Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 21 novembre 2022, 26 juin 2023, 21 mars 2024, 29 mai 2024 et le 27 juin 2024, l'association de défense de l'environnement du Besland (ADEB), l'association " sites et monuments ", la commune de Bossée, la commune de Bournan, M. O... W..., M. C... R..., M. et Mme V... E..., M. M... T..., M. et Mme F... L..., Mme S... B... épouse N..., Mme J... U..., M. G... U..., M. et Mme X... H..., M. et Mme P... H..., M. V... I..., M. Q... K..., M. et Mme C... D..., M. et Mme Z... Y... A..., et l'entreprise à responsabilité limitée (EURL) Les étangs, représentés par Me Monamy, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a délivré à la société Parc éolien de Sepmes SAS une autorisation environnementale relative à l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur la commune de Sepmes ;
2°) en cas d'annulation partielle de l'arrêté, d'en suspendre l'exécution des parties non viciées ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Sepmes SAS la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête n'est pas tardive ;
- ils justifient d'un intérêt à agir ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention d'Aarhus, dès lors qu'aucune concertation du public n'a été organisée en temps utile pour la définition du projet, de nature à exercer une réelle influence en début de procédure, antérieurement au stade de l'enquête publique ;
- le dossier de demande d'autorisation environnementale est incomplet, dès lors que la société pétitionnaire n'a pas joint à sa demande une attestation établissant qu'elle dispose de la maîtrise foncière du projet ou qu'une procédure est en cours en vue de la lui conférer, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 181-13 du code de l'environnement ;
- le dossier de demande d'autorisation environnementale est incomplet à défaut de comporter les avis ou les lettres attestant que le pétitionnaire a sollicité les avis des propriétaires des parcelles concernées et du maire du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation, en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement ;
- le dossier de demande d'autorisation environnementale est incomplet, dès lors que la société pétitionnaire n'a pas justifié du caractère suffisant de ses capacités financières, en méconnaissance des dispositions des articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement ;
- la décision d'autorisation environnementale est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'étude d'impact est entachée d'inexactitudes, omissions et insuffisances ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, du fait de l'irrégularité de la consultation des conseils municipaux des communes intéressées ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale, ni de celle du signataire de l'accord du 27 janvier 2022, donné par le directeur de la circulation aérienne militaire au nom du ministre des armées ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, du fait de l'irrégularité de l'enquête publique qui l'a précédée, dès lors que la réalité de l'affichage aux abords du site d'implantation du projet pendant toute la durée réglementaire n'est pas établie, que l'affichage sur les communes de Civray, du Louroux et de Manthelan n'a été effectué qu'à compter du jour de l'enquête ; en outre, l'avis d'ouverture de l'enquête publique ne mentionnait pas l'existence d'un registre dématérialisé, ni de l'étude d'impact, ni de l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale ; l'avis d'ouverture et d'organisation de l'enquête publique n'a pas été pris après concertation avec le commissaire enquêteur ; cet avis n'a été publié que dans deux éditions d'un seul et même journal ; les conditions de consultation du dossier d'enquête publique au sein de la commune de Sepmes n'ont pas permis la bonne information du public ;
- les dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement ont été méconnues, faute pour le préfet de ne pas avoir exigé un éloignement plus important des aérogénérateurs par rapport aux habitations les plus proches ;
- la décision d'autorisation environnementale méconnaît les dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, de l'article 11 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme de Sepmes et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet porte atteinte à la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, et à la conservation des sites et des monuments ;
- l'article 2 de la zone A du plan local d'urbanisme de Sepmes a été méconnu, faute d'une bonne intégration du projet dans le site ;
- la décision méconnaît les dispositions combinées des articles L. 181-2, L. 181-3 et L.411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une demande de dérogation au principe de l'interdiction d'atteinte à des espèces protégées ;
- le projet est de nature à porter atteinte à la cigogne noire ;
- le projet ne prévoit pas de compensation des atteintes à la biodiversité, en méconnaissance des articles L. 110-1, L. 122-1-1, L. 163-1 et L. 511-1-1 du code de l'environnement ;
