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17/09/2024 | FRANCE | N°23VE02624

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 17 septembre 2024, 23VE02624


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an.



Par un jugement n° 2301084 du 16 novembre 20

23, le tribunal a annulé l'arrêté du 13 septembre 2021 et enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 2301084 du 16 novembre 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 13 septembre 2021 et enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... n'était pas absente ou empêchée lors de la signature de l'arrêté contesté ;

- les autres moyens invoqués par M. A... sont infondés pour les motifs exposés dans son mémoire en défense de première instance.

Par un mémoire enregistré le 29 mai 2024, M. A..., représenté par Me Rosin, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement du 16 novembre 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet des Hauts-de-Seine ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui verser cette somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête du préfet est irrecevable, son signataire ne justifiant pas d'une délégation de signature du préfet ;

- à titre principal, le refus de titre de séjour contesté est entaché d'erreur de droit, dès lors que le préfet n'a pas pris en compte l'avis de sa structure d'accueil ainsi que ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ce refus avait été pris par une autorité incompétente, faute pour le préfet d'avoir justifié de l'empêchement de l'autorité ayant délégué sa signature à l'auteur de l'acte ;

- ce refus est insuffisamment motivé ;

- l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur un refus de titre de séjour lui-même illégal ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur un refus de titre de séjour lui-même illégal ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 septembre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an. Par un jugement du 16 novembre 2023, dont le préfet des Hauts-de-Seine relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 3 septembre 2024. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressé tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A... :

3. Aux termes de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : / 1° Entrée et séjour des étrangers en France (...) ".

4. La requête d'appel a été signée par M. Pascal Gauci, secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine, qui disposait d'une délégation de signature consentie par un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 2 mai 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, lui donnant compétence pour signer toutes décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département des Hauts-de-Seine. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la requête d'appel a été signée par une personne incompétente.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

5. L'arrêté contesté a été signé par Mme C..., adjointe à la cheffe du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, qui disposait d'une délégation de signature consentie par un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 1er septembre 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs, lui donnant compétence pour signer les décisions de refus de délivrance de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français assorties d'un délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français en cas d'absence ou d'empêchement de Mme D..., directrice des migrations et de l'intégration, et de Mme B..., cheffe du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement. S'il est constant que Mme D... était présente le 13 septembre 2021, dès lors qu'elle a signé le courrier daté de ce jour notifiant l'arrêté contesté, cette seule circonstance n'est pas de nature à démontrer que celle-ci n'aurait pas été empêchée lors de la signature de cet arrêté. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé, pour annuler cet arrêté, que son signataire n'était pas compétent.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

7. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant guinéen né le 2 août 2003, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance à compter du 12 mars 2019, soit avant ses seize ans, et que l'arrêté contesté a été pris dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire. Si l'organisme de formation auquel il était inscrit à compter du 13 novembre 2000, pour suivre une formation de magasinier, et par l'intermédiaire duquel il avait conclu un contrat d'apprentissage, a dû interrompre son activité en juillet 2021 à la suite d'un contrôle de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités des Yvelines ayant conduit cette direction à s'opposer à l'emploi par cet organisme d'apprentis en raison de manquements aux dispositions du code du travail, cette circonstance indépendante de la volonté de M. A..., orienté vers cet organisme par sa structure d'accueil, ne saurait suffire, dans les circonstances de l'espèce, à remettre en cause le caractère réel et sérieux du suivi de ses études. La structure accueillant M. A... a ainsi attesté, le 26 janvier 2023, que l'intéressé a cherché un nouvel organisme de formation dès l'été 2021, dans lequel il a pu être inscrit pour une formation d'agent magasinier à compter du mois de novembre 2021, après avoir trouvé, en septembre 2021 un employeur en vue de la signature d'un contrat d'apprentissage. Si le père ainsi que les deux frères et sœurs de M. A... résident en Guinée, sa structure d'accueil a indiqué ne pas avoir connaissance du maintien de liens entre l'intéressé et ses proches, et il ne ressort pas des autres pièces du dossier qu'il aurait conservé des liens réguliers avec ces derniers. Enfin, dans son rapport social établi le 3 juin 2021, la structure ayant pris en charge M. A... depuis son arrivée en France relève que l'intéressé s'est investi dans l'accompagnement éducatif qui lui a été proposé, suit sa formation avec sérieux et participe activement aux démarches nécessaires à son insertion socio-professionnelle. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le préfet des Hauts-de-Seine a méconnu les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour. M. A... est donc fondé à soutenir que cette décision est illégale. Il en va de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 13 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement la délivrance à M. A... d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le préfet demande au titre des frais d'instance.

12. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Rosin, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rosin d'une somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire de M. A....

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 2301084 du 16 novembre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Rosin une somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La requête du préfet des Hauts-de-Seine est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. E... A... et à Me Rosin.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

E. TroalenLa présidente,

F. VersolLa greffière,

C. Drouot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE02624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02624
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Compétence - Délégations - suppléance - intérim - Suppléance.

Étrangers - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : ROSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;23ve02624 ?
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