Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Carré Bleu Voyages, aux droits de laquelle vient la société Jancarthier, a demandé au tribunal administratif de Versailles, par une première requête n° 1906072, de condamner Centrale Supélec à lui verser une indemnité de 138 299,20 euros au titre des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dus à raison des factures acquittées avec retard émises pour les prestations exécutées en 2015 et 2016, assortie des intérêts moratoires au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne en vigueur à la date de réception du mémoire de réclamation, soit le 5 avril 2019, majoré de huit points, et de la capitalisation des intérêts et, par une seconde requête n° 1908926, de condamner Centrale Supélec à lui verser une indemnité de 138 299,20 euros au titre des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dus à raison des factures acquittées avec retard émises pour les prestations exécutées en 2015 et 2016, assortie des intérêts moratoires au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne en vigueur à la date de réception du mémoire de réclamation, soit le 5 avril 2019, majoré de huit points, et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1906072 et 1908926 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2021, la société Jancarthier, représentée par Me Achim, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner Centrale Supelec à lui verser une indemnité d'un montant de 138 299,20 euros au titre des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dus à raison des factures acquittées avec retard émises pour les prestations exécutées en 2015 et 2016 ;
3°) de condamner Centrale Supelec à lui verser les intérêts moratoires sur les indemnités dues au principal, au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations de refinancement, en vigueur à compter de la date de réception du mémoire en réclamation, soit le 5 avril 2019, majoré de sept points de pourcentage, somme assortie de la capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de Centrale Supélec la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Jancarthier soutient que :
- les stipulations du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) prévoient que les factures sont établies après exécution de chaque commande et que le délai de paiement est fixé à trente jours ; ces délais de paiement n'ont pas été respectés ;
- les tableaux récapitulatifs des factures payées avec retard n'ont jamais été contestés par Centrale Supélec et ces tableaux sont appuyés par les factures adressées à Centrale Supélec et par les dates de paiement ;
- les indemnités dues au principal doivent être augmentées des intérêts moratoires au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au 5 avril 2019, majoré de huit points, avec capitalisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2022, Centrale Supélec, représentée par Me Lapisardi, avocate, conclut :
1°) au rejet de la requête de la société Jancarthier ;
2°) à la mise à la charge de la société Jancarthier de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société requérante, qui ne produit pas d'éléments attestant de la date de réception des factures ni de la date de paiement de ces factures, en l'absence d'accusé de réception, n'établit pas l'existence de retards de paiement ;
- les demandes de la société requérante ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées dès lors que l'indemnité forfaitaire de 40 euros n'est pas due et que les prestations commandées à compter du 2 janvier 2016 sont hors marché et ne peuvent être soumises à des intérêts moratoires contractuels ; en effet, plus aucun contrat ne lie la société requérante et Centrale Supélec depuis le 1er janvier 2016 ; enfin, la demande tendant à assortir les indemnités dues au titre des intérêts moratoires par d'autres intérêts moratoires au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne ne repose sur aucun texte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lapisardi pour Centrale Supelec.
Considérant ce qui suit :
1. L'Ecole centrale des arts et manufactures, devenue Centrale Supélec, a passé avec la société SAVAC Voyages un marché public à bons de commande pour la fourniture de titres de transport pour les élèves et les personnels de l'établissement. Le marché a été notifié le 20 décembre 2011 pour une durée initiale d'un an, renouvelable par tacite reconduction pour une durée maximale de 4 ans, et a pris effet le 2 janvier 2012. Par avenant n° 11-019-1, il a été transféré de la société SAVAC Voyages à la société Carré Bleu Voyages le 1er juillet 2013. Par lettre du 3 avril 2019, la société Carré Bleu Voyages a demandé à Centrale Supélec le paiement d'intérêts de retard pour toutes les factures payées tardivement lors de l'exécution du marché en 2015 et 2016 ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros pour chacune de ces factures. Elle a renouvelé cette demande par deux courriers des 25 et 29 juillet 2019. La société Carré Bleu Voyages a demandé au tribunal administratif de Versailles la condamnation de Centrale Supélec à lui verser une somme de 138 299,20 euros assortie des intérêts de retard et de la capitalisation des intérêts. Elle demande l'annulation du jugement du 26 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 98 du code des marchés publics, applicable au présent litige (du 27 août 2011 au 1er mai 2013) : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder : / 1° 30 jours pour les services de l'Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, à l'exception de ceux mentionnés au 2°, pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux ; / 2° 50 jours pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées. / Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai de maximum de paiement dans les marchés publics : " I. - Le point de départ du délai global de paiement prévu aux articles 54 et 55 de la loi du 15 mai 2001 susvisée et à l'article 98 du code des marchés publics est la date de réception de la demande de paiement par les services de la personne publique contractante ou, si le marché le prévoit, par le maître d'oeuvre ou tout autre prestataire habilité à cet effet. Le marché indique les conditions administratives et techniques auxquelles sont subordonnés les mandatements et le paiement. (...) La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par les services de la personne publique contractante. A défaut, c'est la date de la demande de paiement augmentée de deux jours qui fait foi. En cas de litige, il appartient au titulaire de la commande d'administrer la preuve de cette date (...) ".
3. Aux termes de l'article IX " Facturation - Règlement " du cahier des clauses administratives particulières applicable au litige : " (...) Le délai de paiement est fixé à 30 jours, à la date de la réception des factures par le service comptable de l'ECP et après acceptation du décompte. / Le taux des intérêts moratoires en cas de retard dans les paiements est le taux de la BCE majoré de 7 % ".
4. La société Jancarthier soutient que nombre de factures ont été réglées au-delà du délai de trente jours après leur date de réception par Centrale Supélec, en méconnaissance des stipulations du cahier des clauses administratives particulières précitées et demande le paiement des intérêts moratoires au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, à compter de la date de réception de ces factures, majoré de sept points ainsi que de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. La charge de la preuve de la date de réception de ces factures incombe cependant à la société requérante comme le rappelle l'article 1er du décret du 21 février 2002 précité. Si la société requérante produit le listing des intérêts moratoires relatifs aux années 2015 et 2016 ainsi que les factures qu'elle aurait adressées à Centrale Supélec comportant leur date d'envoi, elle ne produit aucun élément établissant la date de réception de ces factures ou la date de leur paiement effectif alors que Centrale Supélec conteste avec vigueur avoir dépassé les délais de paiement pour des prestations qui au demeurant ont été réalisées trois ou quatre ans avant la réclamation formée par la société Jancarthier en avril 2019.
5. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à ce que Centrale Supélec soit condamnée à lui verser une indemnité d'un montant de 138 299,20 euros au titre des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dus à raison des factures émises pour les prestations exécutées en 2015 et 2016 et acquittées avec retard, cette dernière indemnité n'étant d'ailleurs pas applicable au litige dès lors qu'elle n'a été créée que par la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 et le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 applicables aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013 , ainsi que les intérêts moratoires sur les indemnités dues au principal.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Jancarthier. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Jancarthier la somme de 1 500 euros à verser à Centrale Supélec au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Jancarthier est rejetée.
Article 2 : La société Jancarthier versera la somme de 1 500 euros à Centrale Supélec en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jancarthier et à Centrale Supélec.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
Le rapporteur,
J-E. PILVENLe président,
F. ETIENVRELa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne à la préfète de l'Essonne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 21VE02269 2