Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EARL Luc Joyeux a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 20 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes " Portes Euréliennes d'Ile de France " (CCPEIDF) a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) des Quatre Vallées, en ce qu'il crée une zone Ns, d'une part, en ce qu'il classe en zone N les parcelles vouées à l'élevage où est établi le siège de son exploitation, d'autre part, et d'enjoindre à la CCPEIDF de prendre toutes dispositions, dans le mois qui suivra la notification du jugement à intervenir, pour procéder au classement en zone A de l'ensemble de ces parcelles, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2001446 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 22 décembre 2022 et le 7 juillet 2023, l'EARL Luc Joyeux, représentée par Me Poitout, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette délibération ;
3°) d'enjoindre à la CCPEIDF de prendre toutes dispositions dès le mois suivant la notification de l'arrêt prononcé pour adopter un classement en zone A desdites parcelles et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la CCPEIDF la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la CCPEIDF n'a pas suivi la méthode qu'elle a déterminée elle-même pour le classement en zone A, ce qui l'aurait amenée à classer ses parcelles en zone A ;
- le classement de ses parcelles en zone N méconnaît l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme ;
- ce classement est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, la CCPEIDF, représentée par Me Schmidt-Sarels, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'EARL Luc Joyeux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'EARL Luc Joyeux ne sont pas fondés.
Ces mémoires ont été communiqués à la commune de Nogent-le-Roi, qui n'a pas produit d'observations.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Poitout pour l'EARL Luc Joyeux et de Me Moncalis, substituant Me Schmidt-Sarels, pour la CCPEIDF.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes " Portes Euréliennes d'Ile de France " (CCPEIDF), qui regroupe 39 communes, a adopté, par délibération du 20 février 2020, le projet de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de son territoire. L'EARL Luc Joyeux a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de cette délibération, d'une part, en tant qu'elle classe pour partie en zone NS et pour partie en zone N les parcelles dont il est propriétaire, situées au lieu-dit " les Vacheresses " sur la commune de Nogent le Roi et, d'autre part, en tant qu'il classe ses parcelles en zone N. Par un jugement n° 2001446 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. L'EARL Luc Joyeux relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'EARL Luc Joyeux soutient que les premiers juges ont omis de répondre à un des moyens soulevés tiré de ce que la collectivité n'avait pas suivi, pour l'examen du classement de ses parcelles, une méthode qu'elle s'était imposée pour le classement des parcelles en zone agricole. Toutefois, les parcelles de l'EARL Luc Joyeux ne sont pas classées en A mais en N. Par suite, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité d'un classement par rapport à un autre, un tel moyen était inopérant et les premiers juges n'étaient pas tenus d'y répondre.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".
4. Le rapport de présentation du PLUi indique que les zones N correspondent notamment aux milieux et espaces naturels constitutifs de la trame verte et bleue ayant une fonction de réservoir de biodiversité, ou de corridor écologique, aux ensembles boisés à souligner et à réserver, ou encore aux zones soumises au plan de prévention des risques d'inondation. En l'espèce, les parcelles de l'EARL Luc Joyeux classées en zone N s'inscrivent au cœur d'un espace prairial partiellement boisé, situé de part et d'autre du ruisseau de Vacheresses qui les traverse. Une partie d'entre elles sont en zone inondable. Elles se situent en fond de vallée, ne sont pas construites et font partie de la trame verte et bleue. La proximité d'un rond-point et de la nouvelle déviation réalisée en 2015 ne leur retire pas leur qualité paysagère, non plus que leur caractère cultivé, qui n'est pas incompatible avec un classement en zone N. Par ailleurs, l'EARL Luc Joyeux ne peut utilement soutenir que ses parcelles auraient dû être classées en zone A ou AP, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité d'un classement par rapport à un autre. Au vu de ces éléments, le classement en zone N de telles parcelles ne méconnaît pas l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° un rapport de présentation ; / 2° un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° des orientations d'aménagement et de programmation / 4° un règlement ; / 5° des annexes (...) ". Aux termes de l'article L. 151-5 du même code dispose que : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : 1° les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques. / 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. (...) ". L'article L. 151-8 du code de l'urbanisme dispose que : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
6. En l'espèce, l'EARL Luc Joyeux soutient que le classement de ses parcelles en zone N n'est pas cohérent avec les objectifs 1 et 2 de l'axe 2 du PADD qui sont le " développement de l'activité d'élevage " et la " préservation et la valorisation des cônes de vue emblématiques du territoire ", ainsi qu'avec l'objectif 7 de l'axe 2 de ce même document consistant à " pérenniser les activités agricoles existantes et accompagner leur développement potentiel " et fait valoir que s'il ne peut pas construire de hangar, il risque de devoir arrêter son activité d'élevage, ce qui aura un impact sur la qualité du site. Toutefois, le PADD prévoit au titre de l'objectif 1 de l'axe 2 " Assurer la préservation de la trame verte et bleue et son intégration dans les milieux urbains ", de limiter l'artificialisation des sols sur les secteurs inondables dont fait partie le secteur du ruisseau de Vacheresses et de préserver, replanter ou gérer durablement les haies et les éléments boisés, refuge pour la faune sur certains secteurs de lisière agricoles et notamment sur les fonds de vallée et au titre de l'objectif 5 de l'axe 3 " Préserver les terres agricoles et naturelles contre l'artificialisation " de protéger les zones inondables, les abords de berge, et les espaces naturels et agricoles importants du territoire. Par suite, le classement en zone N des parcelles de l'EARL Luc Joyeux, qui tend à préserver la trame verte et bleue, la qualité du paysage et un milieu écologique de qualité, n'apparaît pas en contradiction avec les objectifs du PADD.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL Luc Joyeux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL Luc Joyeux le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la CCPEIDF et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'EARL Luc Joyeux est rejetée.
Article 2 : L'EARL Luc Joyeux versera à la CCPEIDF une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Luc Joyeux, à la communauté de communes " Portes Euréliennes d'Ile de France " et à la commune de Nogent-le-Roi.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2025.
La rapporteure,
C. Pham Le président,
F. Etienvre
La greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêcha en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE02861