- l'article 8B1 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Loire-Bretagne 2022-2027 a été méconnu.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 avril 2023, le 21 février 2024, le 29 avril 2024, le 17 juin 2024 et le 11 septembre 2024, la société parc éolien de Sepmes SAS, représentée par Me Gelas, avocate, conclut au rejet de la requête ou à défaut à ce qu'il soit sursis à statuer en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté et faute d'intérêt à agir des requérants ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2024, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en tant qu'elle est présentée par les communes de Bossée et de Bournan ainsi que par l'EURL les étangs, faute d'intérêt pour agir ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
L'avocat des requérants a, le 21 novembre 2022, désigné Mme J... U... en qualité de représentant unique sur le fondement de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 89-1004 du 31 décembre 1989 autorisant l'approbation d'une convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe ;
- la loi n° 89-1005 du 31 décembre 1989 autorisant l'approbation d'une convention relative à la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage;
- le décret n° 90-756 du 22 août 1990 portant publication de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (ensemble quatre annexes), ouverte à la signature à Berne le 19 septembre 1979 ;
- le décret n° 90-962 du 23 octobre 1990 portant publication de la convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, faite à Bonn le 23 juin 1979, telle qu'amendée à Bonn le 26 octobre 1985 ;
- l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Lacoste, représentant l'ADEB et autres, et celles de Me Kerjean-Gauducheau, représentant la société Parc éolien de Sepmes.
Une note en délibéré présentée pour la société Parc Eolien des Sepmes a été enregistrée le 14 octobre 2024.
Une note en délibéré présentée pour l'ADEB et autres a été enregistrée le 18 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société Parc éolien de Sepmes SAS a déposé le 29 octobre 2020 une demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation de cinq aérogénérateurs, d'une puissance unitaire maximale de 3,6 MW, et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Sepmes. Par un arrêté du 18 juillet 2022, le préfet de l'Indre-et-Loire a accordé l'autorisation environnementale sollicitée, " relative à l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent " sur la commune de Sepmes. L'association de défense de l'environnement du Besland (ADEB), l'association sites et monuments, les communes de Bossée et de Bournan, M. O... W..., M. C... R..., M. et Mme V... E..., M. M... T..., M. et Mme F... L..., Mme S... B... épouse N..., Mme J... U..., M. G... U..., M. et Mme X... H..., M. et Mme P... H..., M. V... I..., M. Q... K..., M. et Mme C... D..., M. et Mme Z... Y... A..., ainsi que l'EURL Les Etangs, demandent à la cour d'annuler cet arrêté.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
En ce qui concerne le respect du délai de recours contentieux :
2. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement, dans sa version applicable au présent litige : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : (...) 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. / Les décisions mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet d'un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois. Ce recours administratif prolonge de deux mois les délais mentionnés aux 1° et 2° ".
3. L'arrêté en litige, par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a délivré à la société Parc éolien de Sepmes SAS l'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-12 du code de l'environnement, a été signé le 18 juillet 2022. Aucune pièce versée au dossier ne permet d'établir si ledit arrêté a bien été affiché en mairie et publié sur le site internet de la préfecture de l'Indre-et-Loire, conformément aux dispositions précitées, ni à quelle date. La requête présentée par l'ADEB et autres, enregistrée le 21 novembre 2022, n'est donc pas tardive.
En ce qui concerne l'intérêt pour agir de l'association de défense de l'environnement du Besland (ADEB) :
4. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 (...) justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ".
5. L'article 2 des statuts de l'ADEB prévoit expressément que " cette association a pour objet, sur le territoire de l'ancienne communauté de communes du Grand Liguellois (commune de Bossée, Bournan, La Chapelle blanche Saint-Martin, Ciran, Civray-sur-Esves, Cussay, Draché, Esves-le-Moutier, Ligueil, Louans, Le Louroux, Manthelan, Marcé-sur-Esves, Mouzay, Sepmes, Varennes, Vou) ainsi que sur les communes limitrophes de cette ancienne communauté de communes, la protection de l'environnement, de la faune, des paysages et du patrimoine culturel contre toutes les atteintes qui pourraient leur être portées, notamment par l'implantation d'éoliennes et des équipements qui leur sont liés ".
