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04/02/2025 | FRANCE | N°22VE02728

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 04 février 2025, 22VE02728


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... G..., M. K... G..., Mme I... G..., M. B... G... et Mme D... G... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à réparer les divers préjudices subis par M. C... G... et leurs préjudices propres.



Par un jugement n° 2000303 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif d'Orl

ans a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogène...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G..., M. K... G..., Mme I... G..., M. B... G... et Mme D... G... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à réparer les divers préjudices subis par M. C... G... et leurs préjudices propres.

Par un jugement n° 2000303 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à M. C... G... la somme de 792 101,51 euros, ainsi qu'une rente trimestrielle d'un montant de 9 381,04 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 et 22 décembre 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Welsch, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2022 en ce qu'il l'a condamné à réparer les préjudices subis ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à réparer les préjudices subis par les consorts G... ;

3°) à titre subsidiaire, de ne retenir une part d'indemnisation à sa charge à hauteur de 30 % au plus et à celle du centre hospitalier régional d'Orléans à hauteur d'au moins 70 % des préjudices.

Il soutient que :

- les experts ont retenu un défaut de prévention du risque thromboembolique ;

- les symptômes per et postopératoires immédiats constituent des facteurs de risque majeur imposant une vigilance particulière ;

- la position opératoire aurait dû être surveillée ;

- le contrôle de la tension per-opératoire a été défaillante ;

- le diagnostic du syndrome des loges a été tardif de 24 h ;

- la prise en charge post-opératoire a été défectueuse, les symptômes exigeaient une surveillance particulière ;

- le référentiel de l'ONIAM est adapté à l'indemnisation des victimes sur le fondement de la solidarité nationale.

Par des mémoires en défense enregistrés le 19 décembre 2023 et le 4 avril 2024, M. C... G... et autres, représentés par la SCP Verdier, concluent :

1°) à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il exclut la responsabilité du centre hospitalier régional d'Orléans,

2°) à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à réparer l'ensemble des préjudices subis par M..., ses parents et ses frères et sœurs, et à titre subsidiaire de condamner l'ONIAM à réparer ces préjudices ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou à titre subsidiaire à la charge de l'ONIAM ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans les frais d'expertises, ou à titre subsidiaire, à la charge de l'ONIAM.

Ils soutiennent que :

- les experts ont relevé un manquement dans la prévention du risque thromboembolique alors que l'opération était longue et connue comme étant à risque thromboembolique ;

- la mauvaise installation sur la table opératoire est responsable de la rhabdomyolyse qui a aggravé la maladie thrombotique ; les points d'appui n'ont pas été régulièrement surveillés ; ils ont été modifiés lors de la surveillance de la motricité des membres inférieurs ;

- le centre hospitalier a tardé à diagnostiquer le syndrome des loges alors que le patient présentait une rhabdomyolyse grave, évoquant ce syndrome ;

- il remplit les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- les préjudices M... s'élèvent à 5 279 088,31 euros, ceux de Mme G... à 140 000 euros, ceux de M. K... G... à 80 000 euros, et ceux des frères et sœurs à 30 000 euros chacun.

Par un mémoire enregistré le 6 juillet 2023, le centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans représenté par Me Cantaloube, avocate, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'existe pas de recommandations officielles sur le risque thromboembolique ;

- aucun élément sérieux ne permet de conclure à un défaut d'installation opératoire ;

- aucun retard de diagnostic du syndrome des loges ne peut être reproché, au surplus dans un contexte où le pronostic vital était engagé ; tout au plus une perte de chance peut être retenue ;

- concernant la prise en charge anesthésique, il n'y avait pas d'indication d'hypotension sévère ;

- les complications observées relèvent de l'exceptionnel, il s'agit donc d'un accident médical non fautif.

