Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a rejeté sa demande du 25 octobre 2018 tendant à l'octroi d'un congé de longue durée ainsi que les deux arrêtés du 8 janvier 2019 par lesquels le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris l'a, d'une part, reconnue temporairement inapte à ses fonctions et placée en disponibilité d'office pour raison de santé du 30 janvier au 29 juin 2019 inclus, et d'autre part, reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et a prolongé sa mise en disponibilité d'office à compter du 30 juin 2019 jusqu'à la date de sa mise à la retraite pour invalidité.
Par un jugement no 1901206 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux arrêtés et rejeté le surplus des conclusions de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 février 2022, 26 octobre 2022 et 10 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Athon-Perez, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2021, en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a rejeté sa demande du 25 octobre 2018 tendant à l'octroi d'un congé de longue durée ;
2°) d'annuler cette décision implicite ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de lui accorder un congé de longue durée, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours suivant cette notification, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La requérante soutient que :
- la décision implicite rejetant le bénéfice d'un congé de longue durée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un avis du comité médical comme le prévoit l'article 7 du décret du 19 avril 1988 ;
- la décision implicite rejetant sa demande de placement en congé de longue durée méconnaît les articles 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et celles de l'article 19 du décret du 19 avril 1988 ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation de la possibilité pour elle d'être placée en congé de longue durée ;
- les arrêtés du 8 janvier 2019 devaient être précédés d'un avis de la commission de réforme.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 avril 2022 et 30 janvier 2023, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, représentée par Me Lacroix, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme B... ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a annulé les arrêtés du 8 janvier 2019 ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la décision implicite par laquelle la demande de Mme B... tendant au bénéfice d'un congé de longue durée a été rejetée n'est entachée d'aucune erreur de droit ;
- elle n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;
- le vice qui entacherait la procédure à l'issue de laquelle elle a été prise peut, en tout état de cause, être neutralisé ;
- en vertu des articles 31 et 35 du décret du 19 avril 1988, les arrêtés du 8 janvier 2019 ne supposaient pas d'avoir préalablement recueilli l'avis de la commission de réforme.
Par ordonnance du 19 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameau ;
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ;
- et les observations de Me Achard, représentant Mme B..., et celles de Me Lacroix, représentant l'AP-HP.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., aide-soignante titulaire au sein de l'hôpital Joffre Dupuytren, rattaché à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, a bénéficié d'un congé de maladie ordinaire le 30 janvier 2016. Par un arrêté du 23 septembre 2016, ce congé a été rétroactivement requalifié en congé de longue maladie, lequel a été renouvelé, par périodes de trois mois, jusqu'au 29 janvier 2019. Dans un avis rendu le 8 novembre 2018, le comité médical a estimé que Mme B... était définitivement inapte à ses fonctions et même à toutes fonctions, et préconisait sa mise en disponibilité d'office pour cinq mois à compter du 30 janvier 2019. Par deux arrêtés du 8 janvier 2019, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a, d'une part, reconnu Mme B... temporairement inapte à ses fonctions et l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé, du 30 janvier 2019 au 29 juin 2019 inclus, et d'autre part, a reconnu Mme B... définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et a prolongé sa mise en disponibilité d'office à compter du 30 juin 2019 jusqu'à la date de sa mise à la retraite pour invalidité. Mme B... relève appel du jugement rendu le 7 décembre 2021 par le tribunal administratif de Versailles en tant que ce jugement a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a rejeté sa demande du 25 octobre 2018 tendant à l'octroi d'un congé de longue durée, tandis que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a annulé les arrêtés du 8 janvier 2019.