6. Au regard de son objet statutaire et de l'étendue géographique de son action, l'ADEB justifie d'un intérêt pour agir contre l'arrêté en litige, accordant une autorisation environnementale pour l'exploitation d'une installation de cinq éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Sepmes.
En ce qui concerne l'intérêt pour agir de l'association " sites et monuments " :
7. L'association " sites et monuments ", anciennement dénommée " société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ", fondée en 1901 et reconnue d'utilité publique par décret du 7 novembre 1936, a pour but, aux termes de l'article 1er de ses statuts, de défendre de toute atteinte, notamment sur le territoire métropolitain, le patrimoine paysager, rural et environnemental. Son agrément de protection de l'environnement dans le cadre national a été implicitement renouvelé à compter du 1er janvier 2018, pour une période de 5 ans. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, l'association " sites et monuments " justifie d'un intérêt pour agir contre l'arrêté en litige.
En ce qui concerne l'intérêt pour agir des communes de Bossée et de Bournan :
8. Aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. / Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu'il est demandé par le représentant de l'Etat dans le département (...) / Le conseil municipal émet des vœux sur tous les objets d'intérêt local ".
9. Les communes de Bossée et de Bournan font état dans leur requête des phénomènes de co-visibilité et des atteintes visuelles qui seraient causées par l'installation des aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Sepmes, dont elles sont limitrophes. Elles soutiennent que, ce faisant, le projet en cause est susceptible de porter atteinte à leur " patrimoine paysager " et à l'attractivité touristique de leur territoire. Elles doivent ainsi être regardées comme justifiant suffisamment de l'incidence du projet en cause sur leur propre situation et sur les intérêts dont elles ont la charge. Elles justifient en conséquence d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté en litige.
En ce qui concerne l'intérêt pour agir des personnes physiques :
10. En application des dispositions des articles R. 181-50, L.211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
11. Il résulte de l'instruction que Mme B... épouse N... réside au niveau du hameau de la Grande-Journeraie, M. et Mme E... aux abord du hameau de la Besnardière, M. et Mme L... au niveau du hameau de la Joubardière et M.et Mme Y... A... au niveau du hameau de Bissac, identifiés dans l'étude d'impact comme devant être concernés par une visibilité avérée avec les aérogénérateurs. M. W... établit qu'il est propriétaire et réside au château de Bagneux, à Bournan, également concerné par des effets de co-visibilité avec le projet d'éoliennes. Ils justifient ainsi de leur intérêt pour agir contre l'arrêté en litige.
12. M. R... et Mme et Mme P... H... allèguent résider à 603 mètres de l'éolienne la plus proche, M. et Mme E... à 909 mètres, M. T... à 1.900 mètres, M. et Mme L... à 826 mètres, M. et Mme X... H... à 757 mètres, M. K... à 1.074 mètres, M. et Mme D... à 1.309 mètres. Justifiant résider sur les communes de Sepmes et de Bournan, ils soutiennent tous, sans être contestés en défense, qu'en raison de la topographie des lieux et des dimensions des aérogénérateurs projetés, ces derniers seraient visibles depuis leurs résidences. Ils justifient ainsi d'un intérêt leur donnant qualité pour agir.
13. Si M. G... U... soutient être nu-propriétaire du Château des Etangs, situé à Bossée, il résulte de l'instruction qu'il réside sur la commune de Chambourg-sur-Indre, à plusieurs dizaines de kilomètres du site d'implantation du projet d'éoliennes. Si Mme J... U..., est usufruitière du Château des Etangs et gérante de l'EURL les étangs, qui y exploite une activité de gîte, cette seule qualité ne lui donne pas en tant que telle intérêt pour agir. En outre, alors qu'elle établit résider sur le territoire de Ciran, elle ne soutient pas que le projet en cause serait visible depuis son domicile ou qu'elle subirait des nuisances sonores du fait de sa mise en fonctionnement. De même, si M. I... justifie être propriétaire d'un bien situé sur la commune de Bournan, les pièces versées au dossier pour en justifier font état d'une domiciliation à Boulogne-Billancourt, dans le département des Hauts-de-Seine. Ce faisant, M. G... U..., Mme J... U... et M. I... ne justifient pas d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué.
