alrick l'obligation solidaire de paiement à laquelle elle est tenue en application de l'article 1724 quater du code général des impôts.
Le ministre soutient que :
- dès lors que l'administration a communiqué à la société Alrick l'ensemble des pièces de la procédure d'imposition diligentée contre la société Asfi, c'est à tort que le tribunal administratif a retenu la transmission incomplète de ces pièces pour prononcer la décharge de l'obligation solidaire de payer ;
- les autres moyens de la demande de la société Alrick ne sont pas fondés.
La requête a été transmise à la société Alrick qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Par une requête enregistrée le 3 juin 2019 sous le n° 19VE02008, le ministre chargé du budget demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1702749 du 9 avril 2019 ;
2°) de remettre à la charge de la société Fontenal Intermarché l'obligation solidaire de paiement à laquelle elle est tenue en application de l'article 1724 quater du code général des impôts.
Le ministre soulève le même moyen que dans l'instance n° 19VE02007.
La requête a été transmise à la société Fontenal Intermarché qui n'a pas produit de mémoire en défense.
III. Par une requête enregistrée le 3 juin 2019 sous le n° 19VE02009, le ministre chargé du budget demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1702752 du 9 avril 2019 ;
2°) de remettre à la charge de la société Sofema l'obligation solidaire de paiement à laquelle elle est tenue en application de l'article 1724 quater du code général des impôts.
Le ministre soulève le même moyen que dans l'instance n° 19VE02007.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction :
1. Les requêtes susvisées n° 19VE02007, n° 19VE02008, n° 19VE02009, présentées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Il résulte de l'instruction, qu'à l'issue de deux vérifications de comptabilité de la société Asfi, l'administration fiscale a mis à sa charge, pour un montant total de
1 217 128 euros en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de diverses taxes de formation professionnelle pour la période allant du 1er février 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 et 2013. La société Asfi a en outre fait l'objet, pour la période allant du 2 janvier 2012 au 31 décembre 2013, d'un procès-verbal de travail dissimulé établi par la direction départementale des finances publiques du Val-d'Oise, le 9 octobre 2014. En application de l'article 1724 quater du code général des impôts, des avis de mise en recouvrement ont émis le 15 juin 2015 à l'encontre de la société Alrick et le 6 novembre 2015 à l'encontre des sociétés Fontenal Intermarché et Sofema afin de leur réclamer, en leur qualité de débitrices solidaires, le paiement des sommes de 30 309 euros pour la société Alrick, 70 938 euros pour la société Fontenal Intermarché et 44 629 euros pour la société Sofema représentant le montant des impositions supplémentaires et des intérêts de retard dus par la société Asfi, en proportion des chiffres d'affaires réalisés avec celle-ci au cours de la période allant du 1er février 2012 au 31 décembre 2013. Le ministre fait appel des jugements du 9 avril 2019 par lesquels le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé les sociétés Alrick, Fontenal Intermarché et Sofema de l'obligation de payer respectivement les sommes de 30 309 euros, 70 938 euros et 44 629 euros.
Sur le moyen retenu par le tribunal administratif :
3. Aux termes de l'article 1724 quater du code général des impôts : " Toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail (...) est, conformément à l'article L. 8222-2 du même code, tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à ce même article dans les conditions prévues à l'article L. 8222-3 du code précité ".
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 8222-1 du code du travail que toute personne qui conclut un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce est tenue de vérifier, lors de la conclusion de ce contrat et périodiquement jusqu'à la fin de son exécution, que son cocontractant s'acquitte de certaines obligations déclaratives et formalités exigées par la législation du travail. Aux termes de l'article L. 8222-2 du même code : " Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : / 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale (...) ". Par sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, citées ci-dessus, sous la réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le
bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires, ainsi que les pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.
5. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ". Aux termes de l'article R. 256-2 du même livre : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement ".
6. Il résulte des dispositions précitées que lorsque l'administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en oeuvre une solidarité de paiement, telle que celle qui est prévue par l'article 1727 quater du code général des impôts, à l'encontre d'une société qui n'a pas procédé aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail, elle est tenue de lui adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Ces mentions permettent au débiteur solidaire d'obtenir, à sa demande, la communication des documents mentionnés dans cet avis de mise en recouvrement, ainsi que de tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires, ainsi que des pénalités et majorations correspondantes au paiement solidaire desquels il est tenu.