La requête a été communiquée à la caisse de mutualité sociale agricole de la Beauce-Cœur de Loire qui n'a pas produit d'observations.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 27 mars 2018 par laquelle la présidente du tribunal administratif a liquidé et taxé les frais de l'expertise confiée aux docteurs Aesh et L... à la somme de 1 000 euros chacun ;

- l'ordonnance du 27 novembre 2019 par laquelle la présidente du tribunal administratif a liquidé et taxé les frais de l'expertise confiée au docteur F... à la somme de 2 520 euros TTC.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Gars,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Verdier pour les consorts G... et de Me Cantaloube pour le CHR d'Orléans.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... G..., né en 1997, a été pris en charge à compter du 8 décembre 2014 au centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans en vue d'une intervention chirurgicale destinée à remédier à l'importante scoliose dont il était atteint. Dans les suites immédiates de l'intervention réalisée le 9 décembre 2014, sont apparus une thrombose de l'artère cérébrale et un syndrome des loges affectant les deux membres inférieurs. Une craniectomie de décompression et une aponévrotomie des loges ont été réalisées le 11 décembre 2014. M. G... reste cependant atteint de troubles moteurs et neurologiques importants. Il a introduit une demande d'indemnisation amiable auprès de la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Centre qui, par un avis du 14 septembre 2016, et après une expertise médicale confiée à un collège de deux experts, a estimé que les séquelles dont restait atteint l'intéressé résultaient d'un accident médical non fautif relevant de la solidarité nationale, mais qu'il convenait également de retenir à hauteur de 70 % des dommages, les fautes commises par l'établissement hospitalier dans la prévention de la thrombose et dans le délai de diagnostic du syndrome des loges. M. C... G..., ses parents et ses frère et sœur ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le CHR d'Orléans à les indemniser de leurs préjudices respectifs. Le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'ONIAM à verser à M. C... G... la somme de 792 101,51 euros en réparation des préjudices subis suite à l'accident médical survenu le 9 décembre 2014, ainsi qu'une rente trimestrielle d'un montant de 9 381,04 euros. L'ONIAM relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas retenu la responsabilité du CHR d'Orléans dans les préjudices résultant de la prise en charge du 9 décembre 2014.

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) ". En vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM.

3. Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique citées au point précédent font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de l'indemnité mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier régional d'Orléans :

4. En premier lieu l'ONIAM et les consorts G... soutiennent qu'aucune prévention du risque thromboembolique n'a été envisagée alors qu'il s'agissait d'une opération de longue durée et qu'un défaut de vigilance peut être reproché à l'équipe médicale durant cette intervention. Le rapport d'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Centre indique que le risque thromboembolique était prévisible compte tenu de la durée de l'opération, des pertes de sang, et de l'immobilisation post-opératoire. Le rapport d'expertise judiciaire du 5 octobre 2017 conclut toutefois qu'une thrombose veineuse peropératoire est exceptionnelle, que la survenue d'une embolie paradoxale avec accident vasculaire cérébral pendant une chirurgie de la scoliose chez les adolescents n'est pas rapportée et que l'absence de prophylaxie thromboembolique n'est pas fautive. Il résulte également de l'instruction que si certains centres hospitaliers prennent des mesures en ce sens, aucune recommandation sur ce point ni consensus scientifique sur la nécessité d'une telle prévention ne sont relevés. Dans ces conditions, aucun défaut de prise en compte de ce risque ne peut par suite être reproché au centre hospitalier.

