Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté 2 mars 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2205145 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2022 et 21 février 2023, M. A..., représenté par Me Moroni, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée sur le fondement de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ; il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 425-9 du CESEDA ; il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 et la commission du titre de séjour devait être saisie ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du CESEDA ; le préfet aurait dû prendre en compte sa promesse d'embauche et sa présence en France depuis 30 ans ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme a été méconnu dès lors qu'il justifie d'une ancienneté de résidence en France ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale par voie d'exception.
Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures déposées en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Moroni, pour M. A....
Une note en délibéré, enregistrée le 6 novembre 2024, a été produite pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 10 février 1967 et entré en France le 18 juillet 1992 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 2 mars 2022, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. M. A... fait appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2022 du préfet du Val-d'Oise.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
3. M. A... soutient être présent sur le territoire français sans discontinuer depuis 1992. Il produit à cet effet, pour la première fois en appel, de très nombreuses pièces relatives à des contrats de travail, bulletins de salaire, avis d'imposition, attestations de pôle emploi, analyses médicales, cartes d'admission à l'aide médicale d'Etat, qui établissent sa présence pour les années 1992 à 2015 et 2017 à 2022. Si pour l'année 2016, le requérant n'a pu produire qu'un avis d'imposition ne comportant pas mention de revenus, cette seule circonstance n'est pas de nature à remettre en cause le caractère continu de sa présence en France depuis trente ans à la date de la décision attaquée. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, la décision en litige porte au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. La décision portant refus de titre de séjour étant entachée d'illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique n'nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2205145 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 novembre 2022 et l'arrêté du 2 mars 2022 du préfet du Val-d'Oise sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer une carte de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet du Val-d'Oise et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
J.-E. PilvenLe président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02878 2