Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et l'a informé de son signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen pendant la durée de cette interdiction.
Par une ordonnance n° 2300358 du 20 janvier 2023, la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande comme tardive.
Par une ordonnance n° 2300752 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Versailles a, en application du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis la requête de M. A... à la cour administrative d'appel de Versailles.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 janvier 2023 et le 6 février 2023, M. A..., représenté par Me Toujas, avocate, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler cette ordonnance ;
3°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Versailles ou, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté et d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Toujas, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A..., de lui verser directement la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière dès lors que sa demande était recevable en première instance ;
- elle est entachée d'une omission à statuer ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur matérielle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente faute de délégation de signature régulièrement publiée ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait quant à la preuve de son séjour depuis le 25 mars 2019 et quant au maintien en situation irrégulière depuis le 25 décembre 2021 et non depuis 2019 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la menace pour l'ordre public que son comportement constituerait ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est illégale dès lors qu'elle se fonde sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'accorder un délai de départ volontaire qui sont elles-mêmes illégales ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du président de la 2ème chambre du 15 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnel du 23 mai 2023, l'aide juridictionnelle totale a été octroyée à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Even a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais, né le 25 décembre 2003 à Douala, qui a déclaré être entré en France en 2019, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et a fait l'objet, le 6 août 2021, d'une première obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 8 juin 2022, M. A... a été condamné à une peine d'emprisonnement de six mois pour des faits de " vol avec violence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail, récidive ". Par un arrêté du 20 septembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et l'a informé de son signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen pendant la durée de cette interdiction. M. A... fait appel de l'ordonnance du 20 janvier 2023 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté, comme tardive, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles a, par une décision du 23 mai 2023, admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont ainsi devenues sans objet.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article R. 776-1 du même code : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues au II de l'article L. 511-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues au III du même article et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 511-3-2 du même code ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; / (...) / 6° Les décisions d'assignation à résidence prévues aux articles L. 561-2, L. 744-9-1 et L. 571-4 du même code. / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre mesure d'éloignement prévue au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des arrêtés d'expulsion, présentées en cas de placement en rétention administrative, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure. / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions présentées dans le cadre des requêtes dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français mentionnées au 1° du présent article, sur le fondement de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tendant à la suspension de l'exécution de ces mesures d'éloignement. ". Par ailleurs, l'article L. 512-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile dispose : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. ". Enfin, d'une part, aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative. ". D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles R. 776-29 et R. 776-31 du même code, issues du décret du 28 octobre 2016 pris pour l'application du titre II de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, que les étrangers ayant reçu notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1 du code alors qu'ils sont en détention ont la faculté de déposer leur requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
4. Pour rendre opposable le délai de recours contentieux, l'administration est tenue, en application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, de faire figurer dans la notification de ses décisions la mention des délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais des recours administratifs préalables obligatoires. Elle n'est en principe pas tenue d'ajouter d'autres indications, notamment les délais de distance, la possibilité de former des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs ou la possibilité de former une demande d'aide juridictionnelle. Si des indications supplémentaires sont toutefois ajoutées, ces dernières ne doivent pas faire naître d'ambiguïtés de nature à induire en erreur les destinataires des décisions dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours effectif.
5. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête ait été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire, fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai de recours. Depuis l'entrée en vigueur des dispositions mentionnées au point 4, il incombe à l'administration, pour les décisions présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus, de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été notifié à M. A..., alors détenu au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, le 21 septembre 2022 à 10 heures 41. Si sa requête n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles que le 16 janvier 2023 à 10 heures, soit postérieurement à l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées, il ressort des pièces du dossier que la notification qui lui été faite de l'arrêté ne mentionnait pas la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Dès lors, le délai de recours n'est pas opposable à M. A... et c'est ainsi à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme irrecevable pour tardiveté.
7. M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande comme tardive. Il y a lieu de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Versailles.
Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées pour M. A... au titre des frais de justice.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Versailles n° 2300358 du 20 janvier 2023 est annulée.
Article 3 : La requête est renvoyée au tribunal administratif de Versailles.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
Le président-rapporteur,
B. EVEN
L'assesseure la plus ancienne,
B. AVENTINO
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE00236