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21/04/2023 | FRANCE | N°21VE02432

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 21 avril 2023, 21VE02432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Cap Synthèse a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 16 août 2019 par lequel le maire de la commune de Vernouillet a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment d'habitation de 28 logements sur un terrain situé 29 rue Eugène Bourdillon à Vernouillet, d'enjoindre au maire de Vernouillet de lui délivrer le permis sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

et de mettre à la charge de la commune de Vernouillet une somme de 4 000 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Cap Synthèse a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 16 août 2019 par lequel le maire de la commune de Vernouillet a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment d'habitation de 28 logements sur un terrain situé 29 rue Eugène Bourdillon à Vernouillet, d'enjoindre au maire de Vernouillet de lui délivrer le permis sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune de Vernouillet une somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000961 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande et les conclusions présentées par la commune de Vernouillet sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 11 août 2021 et le 10 octobre 2022, la SAS Cap Synthèse, représentée par Me Ferracci, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au maire de Vernouillet de réexaminer sa demande de permis de construire, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Vernouillet une somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Cap Synthèse soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit quant à l'appréciation de l'atteinte à la sécurité publique que le projet est susceptible d'avoir en raison des caractéristiques de la rue Eugène Bourdillon, d'erreurs de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le projet litigieux ne porte pas atteinte aux conditions de circulation sur la rue Eugène Bourdillon ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation de l'atteinte à la sécurité publique que le projet est susceptible d'avoir en raison des conditions d'accès au terrain d'assiette du projet depuis la voie publique ;

- les conditions d'accès au terrain d'assiette du projet depuis la voie publique ne portant pas atteinte à la sécurité publique, le permis de construire sollicité aurait pu être accordé sous réserve de prescriptions spéciales ;

- elle renvoie à ses écritures de première instance pour les autres moyens tirés de ce que la décision du préfet de la région Ile-de-France est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le projet n'est pas en situation de covisibilité avec l'église de Vernouillet et car le projet n'est pas de nature à dégrader le secteur de l'église de Vernouillet, de ce qu'il n'était pas nécessaire de recueillir l'accord de l'architecte des bâtiments de France, de ce que le maire de Vernouillet n'était pas en situation de compétence liée en raison de la décision de l'architecte des bâtiments de France, de ce que le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles UCV 11 et UHa 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Vernouillet, ni celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, de ce que le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles UCV 13-1 et UHa 13-1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Vernouillet et de ce que le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2022 et le 4 novembre 2022, la commune de Vernouillet, représentée par Me Saint-Supéry, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Cap Synthèse une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. A... n'est pas habilité à représenter la SAS Cap Synthèse en justice ;

- les autres moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, la demande de première instance est irrecevable faute pour la requérante de justifier de sa qualité pour agir ;

- les moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 24 novembre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Sautereau, substituant Me Saint-Supéry, pour la commune de Vernouillet.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Cap Synthèse a sollicité, le 21 décembre 2018, la délivrance d'un permis de construire un immeuble collectif de 28 logements sociaux sur les parcelles cadastrées AE 228, 229 et 230 situées 29 rue Eugène Bourdillon à Vernouillet. Par un arrêté du 11 février 2019, le maire de la commune de Vernouillet a opposé un sursis à statuer à cette demande sur le fondement de la procédure de révision du plan local d'urbanisme de la commune. Par une ordonnance n° 1902993 du 21 mai 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a prononcé la suspension de l'exécution de l'arrêté du 11 février 2019 sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Cet arrêté a été ensuite annulé par un jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1902829 du 23 juillet 2020, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles n° 20VE02513 du 22 septembre 2022.

2. Faisant suite à l'ordonnance du 21 mai 2019, la SAS Cap Synthèse a confirmé sa demande de permis de construire pour laquelle l'architecte des bâtiments de France a refusé de donner son accord. Par un arrêté du 16 août 2019, le maire de la commune de Vernouillet a refusé de faire droit à la demande de permis de construire déposée par la SAS Cap Synthèse. Le préfet de la région Ile-de-France, saisi par la SAS Cap Synthèse le 17 octobre 2019, a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'architecte des bâtiments de France le 3 décembre 2019. La SAS Cap Synthèse demande à la cour d'annuler le jugement n° 2000961 du 18 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Vernouillet du 16 août 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La requérante ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et de fait et des erreurs d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 août 2019 :

En ce qui concerne les motifs de refus du permis de construire fondés sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme confirmés par les premiers juges :

4. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

5. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. En outre, il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