5. En deuxième lieu, l'ONIAM et les consorts G... soutiennent que la surveillance de la position de M. G... au cours de l'opération a été défaillante, entraînant des hématomes sur les points d'appui et une rhabdomyolyse à l'origine du syndrome des loges des membres inférieurs. Les experts judiciaires, le Dr A... et le Dr L... ont considéré que M. G... avait subi une forte compression des artères des membres inférieurs surtout à gauche, responsable de la formation de la thrombose veineuse peropératoire fémoro-poplité-jambière gauche à l'origine de l'accident vasculaire cérébral sur probable embolie pulmonaire, et de l'ischémie artérielle notamment gauche, responsable du syndrome des loges. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du compte rendu opératoire du 9 décembre 2014 que l'installation de M. G... en décubitus ventral sur la table d'opération a été vérifiée et qu'il reposait sur des plaques de silicone. Il résulte également de l'instruction qu'aucune recommandation préconisant une surveillance régulière des points d'appui n'est relevée, que l'expertise judiciaire indique que les ischémies bilatérales par compression des artères fémorales sont rapportées dans la littérature mais sont exceptionnelles. Enfin, il résulte aussi de l'instruction que lors du contrôle de la mobilité des membres inférieurs, seuls les pieds et les chevilles ont été touchés pour vérifier leur température, rendant peu probable une modification de la position initiale du patient, et que le Dr E... ayant procédé à l'opération soutient que le positionnement a nécessairement été vérifié régulièrement lors des manipulations de l'amplificateur de brillance. Dans ces conditions, aucun manquement ne peut être reproché au centre hospitalier dans l'installation et la surveillance de la position de M. G... lors de l'opération.

6. En troisième lieu, l'ONIAM soutient pour la première fois en appel que la surveillance de la tension per-opératoire a été défaillante, dès lors que M. G... souffrait d'hypotension sévère durant toute l'intervention entraînant un risque de lésion d'organes, qui s'est réalisé. Si l'expertise judiciaire note en effet une hypotension, moyenne de 40 à 50 à partir de 14h30, elle ne retient toutefois aucun défaut de surveillance ou d'intervention, ne relate aucun risque particulier lié à cette situation dans le cas de M. G..., et ne mentionne pas de recommandations particulières à suivre dans un tel cas. Aucune faute ne peut par suite être retenue à l'encontre du centre hospitalier sur ce point.

7. En dernier lieu, l'ONIAM et les consorts G... invoquent un manquement dans la prise en charge post-opératoire et soutiennent que le centre hospitalier a tardé à diagnostiquer le syndrome des loges des membres inférieurs en raison d'un manque de surveillance, ce qui a retardé de 24 heures l'aponévrotomie de décharge réalisée le 11 décembre 2024, faisant ainsi perdre une chance à M. G... de limiter les séquelles dues au syndrome des loges. Pour conclure à un défaut de surveillance, les experts judiciaires ont considéré que les résultats des examens biologiques postopératoires témoignaient d'une rhabdomyolyse grave ne pouvant être expliquée par une simple compression per-opératoire. Toutefois, il résulte également de l'instruction que le Dr H..., consulté par le centre hospitalier fait valoir que la chirurgie des scolioses entraîne une attrition musculaire qui provoque des perturbations biologiques avec notamment une élévation importante des créatines phosphokinases (CPK) et de la protéine C réactive (CRP), et que cette chirurgie était responsable de lésions irréversibles des muscles para-vertébraux avec dégénérescence fibreuse. Il résulte en effet des comptes-rendus explicatif et opératoire que l'intervention ayant pour but de stopper l'évolution de la scoliose et accessoirement de redresser la colonne nécessitait une incision sur toute la longueur de la scoliose, en l'espèce de D5 à L4, puis de souder les vertèbres entre elles en réalisant une arthrodèse par destruction des surfaces articulaires et la mise en place de greffons osseux, puis de réunir les vertèbres par des tiges métalliques. Une telle opération, nécessitant notamment de dégager les masses musculaires, est susceptible d'entraîner une attrition des muscles du rachis dorsal à l'origine des perturbations biologiques constatées. Par ailleurs, si les experts notent que l'absence de pouls pédieux et tibial notée à gauche aurait dû conduire à une surveillance et à une prise en charge du syndrome des loges plus précocement, il résulte toutefois de l'instruction que le syndrome des loges dont souffre M G... a affecté les deux membres inférieurs et non simplement le mollet gauche. Dans ces conditions, le lien entre l'absence de pouls pédieux et tibial gauche noté et le diagnostic du syndrome des loges bilatéral n'est pas certain. Par suite, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du centre hospitalier dans la surveillance post-opératoire du fait des marqueurs biologiques et de l'absence de pouls pédieux gauche et dans le retard à réaliser l'aponévrotomie de décharge des membres inférieurs.