En ce qui concerne l'intérêt pour agir de l'EURL Les Etangs :
14. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'étude paysagère que le château des Etangs, dans lequel l'EURL Les Etangs exploite une activité de gîte, est concerné par une " visibilité et covisibilité forte avec la tour protégée au titre des monuments historiques " depuis la route d'accès de l'ancien château, en raison de la distance rapprochée entre celui-ci et le projet. Il résulte également de l'instruction que les cinq éoliennes du projet en cause seront presque entièrement visibles depuis la dernière fenêtre de la tour du chateau. Cette circonstance, en raison des inconvénients visuels qu'elle va engendrer, apparaît de nature à affecter par elle-même les conditions d'exploitation du gîte en cause, qui participe d'une activité touristique reposant en partie sur le cadre paysager champêtre environnant. De ce fait, l'EURL Les Etangs est recevable à contester devant la cour l'autorisation environnementale en litige.
15. Il résulte des points 2 à 14 ci-dessus que les fins de non-recevoir opposées en défense par le préfet d'Indre-et-Loire et la société Parc éolien de Sepmes SAS doivent être écartées, hormis celles concernant M. G... U..., Mme J... U... et M. I..., qui ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir. Toutefois, dès lors que l'un au moins des signataires de la requête collective est recevable à demander l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2022, cette requête est recevable dans son ensemble.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 juillet 2022 :
16. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Selon l'article L. 512-1 de ce même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. / La délivrance de l'autorisation, pour ces installations, peut être subordonnée notamment à leur éloignement des habitations, immeubles habituellement occupés par des tiers, établissements recevant du public, cours d'eau, voies de communication, captages d'eau, ou des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers. Elle prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 ".
17. La cigogne noire fait partie des espèces mentionnées à l'annexe 1 de la directive n° 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, qui font l'objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d'assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution. Elle est également mentionnée à l'annexe II de la convention de Bonn du 23 juin 1979 sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, parmi les espèces migratrices dont l'état de conservation est défavorable, ainsi qu'à l'annexe II de la convention de Berne du 19 septembre 1979, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, parmi les espèces de faune strictement protégées. Cette espèce, classée comme espèce en danger par le comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), est en outre mentionnée à l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection, interdisant en particulier, " sur les parties du territoire métropolitain où l'espèce est présente ainsi que dans l'aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. (...) ".
18. L'étude écologique annexée à la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Parc éolien de Sepmes SAS précise que la population nationale de cette espèce serait estimée, en 2019, à environ 70 à 90 couples, et que la population régionale de cette même espèce serait estimée à une dizaine de couples, ce qui lui fait courir un risque majeur d'extinction en France, en raison de ses très faibles effectifs.
19. Il résulte de l'instruction que la partie occidentale du bois de Grillemont, situé à environ 3 km au nord-est du lieu d'implantation du projet en litige, constitue un lieu de reproduction stable et ancien de la Cigogne noire, depuis 1999. Il est constant qu'entre 1999 et 2020 trois nids successifs y ont été découverts, le plus proche étant situé à 3,6 km de la zone d'implantation potentielle du projet de parc éolien. Alors qu'aucune campagne d'observation n'avait été effectuée depuis 2016, des inventaires complémentaires ont été engagées en 2018 et en 2020 à l'occasion de l'élaboration du dossier de demande d'autorisation environnementale sollicitée pour le projet en cause. Trente-six observations de cigognes noires ont été faites en juin 2020, dont sept à l'est du bois de Grillemont, six au nord, neuf à l'ouest et quatorze au sud. L'étude écologique jointe au dossier de demande d'autorisation environnementale précise en particulier que, le 15 juin 2020, quatre cigognes noires ont été identifiées se dirigeant vers le territoire de la commune de Bossée, au nord-est du projet de Sepmes, que le 24 juin 2020, deux individus ont été observés, l'un gagnant la vallée de la Manse, située dans l'aire d'étude immédiate (AEI) du projet de Sepmes, et l'autre décollant du bois de Grillemont pour se diriger vers les bois de Manthelon, situé au nord-est du bois de Grillemont mais à seulement 10 km environ du site d'implantation du projet de parc éolien. Ces inventaires ont permis notamment de confirmer que le site historique du bois de Grillemont était toujours occupé par des couples de cigognes noires, pour nidification, et que la vallée de la Manse était utilisée, au moins occasionnellement, pour leur alimentation. L'étude écologique versée au dossier souligne ainsi que " d'une manière générale, le bois de Grillemont, ainsi que dans une moindre mesure le secteur du projet de Sepmes, s'inscrivent dans un corridor d'espaces boisés, ponctué de nombreux petits cours d'eau et étangs, favorables à la cigogne noire ".
