Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet des Hauts-de-Seine a, par une requête enregistrée le 19 janvier 2022, demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative et de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, d'ordonner la suspension de l'exécution de la délibération du conseil municipal de Nanterre n° DEL2021-161 du 6 décembre 2021 prononçant le déclassement par anticipation du bien situé 229/231 avenue Georges Clémenceau cadastré AV139 et son déclassement du domaine public communal (article 1er) et approuvant la cession des locaux situés à la même adresse au profit de l'association Irchad Institut Ibn Badis (article 2).
Par une ordonnance n° 2200671 du 22 février 2022, la juge de référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l'exécution de cette délibération du conseil municipal de Nanterre du 6 décembre 2021 en tant qu'elle prononce le déclassement par anticipation du bien situé 229/231 avenue Georges Clémenceau cadastré AV139 et son déclassement du domaine public communal et approuve la cession des locaux situés à la même adresse au profit de l'association Irchad Institut Ibn Badis.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 mars 2022, la commune de Nanterre, représentée par Me Peru, a demandé à la Cour :
1° d'annuler cette ordonnance ;
2° de rejeter ce déféré suspension du préfet des Hauts-de-Seine ;
3° de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat au titre des frais de justice.
Elle soutient que :
- le déféré suspension est irrecevable dès lors que la délibération contestée, en tant qu'elle prononce la désaffectation et le déclassement du bien vers le domaine privé, est simplement confirmative des délibérations adoptées le 27 juin 1974 et le 22 mars 2021 ;
- ce bien ayant été désaffecté à l'usage du public depuis la fermeture de l'école en 1971 et loué à l'AFPA en vertu d'un bail commercial fait partie du domaine privé de la commune ;
- il a été déclassé conformément à l'article L 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) ;
- elle n'était donc pas tenue de réaliser une étude d'impact pluriannuelle en vertu de l'article 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques, ni de recueillir l'avis du préfet en application de l'article L 2121-30 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ;
- en tout état de cause, aucune disposition légale ou réglementaire ne fixe la forme que doit prendre l'étude d'impact pluriannuelle de sorte que les informations données aux conseillers municipaux, qui ont tenu lieu d'étude d'impact au sens des dispositions de l'article L. 2141-2, a été suffisante.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 30 mars 2022, l'association cultuelle Irchad Institut d'enseignement privé Ibn Badis, représentée par son président et par Me Brame, avocat, conclut à l'annulation de cette ordonnance et au rejet du déféré suspension du préfet.
Il fait valoir qu'il justifie d'un intérêt à agir lui permettant de former une intervention volontaire au soutien de l'argumentaire exposé par la commune de Nanterre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête de la commune de Nanterre.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la commune ne sont pas fondés dès lors que:
- le bien litigieux appartient au domaine public, la délibération litigieuse ayant précisément pour objet de lui faire quitter le domaine public ;
- la seule désaffectation ne suffit pas à faire sortir un bien du domaine public ;
- une étude d'impact pluriannuelle est exigée conformément à l'article 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- Les élus n'ont pas été suffisamment informés en l'absence d'étude d'impact ;
- La commune était tenue de recueillir l'avis du préfet conformément à l'article L 2121-30 du code général des collectivités territoriales.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête enregistrée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a demandé l'annulation de la délibération susvisée.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Even, premier vice-président, pour statuer sur les demandes de référés.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 25 avril 2022 à 14 heures.
Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue en présence de Mme Gauthier, greffière d'audience :
- le rapport de M. Even, premier vice-président, juge des référés ;
- les observations orales de Me Peru, avocat de la commune de Nanterre ;
- les observations orales de Me Brame, avocat de l'association cultuelle Irchad Institut Ben Badis ;
- et les observations orales de Mme A... et de M. B..., représentants le préfet des Hauts-de-Seine, qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : / "Art. L. 2131-6, alinéa 3.- Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois." (...) ".