7. L'administration ne peut pas refuser la communication des documents utiles à la défense du débiteur solidaire lorsqu'ils sont en sa possession, sauf à priver ce dernier d'une garantie au respect de laquelle le Conseil constitutionnel a subordonné la conformité à la Constitution de la disposition législative instituant la solidarité de paiement. Il en découle que le refus de communication est de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts. En revanche, lorsque l'administration fiscale produit en cours d'instance, soit spontanément, soit à la suite d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge de l'impôt, saisi par le débiteur solidaire d'une demande en ce sens, y compris pour la première fois en cause d'appel, les éléments du dossier fiscal nécessaires à sa défense, la circonstance que le service ait initialement refusé de communiquer ces éléments au débiteur solidaire est sans influence sur la possibilité de mettre en oeuvre la solidarité. Dans cette hypothèse, le débiteur solidaire, une fois en possession de ces éléments, peut soulever à l'appui de sa demande en décharge de l'obligation de payer, dans la limite des conclusions de sa demande, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction, tous moyens relatifs à la régularité et au bien-fondé des impositions au paiement desquelles il est solidairement tenu.
8. Il résulte de l'instruction que, le 20 novembre 2015 pour la société Fontenal Intermarché, le 3 décembre 2015 pour la société Alrick et le 22 février 2016 pour la société Sofema, ces sociétés ont sollicité la communication des éléments leur permettant de vérifier l'exactitude des montants qui leur étaient réclamés, ainsi que le procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de la société Asfi. A l'appui de ses mémoires en défense, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 25 juillet 2017 dans les trois demandes de première instance, l'administration a communiqué les propositions de rectifications du 4 décembre 2014 adressées à la société Asfi, ainsi que le procès-verbal de travail dissimulé établi à son encontre. Ces documents permettaient aux sociétés Fontenal Intermarché, Alrick et Sofema de vérifier le montant des sommes qui leur étaient réclamées, conformément à leur demande, et de contester la procédure d'imposition diligentée à l'encontre de la société Asfi. La circonstance qu'elles n'ont pas pu engager un débat contradictoire sur les éléments du dossier fiscal de la société Asfi avant cette date est sans influence, ainsi que cela été exposé au point précédent, sur la possibilité de mettre en oeuvre la solidarité.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu le motif tiré de ce que l'administration n'avait pas communiqué les éléments sollicités par les sociétés Fontenal Intermarché, Alrick et Sofema pour les décharger des obligations de payer respectivement les sommes de somme de 70 938 euros, 30 309 euros et 44 629 euros.
10. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens des société Alrick, Fontenal Intermarché et Sofema en première instance.
Sur le bien-fondé de la solidarité de paiement :
11. D'une part, pour l'application des dispositions précitées de l'article 1724 quater du code général des impôts, l'obligation de vérification incombant au donneur d'ordre naît à la conclusion du contrat et dure jusqu'à la fin de l'exécution de celui-ci. Cette obligation est méconnue pour la totalité de cette période si le donneur d'ordre n'effectue pas l'une des vérifications périodiques qui lui incombe. En cas de manquement à cette obligation de vérification, la solidarité de paiement couvre toute la durée du contrat au cours de laquelle a été constatée une infraction aux dispositions relatives au travail dissimulé.
12. D'autre part, aux termes de l'article D. 8222-5 du code du travail : " La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article
L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : / 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article
L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. / 2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants : / a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) (...) ".
13. Il est constant que les sociétés Alrick, Fontenal Intermarché et Sofema ont recouru à des opérations de sous-traitance effectuées par la société Asfi du 1er février 2012 au 31 décembre 2013, période retenue par l'administration au titre de la solidarité financière de la société Asfi. Si les sociétés soutiennent s'être fait remettre, le 1er février 2013 pour la société Alrick, le 19 novembre 2012 pour la société Fontenal Intermarché et le 9 avril 2013 pour la société Sofema, l'attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale visée au 1° de l'article D. 8222-5 du code du travail et avoir vérifié auprès de l'Urssaf son authenticité, il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'elles auraient demandé cette attestation de fourniture, lors de la conclusion du contrat avec la société Asfi au mois de février 2012 et à chaque échéance semestrielle. Pour ce seul motif, l'administration a donc dès lors pu, à bon droit, mettre en jeu à leur égard la solidarité de paiement prévue par l'article 1724 quater du code général des impôts sur la totalité de la durée du contrat conclu avec la société Asfi.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé les sociétés Alrick, Fontenal Intermarché et Sofema de leurs obligations respectives de payer les sommes de 30 309 euros, 70 938 euros et 44 629 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 des jugements du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1702688, n° 1702749 et n° 1702752 du 9 avril 2019 sont annulés.
Article 2 : L'obligation de payer la somme de 30 309 euros est remise à la charge de la société Alrick.
Article 3 : L'obligation de payer la somme de 70 938 euros est remise à la charge de la société Fontenal Intermarché.
Article 4 : L'obligation de payer la somme de 44 629 euros est remise à la charge de la société Sofema.
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N°s 19VE02007, 19VE02008, 19VE02009