20. Alors que l'étude d'impact souligne que la vallée de la Manse, située au plus proche à 350 mètres de l'éolienne E1, est riche en poisson chabot, apprécié des cigognes noires, la société Parc éolien de Sepmes SAS écarte l'hypothèse selon laquelle cette vallée pourrait constituer un lieu de gagnage pour cette espèce, en raison de la dégradation des cours d'eau à l'ouest et au sud du site d'implantation, du fait de l'activité agricole alentour et de la disponibilité en ressources sur d'autres lieux environnant le bois de Grillemont.
21. Pourtant, postérieurement aux observations effectuées en 2020, l'ADEB a produit, durant l'enquête publique, une photo montrant une cigogne noire se nourrissant dans l'étang de Bossée, située à proximité immédiate du lieu d'implantation des aérogénérateurs. De même, le rapport du commissaire enquêteur mentionne les propos d'habitants indiquant avoir vu des cigognes noires en septembre 2021, à 400 mètres du lieu d'implantation de l'éolienne E5.
22. En outre, une nouvelle étude a été commandée par la société Parc éolien de Sepmes SAS, qui a été réalisée en 2023, en vue de compléter les éléments d'observations jusqu'alors recensées. Pour mener cette étude, des appareils photos à déclenchement automatique ont été placés à divers endroits, dont cinq à proximité immédiate de la zone d'implantation potentielle (ZIP), et de nouvelles observations de terrain ont été réalisées par des équipes, de mi-mars à fin août 2023, au nord, à l'est et à l'ouest du bois de Grillemont, mais également au sein de l'aire d'étude immédiate (AEI), ainsi qu'à l'intérieur de la ZIP. La photo d'une cigogne noire adulte a été prise sur le piège photo B et un individu juvénile sur le piège photo C, en prospection alimentaire, en des points situés à grande proximité du périmètre de la ZIP. Au niveau du piège A, soit au niveau sud du périmètre de la ZIP, une observation d'une cigogne noire s'alimentant a été réalisée le 7 juin 2023, à plusieurs reprises, au niveau de la mare située dans ce secteur. La synthèse des inventaires 2023 de la cigogne noire, versée au dossier par la société Parc éolien de Sepmes, mentionne que des riverains ont rapporté avoir aperçu des individus de cette espèce au même endroit pour le nourrissage, notamment le 7 juin 2023, alors qu'à la même date, une vidéo a été prise de l'envol d'une cigogne noire à ce même emplacement. D'autres observations ont encore été réalisées, le 6 juillet 2023, d'un adulte en envol vers le sud depuis le piège photo B et d'un vol ascendant au-dessus de la mare, " à hauteur de pale ", vers le sud, avec une prise d'altitude au niveau de l'intérieur de la ZIP. Au total sept observations ont été faites à six dates différentes, entre mars et début octobre 2023, concernant à chaque fois des adultes, et une fois un juvénile de l'année. Deux observations ont été obtenues au niveau du bois de Grillemont ou à proximité, et les autres fois dans les aires d'étude du projet éolien de Sepmes, tant au sein de l'AEI que de la ZIP, ce qui démontre que la cigogne noire fréquente l'aire d'étude immédiate pour son alimentation et que la zone de l'AEI, tout comme celle de la ZIP, sont utilisées par au moins un adulte et un jeune, et que la cigogne noire effectue des vols " à hauteur de pale ", en de multiples points au sein même de la ZIP ou à proximité immédiate de celle-ci.
23. Il en résulte que l'installation d'aérogénérateurs à proximité du bois de Grillemont, secteur d'implantation ancienne et continue de nids de cigognes noires, sur une ZIP où, précisément, plusieurs observations de vols et de nourrissage d'individus de cette espèce ont été effectuées à plusieurs reprises en trois ans à l'occasion des études lancées par le pétitionnaire, engendre un risque de collisions et de décès des individus de cigognes noires.
