Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 7 septembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France pendant trois ans.
Par une ordonnance n° 2206855 du 26 septembre 2022, la présidente du tribunal administratif de Versailles a renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Par un jugement n° 2306675 du 10 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Lebon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 10 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 7 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa demande d'admission au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors que le requérant n'a jamais utilisé l'alias de M. A... C... et qu'il n'a pas fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire par le préfet des Hauts-de-Seine le 11 février 2021 ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2023, le préfet de l'Essonne s'en remet à ses écritures de première instance et conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant pakistanais, né le 14 janvier 1984 à Rawalpindi au Pakistan, déclare être entré en France au cours de l'année 2017. Il a présenté une demande d'asile le 3 mars 2017, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 août 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) à deux reprises, le 20 novembre 2017 et le 29 décembre 2017. Par un arrêté du 24 avril 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire. Le 6 septembre 2022, M. C... a été interpellé par des agents de police judiciaire de Juvisy-sur-Orge et placé en rétention administrative. Par un arrêté du 7 septembre 2022, le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
2. M. C... relève appel du jugement du 10 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2022.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
3. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier envoyé par lettre recommandée le 8 juin 2022, M. C... a émis une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auprès de la sous-préfecture de Sarcelles, qui en a accusé la réception le 10 juin 2022. Le 6 septembre 2022, M. C... a été interpellé et, ainsi qu'il en résulte du procès-verbal du 7 septembre 2022, a fait part de cette demande de régularisation de sa situation administrative en cours lors de son audition devant l'officier de police judiciaire. M. C... soutient que le préfet de l'Essonne, dans l'arrêté attaqué du 7 septembre 2022, n'a pas mentionné la demande de titre de séjour déposée auprès de la sous-préfecture de Sarcelles, qu'il ne s'est pas assuré de son issue avant de faire le choix d'une obligation de quitter le territoire français et qu'ainsi il aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen complet de la situation de l'intéressé et d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Toutefois, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise à l'issue d'un refus opposé à cette demande de titre de séjour, qui de surcroît porte sur une demande d'admission à titre exceptionnel et non sur l'obtention d'un titre de séjour de plein droit. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen complet de sa situation et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent être qu'écartés comme inopérants.
5. Enfin, M. C... soutient que la décision est entachée d'erreur de fait au motif qu'il n'a jamais eu recours à un alias pour masquer son identité et qu'il n'a pas fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français du 11 février 2021. A supposer qu'il ne soit pas la personne née le même jour que lui, le 14 janvier 1984, au Pakistan et portant le prénom de A..., comme il le soutient, et qu'il n'ait pas redéposé une demande d'asile en 2020, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision que celle du 7 septembre 2022, en se fondant sur la circonstance que M. C... était en situation irrégulière et avait fait l'objet d'une précédente décision portant obligation de quitter le territoire français du 24 avril 2018 tout en se maintenant illégalement sur le territoire français.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Le premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code précise que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ".
7. S'il ressort des pièces du dossier que M. C... est en situation irrégulière, qu'il a fait l'objet d'une précédente décision portant obligation de quitter le territoire français du 24 avril 2018 tout en se maintenant illégalement sur le territoire français, et qu'il travaille de manière illégale en tant que chef cuisinier, l'utilisation d'une fausse identité ne ressort pas clairement des pièces du dossier, de sorte qu'il n'est pas établi qu'il aurait fait l'objet, sous cette fausse identité, d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français le 11 février 2021. Compte tenu de sa présence sur le territoire français depuis 2017, et de l'absence de menace à l'ordre public, le préfet de l'Essonne a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français du requérant.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 7 septembre 2022 en tant qu'il fixe une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. L'annulation prononcée de la seule décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans n'implique aucune mesure d'injonction particulière. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 7 septembre 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement n° 2306675 du 10 juillet 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pilven, président,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
J-E. PilvenL'assesseur le plus ancien,
T. Ablard
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01690002