2. La commune de Nanterre fait appel de l'ordonnance n° 2200671 du 22 février 2022, par laquelle la juge de référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, en application des dispositions combinées des articles L. 554-1 du code de justice administrative et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, suspendu l'exécution de la délibération de son conseil municipal n° DEL2021-161 du 6 décembre 2021 en tant qu'elle prononce le déclassement par anticipation du bien situé 229/231 avenue Georges Clémenceau cadastré AV139 et son déclassement du domaine public communal et approuve la cession des locaux situés à la même adresse au profit de l'association Irchad Institut Ibn Badis.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nanterre :
3. Si par sa délibération du 27 juin 1974 la commune de Nanterre a " désaffecté à titre temporaire " le groupe scolaire du plateau et " retiré en conséquence la servitude scolaire sur ces locaux ", elle s'est ainsi bornée à retirer ce bien du service public auquel il était destiné, sans procéder à sa sortie du domaine public. Par ailleurs, en prononçant par la délibération litigieuse du 6 décembre 2021 " le déclassement par anticipation du bien situé 229/231 avenue Georges Clemenceau et son déclassement du domaine public communal " (article 1er) et en approuvant sa cession au profit de l'association Irchad Institut Ibn Badis (article 2), la commune de Nanterre n'a pas édicté une décision purement recognitive de celle du 22 mars 2021 constatant la désaffectation de ce bien (article 1er) et prononçant le déclassement du seul terrain du domaine public communal (article 2). Le préfet des Hauts-de-Seine était donc recevable à solliciter la suspension de cette délibération.
Sur l'existence de doutes sérieux quant à la légalité de la délibération en litige :
4. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. " Aux termes de l'article L. 2121-1 de ce code : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. / Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation. ". Aux termes de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement. ". Aux termes de l'article L. 2141-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 2141-1, le déclassement d'un immeuble appartenant au domaine public artificiel des personnes publiques et affecté à un service public ou à l'usage direct du public peut être prononcé dès que sa désaffectation a été décidée alors même que les nécessités du service public ou de l'usage direct du public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l'acte de déclassement. Ce délai ne peut excéder trois ans. Toutefois, lorsque la désaffectation dépend de la réalisation d'une opération de construction, restauration ou réaménagement, cette durée est fixée ou peut être prolongée par l'autorité administrative compétente en fonction des caractéristiques de l'opération, dans une limite de six ans à compter de l'acte de déclassement. En cas de vente de cet immeuble, l'acte de vente stipule que celle-ci sera résolue de plein droit si la désaffectation n'est pas intervenue dans ce délai. L'acte de vente comporte également des clauses relatives aux conditions de libération de l'immeuble par le service public ou de reconstitution des espaces affectés à l'usage direct du public, afin de garantir la continuité des services publics ou l'exercice des libertés dont le domaine est le siège. / Toute cession intervenant dans les conditions prévues au présent article donne lieu, sur la base d'une étude d'impact pluriannuelle tenant compte de l'aléa, à une délibération motivée de l'organe délibérant de la collectivité territoriale, du groupement de collectivités territoriales ou de l'établissement public local auquel appartient l'immeuble cédé. / Pour les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, l'acte de vente doit, à peine de nullité, comporter une clause organisant les conséquences de la résolution de la vente. Les montants des pénalités inscrites dans la clause résolutoire de l'acte de vente doivent faire l'objet d'une provision selon les modalités définies par le code général des collectivités territoriales. ".
5. Il ressort des pièces du dossier et des précisions apportées par les parties au cours de l'audience d'appel, que l'ancienne école située 229/231 avenue Georges Clemenceau était à la date de la délibération litigieuse et encore aujourd'hui occupée par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, avec l'accord de la commune de Nanterre, et doit quitter définitivement les lieux en déménageant ses matériels avant le 30 juin 2022. Nonobstant la circonstance que les enseignements dispensés par cette agence auraient cessé dans ces lieux, ce bien était donc encore affecté à un service public à la date à laquelle est intervenue la délibération litigieuse du 6 décembre 2021, laquelle ne pouvait donc procéder à la constatation anticipée de son déclassement et sa sortie du domaine public. Si la commune fait valoir que cette agence nationale occuperait ces locaux en vertu d'un bail commercial, ce qui est illégal dès lors qu'en raison du caractère précaire et personnel des titres d'occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d'un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public, cette donnée, à la supposée établie, n'a pu avoir aucune conséquence sur le statut du bien au regard du régime de la domanialité publique.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire mention des autres moyens, que ceux tirés de ce que le déclassement du domaine public du terrain et des locaux en litige et leur vente sont intervenus de manière illégale et qu'une étude d'impact pluriannuelle n'a pas été réalisée conformément à l'article 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques, sont de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître des doutes sérieux quant à la légalité de cet acte administratif. La commune de Nanterre n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Cergy Pontoise a ordonné sa suspension. Par voie de conséquence, ses conclusions afférentes aux frais de justice fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la commune de Nanterre est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Nanterre, à l'association cultuelle Irchad Institut Ben Badis, au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur.
Fait à Versailles, le 28 avril 2022.
Le juge des référés
B. EVEN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22VE00485