24. Si la société défenderesse rappelle dans ses écritures l'appréciation formulée par la société française pour l'étude et la protection des mammifères, selon laquelle la cigogne noire présente un niveau de sensibilité modéré à la collision avec les éoliennes, elle souligne néanmoins que huit cas de mortalité par collision d'individus de cette espèce ont été recensés en Europe, dont un cas en France en 2009.
25. Afin de réduire les risques de collision induits par la construction de son parc éolien, la société défenderesse fait valoir qu'elle a prévu un espacement de 400 mètres entre chaque aérogénérateur, eux-mêmes éloignés de plus de 200 mètres par rapport aux boisements et étangs les plus proches, ainsi que l'installation d'un mât tubulaire de couleur blanche, afin de rendre les installations plus visibles, notamment en cas d'intempéries. Elle a également prévu de doter l'éolienne E1, la plus au nord du projet et la plus proche de la vallée de la Manse, d'un dispositif détection de l'avifaune, de type " SafeWind ", composé, d'une part, de caméras permettant un champ de vision à 360°, et d'autre part, d'un système de ralentissement, pouvant aller jusqu'à l'arrêt complet de l'éolienne, à partir de la détection d'un individu d'une envergure minimale de 140 cm, à une distance de 900 mètres du mât de l'éolienne.
26. Ces différentes mesures peuvent être regardées comme étant de nature à diminuer les risques de collision, mais avec une seule des cinq éoliennes projetées. Toutefois, même pour cette éolienne, les différentes pièces versées au dossier au cours de l'instruction ne permettent pas de mesurer le degré de diminution de ce risque, alors que, notamment, les requérants communiquent les extraits et références de plusieurs études contestant la pertinence des mesures et contrôles de mortalité effectuées au regard de ces dispositif de détection-réaction, et faisant mention de la mortalité d'oiseaux protégés, d'envergure similaire ou plus grande que celle de la cigogne noire, provoquée par des collisions survenues en dépit de l'installation de dispositifs similaires dans des parcs éoliens situés en France.
27. Dans ces conditions, l'atteinte que le parc éolien projeté fait peser sur la conservation de la population de cigognes noires nichant et se reproduisant depuis plusieurs décennies à proximité du site d'implantation, et dont il est établi qu'elle se déplace et se nourrit à proximité et à l'intérieur de la ZIP, constitue un grave danger pour l'environnement, qui ne peut être prévenu par les mesures prévues par l'arrêté contesté ou par d'éventuelles autres prescriptions complémentaires. Eu égard à l'enjeu très fort de conservation des cigognes noires, qui ne permet la destruction d'aucun individu, la possibilité de dérogations au principe d'interdiction n'a pas lieu d'être analysée.
28. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement en raison d'une atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du même code doit être accueilli.
29. Cette irrégularité étant liée à l'emplacement choisi par la société pétitionnaire, elle est insusceptible d'être régularisée par la procédure définie par l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
30. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a délivré une autorisation environnementale à la société Parc éolien de Sepmes SAS portant sur la construction et l'exploitation de cinq éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire de Sepmes doit être annulé.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
31. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société par actions simplifiées (SAS) Parc éolien de Sepmes sur ce fondement. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2.000 euros à l'ensemble des requérants, à l'exclusion de M. G... U..., Mme J... U... et M. I..., dépourvus d'intérêt pour agir, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a délivré une autorisation environnementale à la société Parc éolien de Sepmes SAS portant sur la construction et l'exploitation de cinq éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire de Sepmes est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à l'association de défense de l'environnement du Besland, l'association sites et monuments, les communes de Bossée et de Bournan, M. O... W..., M. C... R..., M. et Mme V... E... , M. M... T..., M. et Mme F... L... , Mme S... B... épouse N..., M. et Mme X... H..., M. et Mme P... H..., M. Q... K..., M. et Mme C... D..., M. et Mme Z... Y... A..., ainsi que l'EURL Les Etangs la somme globale de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Parc éolien de Sepmes SAS sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... U..., représentante unique désignée par Me Monamy, à la société Parc éolien de Sepmes et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée, pour information, à la préfète d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président,
Mme Mornet, présidente assesseure,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVEN
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE02614