Sur l'appel principal :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...). Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie, le congé ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. / Sur la demande de l'intéressé, l'établissement a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à l'octroi d'un congé de longue durée (...) " Aux termes de l'article 19 du décret du 19 avril 1988 : " Le fonctionnaire atteint de tuberculose, de maladie mentale, d'affection cancéreuse, de poliomyélite ou de déficit immunitaire grave et acquis qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé à quelque titre que ce soit ses droits à plein traitement d'un congé de longue maladie est placé en congé de longue durée. Toutefois, l'intéressé peut demander à être placé ou maintenu en congé de longue maladie. / Si le fonctionnaire obtient le bénéfice d'un congé de longue maladie, il ne peut plus bénéficier d'un congé de longue durée au titre de l'affection pour laquelle il a obtenu ce congé s'il n'a recouvré auparavant ses droits à congé de longue maladie à plein traitement. / L'autorité investie du pouvoir de nomination accorde à l'intéressé un congé de longue durée ou de longue maladie après avis du comité médical. ". Aux termes de l'article 29 du décret du 14 mars 1986 : " Le fonctionnaire atteint de tuberculose, de maladie mentale, d'affection cancéreuse, de poliomyélite ou de déficit immunitaire grave et acquis, qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé, à quelque titre que ce soit, la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie est placé en congé de longue durée selon la procédure définie à l'article 35 ci-dessous. Il est immédiatement remplacé dans ses fonctions. ". Enfin, aux termes de l'article 30 de ce décret : " Toutefois le fonctionnaire atteint d'une des cinq affections énumérées à l'article 29 ci-dessus, qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé, à quelque titre que ce soit, la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, peut demander à être placé ou maintenu en congé de longue maladie. /L'administration accorde à l'intéressé un congé de longue durée ou de longue maladie après avis du comité médical. / Si l'intéressé obtient le bénéfice du congé de longue maladie, il ne peut plus bénéficier d'un congé de longue durée au titre de l'affection pour laquelle il a obtenu ce congé, s'il n'a pas recouvré auparavant ses droits à congé de longue maladie à plein traitement. "
3. Mme B... reprend en appel les moyens tirés du vice de procédure et des erreurs de droit et d'appréciation dont serait entachée la décision par laquelle lui a été refusé le bénéfice du congé de longue durée qu'elle a sollicité par courrier daté du 25 octobre 2018 et reçu le 29 octobre suivant par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
4. Il est constant que Mme B..., qui souffrait d'un syndrome anxio-dépressif, a épuisé ses droits à congé de longue de maladie le 30 janvier 2019, après être passée à demi-traitement le 30 janvier 2017. Elle a formé une demande de congé de longue durée le 25 octobre 2018 sans avoir repris l'exercice de ses fonctions pendant un an, et donc, sans avoir recouvré ses droits à congé de longue maladie à plein traitement. Cette circonstance faisait obstacle, en vertu des dispositions précitées, à ce que Mme B... puisse prétendre à l'octroi d'un congé de longue durée au titre de l'affection pour laquelle elle avait obtenu son congé de longue maladie. A cet égard, est sans incidence la circonstance que Mme B... n'ait pas été à l'initiative des renouvellements successifs de son congé de longue maladie, qu'elle n'a d'ailleurs pas contestés.
5. Compte tenu de ce qui précède, et pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit et exposés par le tribunal aux points 4 et 5 du jugement attaqué, les moyens relatifs à la procédure et à la légalité interne de la décision implicite en litige doivent être écartés.
Sur l'appel incident :
6. Aux termes de l'article 31 du décret du 19 avril 1988 : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et, éventuellement, de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité investie du pouvoir de nomination ou l'intéressé juge utile de le solliciter, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend son activité, éventuellement dans les conditions prévues à l'article 32 ci-après. / Si, au vu du ou des avis prévus ci-dessus, le fonctionnaire est reconnu inapte à exercer ses fonctions, le congé continue à courir ou est renouvelé. Il en est ainsi jusqu'au moment où le fonctionnaire sollicite l'octroi de l'ultime période de congé rémunéré à laquelle il peut prétendre. /Le comité médical doit, en même temps qu'il se prononce sur la dernière période du congé, donner son avis sur l'aptitude ou l'inaptitude présumée du fonctionnaire à reprendre ses fonctions à l'issue de cette prolongation. /(...)/ Si le comité médical estime qu'il y a présomption d'inaptitude définitive, le cas de l'intéressé est soumis à la commission départementale de réforme prévue au décret du 9 septembre 1965 susvisé, qui se prononce sur l'application de l'article 35 ci-après. " Aux termes des dispositions de l'article 35 de ce décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 36 de ce décret : " La mise en disponibilité prévue aux articles 17 et 35 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission départementale de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. / Elle est accordée pour une durée maximale d'un an et peut être renouvelée à deux reprises pour une durée égale. / Toutefois, si à l'expiration de la troisième année de disponibilité le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement. L'avis est donné par la commission de réforme lorsque le congé antérieur a été accordé en vertu du deuxième alinéa du 4° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical. Toutefois, lors du dernier renouvellement de la mise en disponibilité, c'est la commission de réforme qui est consultée. ".
7. Il résulte de ces dispositions combinées que les décisions qui placent un agent en disponibilité d'office requièrent l'avis préalable de la commission de réforme dans le cas où le congé antérieur était un congé de longue durée pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions et dans le cas du dernier renouvellement de la mise en disponibilité d'office. Les arrêtés du 8 janvier 2019 ne comportent pas de décision correspondant à l'un de ces deux cas. Dès lors, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que ces arrêtés avaient été pris à l'issue d'une procédure viciée, faute pour elle d'avoir préalablement recueilli l'avis de la commission de réforme. Elle est donc également fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé ces arrêtés.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée au titre des frais exposés par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Versailles du 7 décembre 2021 est annulé.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Hameau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
M. HAMEAULa présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE00244