8. Il résulte de ce qui précède qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du CHR d'Orléans lors de l'intervention effectuée le 9 décembre 2014 sur M....

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

9. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II (...) Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " (...)Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. ".

10. Il résulte de l'instruction que tant la thrombose veineuse peropératoire constatée que les ischémies bilatérales par compression des artères fémorales, sont exceptionnelles, revêtant ainsi un caractère non prévisible. Par ailleurs, M. G..., à la suite d'un accident médical survenu le 9 décembre 2014, souffre d'un déficit fonctionnel permanent de 75 %. Ses préjudices ouvrent ainsi droit à réparation au titre de la solidarité nationale.

Sur les préjudices temporaires :

S'agissant des frais divers :

11. M. G... demande le versement d'une somme de 977,40 euros au titre de ses frais de transport pour se rendre chez une orthophoniste. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur F..., que M. G... a suivi une rééducation orthophonique à compter de son retour à domicile entre le 1er septembre 2016 et le 28 février 2017. Il y a lieu de lui allouer une somme de 977,40 euros représentant l'indemnisation de ces frais de transport exposés à cette occasion. Concernant les frais de restauration et de déplacements pour intégrer l'unité d'évaluation, de réentraînement et de d'orientation sociale pour y suivre plusieurs modules, il y a lieu de lui allouer une somme totale de 1 320 euros.

12. Concernant les frais d'expertise, il y a lieu d'accorder à M. G... la somme de 2 429,90 euros relative à l'avis de médecins spécialistes lors d'une instance en référé, ainsi qu'une somme de 1 000 euros pour l'assistance lors des opérations d'expertise par le Professeur J.... En revanche, le " bilan situationnel " effectué par la société Readapt Experts Conseils, relative à un bilan en ergothérapie réalisé le 2 novembre 2017 pour un montant de 4 086 euros n'apparaît pas utile à la résolution du litige. Ni le rapport d'expertise judiciaire du 5 octobre 2017, ni celui du 22 juillet 2019 en vue d'évaluer les besoins et préjudices de M. G... ne se réfèrent à ce bilan. Par suite, il n'y a pas lieu de mettre son coût à la charge de l'ONIAM.

S'agissant de l'aide par tierce-personne :

13. Il résulte de l'instruction que l'état de M. G... nécessitait l'aide d'une tierce-personne 7 heures par jour avant sa consolidation le 11 février 2019. M. G... a été transféré du service de réanimation dans l'unité de surveillance jusqu'au 12 janvier 2015, puis a rejoint le service de neurologie jusqu'au 2 mars 2015. Il a ensuite rejoint un centre de l'Arche à compter du 2 mars 2015, y compris les week-ends, jusqu'au 2 avril 2015 puis avec sortie le week-end jusqu'au 27 juin 2016. Compte tenu de ces périodes, il y a lieu de confirmer l'évaluation effectuée par le tribunal administratif au regard des taux horaires précisément définis selon les périodes, et de fixer l'indemnité à la somme de 115 791, 29 euros allouée par le tribunal.

S'agissant du préjudice scolaire :

14. M. G... était en classe de terminale scientifique. Compte tenu de son accident médical, la poursuite souhaitée en école d'ingénieur lui est devenue impossible. Il s'est orienté vers un BTS de technicien du bâtiment, option assistant d'architecte. Il sera fait une juste appréciation du préjudice scolaire en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 30 000 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

15. Il résulte de l'instruction que M. G... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 100 % du 9 décembre 2014 jusqu'à la fin de sa période d'hospitalisation, puis de 75 %. En fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 17 500 euros, le tribunal a procédé à une juste évaluation de ce chef de préjudice.

S'agissant des souffrances endurées :

16. M. G... évalue ses souffrances à 5 sur une échelle de 7. En fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 14 000 euros, le tribunal n'a pas sous-évalué ce chef de préjudice.

S'agissant du préjudice esthétique :

17. Le rapport d'expertise a évalué à 4/7 les préjudices esthétique résultant de cicatrices aux jambes de 23 cm de longueur, et au port d'attelle pour la marche. Il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une indemnité de 4 000 euros en réparation de ce préjudice.