6. D'une part, le maire de Vernouillet a estimé que le projet litigieux, consistant en la réalisation de 28 logements, conduirait à une augmentation de la circulation et du stationnement sauvage sur la rue Eugène Bourdillon, augmentant ainsi les risques pour la sécurité publique. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la rue Eugène Bourdillon, qui dessert le terrain d'assiette du projet, est assez étroite, d'une largeur comprise entre 3,90 et 4,90 mètres, et que les trottoirs qui la bordent sont de quelques centimètres seulement, alors, en outre, que le stationnement latéral est autorisé sur une partie de la voie. Toutefois, cette voie, en sens unique, présente de bonnes conditions de visibilité pour une vitesse maximale autorisée de 30 km/h. Si la direction des espaces publics de la communauté urbaine Grand-Paris-Seine-et-Oise a émis un avis négatif au projet au motif que " la construction d'un ensemble de 28 logements conduira inévitablement à un accroissement de la circulation automobile et du stationnement de rue. Les voies du vieux bourg de Vernouillet se trouveront engorgées, la circulation sera difficile, le stationnement sauvage inéluctable ", l'augmentation de la circulation et les conditions générales de circulation dans la rue et sur les voies attenantes sont sans incidence sur l'appréciation des risques pour la sécurité publique en l'absence d'éléments plus circonstanciés de nature à caractériser le risque encouru pour les automobilistes ou les piétons empruntant cette voie. Dans ces conditions, la SAS Cap Synthèse est fondée à soutenir que le maire de la commune de Vernouillet a méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 en refusant de lui accorder le permis de construire sollicité pour cette raison.

7. D'autre part, le maire de Vernouillet a estimé que l'implantation du projet en retrait de la voie publique et sans desserte en fond de parcelle était de nature à créer un risque au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme faute pour les services de secours et d'incendie de pouvoir accéder facilement au terrain d'assiette du projet. Il ressort de la configuration des lieux décrite au point précédent que la rue Eugène Bourdillon est d'une largeur suffisante pour permettre l'approche des véhicules de secours et de lutte contre l'incendie, sans qu'il ne soit toutefois établi qu'ils pourraient facilement manœuvrer pour emprunter les accès compte tenu de l'étroitesse de la voie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est composé de deux bâtiments implantés en longueur, perpendiculairement à la rue, le bâtiment B étant implanté en fond de parcelle à environ 40 mètres de la voie publique. Or, l'accès au bâtiment B se fait uniquement par une rampe d'accès au parking souterrain pour les véhicules et par un cheminement piéton extérieur d'une largeur inférieure à 2 mètres ne permettant pas la circulation de véhicules de secours et de lutte contre l'incendie. Dans ces conditions, compte tenu du nombre de logements créés par le projet litigieux et de la configuration de la parcelle, du bâtiment et des accès, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le maire de Vernouillet a refusé le permis de construire au motif qu'il aurait été de nature à créer un risque pour la sécurité publique au titre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

8. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que des prescriptions spéciales, qui, en tout état de cause, ne peuvent assortir une autorisation d'urbanisme qu'à la condition d'entraîner des modifications sur des points précis et limités et ne pas apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, auraient permis d'assurer sa conformité aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

En ce qui concerne les autres motifs de refus du permis de construire :

9. En premier lieu, les moyens tirés de ce que le refus de permis de construire ne pouvait être légalement fondé sur la décision du préfet de la région-Ile-de-France, celle-ci n'étant pas suffisamment motivée, n'étant pas nécessaire faute pour le projet litigieux d'être visible depuis l'église de Vernouillet et étant entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que le projet litigieux n'est pas de nature à porter atteinte aux abords du monument historique et de ce que le maire de Vernouillet n'était pas tenu par la décision de l'architecte des bâtiments de France, doivent être accueillis pour les mêmes motifs que ceux retenus, à bon droit, par les premiers juges aux points 2 à 8 du jugement attaqué.

10. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le maire de Vernouillet ne pouvait légalement fonder son refus sur les dispositions des articles UCV 11 et UHa 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Vernouillet et les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme doit être retenu pour les mêmes motifs que ceux exposés, à bon droit, aux points 9 à 12 du jugement attaqué.

11. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que le maire de Vernouillet ne pouvait légalement fonder son refus sur les dispositions des articles UCV 13 et UHa 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Vernouillet doit être retenu pour les mêmes motifs que ceux exposés, à bon droit, aux points 13 à 17 du jugement attaqué.

12. Toutefois, il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Vernouillet aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison des difficultés d'accès pour les véhicules de secours et de lutte contre l'incendie, ainsi que cela a été exposé au point 7 du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense par la commune de Vernouillet, que la SAS Cap Synthèse n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vernouillet, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SAS Cap Synthèse demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SAS Cap Synthèse une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Vernouillet sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Cap Synthèse est rejetée.

Article 2 : La SAS Cap Synthèse versera à la commune de Vernouillet une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Cap Synthèse et à la commune de Vernouillet.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Houllier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2023.

La rapporteure,

S. B...Le président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02432
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : FERRACCI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-04-21;21ve02432 ?
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