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07/11/2024 | FRANCE | N°24VE01032

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 07 novembre 2024, 24VE01032


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 23 janvier 2024 portant remise de l'intéressée aux autorités grecques et assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision.



Par un jugement n° 2400583 du 21 févri

er 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 23 janvier 2024 portant remise de l'intéressée aux autorités grecques et assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision.

Par un jugement n° 2400583 du 21 février 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 14 mars 2024 et 2 octobre 2024 sous le n° 24VE00690, Mme A..., représentée par Me Seguin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Seguin de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- une demande d'asile a été enregistrée pour sa fille, née le 10 août 2023, le 12 septembre 2023 ; le préfet n'est pas compétent pour préjuger la recevabilité ou l'irrecevabilité de cette demande ; elle bénéficie du droit au maintien en France conformément à l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa demande n'est pas une demande de réexamen vouée au rejet comme celle de sa mère ; les craintes pour l'enfant n'ont pas été analysées en même temps que celles de sa mère ; le père de l'enfant a également sollicité l'asile ; l'arrêté méconnaît l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant ; enfin, sa fille s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 25 septembre 2024, ce qui établit le caractère illégal de l'arrêté de transfert du préfet lequel avait d'ailleurs prévu de l'éloigner avec sa fille ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, faute d'examen et d'évaluation de l'existence de défaillances systémiques dans l'accueil des personnes réfugiées en Grèce ; sa particulière vulnérabilité et celle de sa fille n'ont pas été prises en compte ;

- l'illégalité de la décision de remise aux autorités grecques implique celle de l'assignation à résidence ;

- une requête est en cours d'instruction devant la Cour européenne des droits de l'homme, la mesure d'éloignement ayant été suspendue.

Des pièces, enregistrées le 1er octobre 2024, ont été produites par le préfet de Loir-et-Cher.

La demande d'aide juridictionnelle de Mme A... a été rejetée par une décision du 30 juillet 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles.

II. Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement les 18, 24 et 26 avril 2024 sous le n° 24VE01032, Mme A..., représentée par Me Seguin, avocat, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative et d'ordonner par voie de conséquence le sursis à exécution de l'arrêté contesté ;

2°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Seguin de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution de la décision contestée aurait des conséquences difficilement réparables ; son enfant serait privé de la possibilité de voir sa demande d'asile instruite par l'OFPRA ; la décision porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle justifie de moyens sérieux en l'état de l'instruction ; son enfant bénéficie du droit au maintien en France malgré le rejet de sa propre demande d'asile ; la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne faute d'examen des défaillances systémiques de la Grèce dans l'accueil des réfugiés ; sa particulière vulnérabilité et celle de son enfant n'ont pas été prises en compte.

Des pièces, enregistrées le 1er octobre 2024, ont été produites par le préfet de Loir-et-Cher.

La demande d'aide juridictionnelle de Mme A... a été rejetée par une décision du 30 juillet 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Camenen a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sierra-léonaise née le 24 juin 1998, qui indique être entrée en France le 14 février 2023, relève appel, sous le n° 24VE00690, du jugement du 21 février 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 23 janvier 2024 prononçant sa remise aux autorités grecques et portant assignation à résidence à Blois pour une durée de quarante-cinq jours. Sous le n° 24VE01032, Mme A... demande le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 janvier 2024 :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... bénéficie depuis le 14 septembre 2022 d'une protection internationale accordée par la Grèce. Elle a cependant sollicité l'asile en France une première fois le 30 mars 2023 et a été entendue par l'OFPRA le 17 juillet 2023. Par une décision du 6 décembre 2023, sa demande d'asile a été rejetée comme irrecevable par l'OFPRA. La Grèce ayant accepté de la réadmettre, Mme A... a fait l'objet, par l'arrêté contesté du 23 janvier 2024, d'une décision de remise aux autorités grecques. Sa requête auprès de la Cour nationale du droit d'asile a été rejetée par une décision du 5 juillet 2024.

3. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme A..., née en France le 10 août 2023, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de l'OFPRA du 25 septembre 2024. Dans ces conditions, eu égard au caractère recognitif de la reconnaissance de la qualité de réfugié, en se fondant sur l'absence de tout lien en France de Mme A..., le préfet de Loir-et-Cher a entaché l'arrêté contesté d'une erreur de fait de nature à avoir eu une influence sur le sens de cet arrêté. Par suite, il y a lieu de l'annuler.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'annulation de l'arrêté contesté portant remise de Mme A... aux autorités grecques et assignation à résidence implique le réexamen de sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et la délivrance à Mme A..., dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur la requête à fin de sursis à exécution :

6. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête n° 24VE00690 de Mme A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 24VE01032 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

7. Mme A... s'étant vu refuser le bénéfice de l'aide juridictionnelle par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 30 juillet 2024, son avocat ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ses conclusions présentées à ce titre doivent, par suite, être rejetées.

Sur l'application de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

8. Aux termes de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable, dénuée de fondement ou abusive (...). Lorsqu'en vertu des alinéas qui précèdent, l'aide juridictionnelle n'a pas été accordée et que cependant le juge a fait droit à l'action intentée par le demandeur, il est accordé à ce dernier le remboursement des frais, dépens et honoraires par lui exposés ou versés, à concurrence de l'aide juridictionnelle dont il aurait bénéficié compte tenu de ses ressources. ".

9. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme A... au motif que l'action contentieuse en cause était manifestement dénuée de fondement. Il ressort suffisamment des pièces du dossier que Mme A... est dépourvue de ressources. Dès lors, en application des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu de lui accorder le remboursement de ses frais exposés devant la cour à concurrence du montant de l'aide juridictionnelle totale dont elle aurait bénéficié si elle y avait été admise. En application des dispositions de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dans sa rédaction issue de l'article 188 de la loi de finances pour 2022, qui a fixé à 36 euros hors taxe le montant de l'unité de valeur de référence, et du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique qui fixe à 14 le coefficient des recours dirigés contre les mesures prises en matière de droit des étrangers à l'exception des recours indemnitaires et des référés, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 504 euros à Mme A... au titre des frais exposés par cette dernière devant la cour.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2400583 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans du 21 février 2024 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 23 janvier 2024 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Loir-et-Cher de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 24VE01032.

Article 5 : Les conclusions tendant au versement d'une somme à Me Seguin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 6 : L'Etat versera la somme de 504 euros à Mme A... sur le fondement de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.

Le rapporteur,

G. CAMENENLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

NOS 24VE00690...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE01032
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SEGUIN & KONRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;24ve01032 ?
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