Sur les préjudices permanents :

18. Il résulte de l'instruction que l'état de M. G... a été consolidé le 11 février 2019.

S'agissant de l'incidence professionnelle et de la perte de gains professionnels :

19. Lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. Cette rente n'a, en revanche, pas pour objet de couvrir la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, qui doit faire l'objet d'une indemnisation distincte.

20. Il résulte de l'instruction que M. G... au suivi une formation en alternance de BTS de technicien du bâtiment, option assistant architecte, du 11 octobre 2021 au 30 juin 2023. Si le rapport d'expertise conclut qu'il pourra trouver et exercer un emploi, il soutient toutefois qu'il n'a pas trouvé d'emploi à la suite de son contrat d'apprentissage, soit depuis plus d'un an et demi. Il est ainsi en droit d'obtenir réparation du préjudice résultant de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle.

21. Le salaire médian s'établissait en 2015, à la majorité de M. G..., à 1 797 euros. Il y a lieu, par suite, de lui allouer au titre de la perte de revenus professionnels pour la période écoulée depuis le 1er septembre 2023 compte tenu d'un délai moyen normal d'absence d'emploi de deux mois en juillet et août 2023, jusqu'à la date du présent arrêt, une somme égale à 15 fois le montant de 1 797 euros revalorisé depuis 2015 chaque année par application des coefficients annuels prévus à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Il y a lieu de renvoyer M. G... devant l'ONIAM pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, en déduction de laquelle viendront le cas échéant les sommes perçues par M. G... au titre de l'allocation aux adultes handicapés au cours de cette période ainsi que les prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels ou, le cas échéant, en rémunération d'une activité professionnelle.

22. Pour la période future, il y a lieu d'allouer à M. G... une rente trimestrielle de 5 391 euros actualisée pour l'année 2025 en fonction des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2015 et revalorisée annuellement à l'avenir par application des coefficients qui seront légalement fixés. Les sommes perçues par M. G... au titre de l'allocation aux adultes handicapés ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels viendront, le cas échéant, en déduction de cette rente, ainsi que les revenus professionnels éventuellement perçus.

23. Concernant l'incidence professionnelle, il y a lieu, compte tenu du taux de déficit fonctionnel permanent dont M. G... reste atteint, de fixer l'indemnité réparatrice à la somme de 50 000 euros.

S'agissant de l'aide par tierce-personne :

24. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. G... nécessite une aide par tierce-personne de 6 heures par jour. Pour la période comprise entre le 11 février 2019, date de consolidation de son état de santé, jusqu'au jour du présent arrêt, il y a lieu de retenir un coût horaire moyen de 18 euros. Enfin, pour tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation de ces besoins sur la base d'une année de 412 jours. Il sera fait une exacte appréciation de l'aide par une tierce personne en mettant à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 263 736 euros, dont il y a lieu de déduire le cas échéant la prestation de compensation du handicap si l'intéressé en a bénéficié, et les rentes trimestrielles versées par l'ONIAM en exécution du jugement du tribunal administratif.

25. Pour les préjudices futurs de la victime, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer lorsqu'il se prononce si la victime sera placée dans une institution spécialisée ou si elle sera hébergée au domicile familial, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata du nombre de nuits ou d'heures qu'elle aura passées à ce domicile au cours du trimestre considéré.

26. Dans les circonstances de l'espèce, les frais afférents au besoin d'assistance de M. G... par une tierce personne doivent être réparés par une rente annuelle viagère versée trimestriellement, et non par le versement d'un capital représentatif de ces frais futurs. Il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une rente trimestrielle d'un montant de 10 886 euros. Les sommes éventuellement perçues au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toutes autres aides ayant le même objet, sauf celles pour lesquelles une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune, devront être déduites dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant de 10 886 euros par trimestre. Cette rente trimestrielle versée à compter du 4 février 2025, date de lecture de cet arrêt, sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Enfin, il appartiendra à M. G..., dans l'hypothèse où il serait placé dans une institution spécialisée ou hospitalisé, de fournir trimestriellement les justificatifs de ses jours d'hébergement ou d'hospitalisation.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

27. Il résulte de l'instruction que M. G... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 75 %. Compte tenu de son jeune âge à la date de consolidation, 22 ans, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 325 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique permanent :

28. Le préjudice esthétique a été évalué par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7. En l'espèce, compte tenu de l'importance des troubles dont il demeure atteint après la consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en confirmant l'indemnité de 5 000 euros allouée par les premiers juges.

S'agissant du préjudice d'agrément :

29. Il résulte de l'instruction que M. G... pratiquait le ping-pong, skiait et voyageait avec ses parents. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, compte tenu de son âge en allouant une somme de 30 000 euros.

S'agissant du préjudice sexuel et d'établissement :

30. Il résulte de l'instruction que les fonctions sexuelles sont préservées mais que compte tenu du déficit fonctionnel, les rencontres s'avèrent difficiles. Il sera alloué une indemnité globale de 45 000 réparant ces deux chefs de préjudices.

Sur les conclusions indemnitaires des parents, du frère et de la sœur M... :

31. Les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne prévoient d'indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit. Par suite, ces dispositions excluent, lorsque la victime n'est pas décédée, l'indemnisation des victimes " par ricochet ". Par suite, les conclusions présentées par M. et Mme G..., parents M..., par M. B... G..., son frère et par Mme D... G..., sa sœur, tendant à l'indemnisation de leurs préjudices personnels respectifs ne peuvent qu'être rejetées.

32. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM et les consorts G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande de condamnation du CHR d'Orléans à réparer les préjudices subis par M. G..., et que les indemnités mises à la charge de l'ONIAM doivent être portées à la somme de 905 754,59 euros pour l'une, à une somme égale à 15 fois le montant de 1 797 euros revalorisé depuis 2015 dans les conditions définies au point 21 pour l'autre indemnité, avant déduction de la provision versée par l'ONIAM, et les deux rentes à verser trimestriellement doivent être portées aux montants calculés selon les modalités définies au point 22 pour l'une et au point 26 pour l'autre.

Sur les dépens :

33. Il y a lieu de confirmer le jugement sur la mise à la charge définitive de l'ONIAM des frais de l'expertise confiée aux docteurs Aesh et L..., ainsi que ceux de l'expertise confiée au docteur F..., pour une somme totale de 4 520 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent les consorts G... et l'ONIAM. Il y a lieu de mettre à ce titre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros à verser aux consorts G....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à M. C... G... la somme de 905 754,59 euros dont il conviendra de déduire la somme de 30 374 euros correspondant au montant de la provision déjà versée par l'ONIAM.

Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à M. C... G... une indemnité dans les conditions fixées au point 21 en réparation du préjudice professionnel jusqu'au présent arrêt, et une rente trimestrielle d'un montant de 5 391 euros dans les conditions définies au point 22, en réparation de son préjudice professionnel futur.

Article 4 : L'ONIAM est condamné à verser à M. C... G... une rente trimestrielle d'un montant de 10 886 euros dans les conditions définies au point 26 en réparation du préjudice futur résultant des besoins en aide par une tierce personne.

Article 5 : Les frais d'expertise tels que taxes et liquidés par les ordonnances des 27 mars 2018 et 27 novembre 2019 pour un montant global de 4 520 euros sont mis à la charge définitive de l'ONIAM.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : L'ONIAM versera une somme de 2 000 euros aux consorts G... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des consorts G... est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. C... G..., à M. K... G..., à Mme I... G..., à M. B... G..., à Mme D... G..., au centre hospitalier régional d'Orléans, à la caisse de mutualité sociale agricole de la Beauce Cœur de Loire.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Le Gars, présidente-assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025 .

La rapporteure,

A.C. Le GarsLa présidente,

F. Versol

La greffière,

A. Gauthier

La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE02728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02728
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SCP UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;22ve02728 ?
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