Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler les décisions des 9 juin et 6 octobre 2017 par lesquelles le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Larmeroux à Vanves (92170) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle déclare avoir été victime le 2 avril 2015, et, d'autre part, d'enjoindre au directeur de reconnaître cette imputabilité dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1709250 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2017, a annulé celle du 6 octobre 2017, en mentionnant par erreur la date du 9 octobre 2017 à l'article 2 de son dispositif, et enjoint au directeur de l'EHPAD Larmeroux de prendre, dans le délai de deux mois, une décision portant reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015.
Par un arrêt n° 20VE03066 du 21 mars 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par l'EHPAD Larmeroux contre ce jugement.
Par une décision n° 474342 du 3 juillet 2024, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 novembre 2020 et, après cassation, les 23 octobre et 29 novembre 2024 l'EHPAD Larmeroux, représenté par Me Lacroix, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 septembre 2020 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme A... B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la première demande de Mme A... B... était irrecevable au regard des articles R. 411-1 et R. 421-1 du code de justice administrative, en l'absence de moyens et de conclusions dirigées contre une décision, et elle a été régularisée au-delà de l'expiration du délai de recours ; faute d'avoir retenu cette irrecevabilité, le jugement est irrégulier ;
- en jugeant qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 juin 2017 à laquelle s'est substituée la décision du 6 octobre 2017 à l'encontre de laquelle le tribunal a estimé qu'étaient dirigées les conclusions en annulation de Mme A... B..., le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- l'entretien du 2 avril 2015 n'est pas un accident, faute d'événement soudain et violent ;
- à supposer même qu'il soit un accident, il ne serait pas imputable au service, puisque, d'une part, il ne s'est pas déroulé dans des conditions anormales et n'a pas donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et d'autre part, le lien direct et certain entre l'entretien du 2 avril ou même ses conditions de travail antérieures, qui n'étaient pas dégradées, et les troubles psychologiques que Mme A... B... a connus par la suite, n'est pas établi ;
- une expertise médicale, ordonnée sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, permettrait à la cour de se prononcer sur l'imputabilité de façon mieux éclairée.
Par des mémoires, enregistrés le 28 mars 2022 et, après cassation, les 23 octobre et 3 décembre 2024, et un mémoire enregistré le 17 février 2023, qui n'a pas été communiqué, Mme A... B..., représentée par Me Beaulac, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de l'EHPAD Larmeroux ;
2°) d'enjoindre au directeur de cet établissement de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 2 avril 2015, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'EHPAD Larmeroux la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'entretien du 2 avril 2015, dont l'objet étaient ses conditions de travail, est un accident de service car, d'une part, le contexte conflictuel, menaçant et intimidant dans lequel il s'est déroulé, qui a excédé l'usage normal du pouvoir hiérarchique, lui a conféré un caractère violent et soudain et, d'autre part, alors que l'imputabilité au service en pareil cas est présumée, en vertu du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, en tout état de cause, il existe un lien de causalité, notamment démontré par les rapports médicaux produits, entre l'entretien du 2 avril 2015, ses conditions de travail antérieures dégradées, et ses troubles psychotraumatiques.
Par ordonnance du 5 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameau,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Neven, substituant Me Lacroix, pour l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Larmeroux et celles de Me Beaulac, pour Mme A... B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A... B... a été recrutée par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Larmeroux où elle a été nommée agent des services hospitaliers le 12 mars 1990, puis titularisée le 1er février 1992. Elle a été nommée ouvrière professionnelle spécialisée au service lingerie buanderie à compter du 1er octobre 1996. Après avoir bénéficié d'un congé parental du 18 octobre 2001 au 5 décembre 2006 et avoir été placée à sa demande en position de disponibilité du 6 décembre 2006 au 5 décembre 2012, Mme A... B... a été réintégrée au sein du service hébergement de l'établissement à compter du 6 décembre 2012. Mme A... B... a ensuite été placée en arrêt maladie à partir du 2 avril 2015 jusqu'en décembre 2016, puis, du 3 avril 2016 au 30 novembre 2016, en disponibilité d'office après épuisement de ses droits à congés de maladie. Le 19 mai 2016, elle a fait parvenir à la Maison de retraite Larmeroux une déclaration d'accident de travail en raison d'une " atteinte psychologique " causée par un entretien qui s'est tenu le 2 avril 2015 avec le directeur de cet établissement. Le 23 mai 2017, la commission de réforme des Hauts-de-Seine a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015. Toutefois, par une décision du 9 juin 2017, le directeur de l'EHPAD Larmeroux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Le 10 juillet 2017, Mme A... B... a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision du 9 juin précédent. Par une décision du 6 octobre 2017, le directeur de la Maison de retraite Larmeroux a retiré sa décision du 9 juin 2017 et a, de nouveau, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015. L'EHPAD Larmeroux fait appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2017, a annulé la décision du 6 octobre 2017, en mentionnant par erreur la date du 9 octobre 2017 à l'article 2 du dispositif du jugement, et lui a enjoint de prendre, dans le délai de deux mois, une décision portant reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". L'article R. 421-1 du même code, dans sa version applicable, dispose : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... a, dans le délai de recours, introduit une requête tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2017, en invoquant ses conditions de travail et les souffrances endurées jusqu'au 2 avril 2015. A l'appui de sa demande, l'intéressée a produit différentes pièces ainsi que, le 6 novembre 2017, la décision du 6 octobre 2017 qui a retiré la décision du 9 juin précédent et refusé de reconnaître l'imputabilité au service des faits survenus le 2 avril 2015. Dans ces conditions, bien que le premier mémoire déposé au nom de Mme A... B... par l'intermédiaire d'un avocat, formalisant les moyens et conclusions évoqués dans la demande initiale, n'ait été produit que le 29 janvier 2020, les premiers juges n'ont pas entaché d'irrégularité leur jugement en admettant la recevabilité de la demande initiale qu'ils ont regardée comme dirigée contre la décision du 6 octobre 2017 et en considérant que la demande n'était dépourvue ni de conclusions, ni de moyens.
4. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.
5. Comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans le jugement attaqué, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 6 octobre 2017, prise à la suite du recours gracieux introduit par Mme A... B... à l'encontre de la décision contestée du 9 juin 2017, le directeur de la Maison de retraite Larmeroux a d'une part, retiré la décision du 9 juin 2017 et d'autre part, refusé de reconnaître imputable au service l'accident déclaré par l'intéressée le 2 avril 2015. Ce retrait, à la date du jugement attaqué, ayant acquis un caractère définitif, les conclusions de la requérante formées contre la décision du directeur de l'EHPAD Larmeroux sont devenues sans objet et il n'y avait donc pas lieu, pour le tribunal, d'y statuer. En prononçant ce non-lieu à statuer et en en inférant que les conclusions de la requête de Mme A... B... devaient être regardées comme dirigées contre la décision du 6 octobre 2017, le tribunal n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité.
6. L'EHPAD Larmeroux soutient que le tribunal administratif a commis des erreurs de droit et d'appréciation. Toutefois, ces moyens, relatifs au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité et doivent, dès lors, être écartés.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
7. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 susvisée, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
8. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
9. Mme A... B... soutient avoir subi, le 2 avril 2015, sur le lieu et le temps du service, un accident à l'origine de troubles anxiodépressifs et d'un syndrome de stress post-traumatique. Il ressort des pièces du dossier de première instance et du dossier d'appel que, le 2 avril 2015, à 13h30, la directrice de l'EHPAD Larmeroux a reçu en entretien Mme A... B..., à la demande de celle-ci. L'intéressée soutient, dans ses écritures produites après cassation, que cet entretien avec la directrice devait porter sur les conditions de travail et qu'elle l'avait sollicité afin de pouvoir justifier d'impératifs familiaux rendant difficiles des " changements de planning abusifs ", un tel changement la concernant ayant été décidé le matin-même par l'infirmière coordinatrice. Mme A... B... indique que l'entretien a eu lieu en présence de l'infirmière coordinatrice, sa supérieure hiérarchique immédiate, sans que cela n'ait été prévu. Cette dernière, déjà présente dans le bureau de la directrice lors de l'arrivée de Mme A... B..., se serait tenue les bras croisés face à la porte dans une posture intimidante. L'échange qui a suivi n'aurait pas été un " échange verbal normal ", mais un échange empreint de " violence et de brutalité ", reposant sur l'exercice, par la directrice comme par l'infirmière coordinatrice, d'une " pression psychologique ", de " menaces " et " d'intimidations ". Toutefois, hormis ses propres déclarations, aucun élément produit par Mme A... B... ne permet d'établir la réalité des comportements ni des propos qui viennent d'être évoqués et que conteste l'EHPAD Larmeroux. N'en constituent pas une preuve suffisante, notamment, les certificats de psychiatres qui rapportent les déclarations de Mme A... B..., ni les attestations de collègues de celle-ci qui n'ont pas assisté à l'échange mais décrivent la détresse de Mme A... B... lorsqu'elle a quitté le bureau de la directrice après cet entretien, très bref, interrompu par le départ précipité de Mme A... B... en pleurs, à la suite de quoi l'infirmière coordinatrice l'aurait " poursuivie " en déclarant à l'une de ses collègues croisée sur ces entrefaits que si Mme A... B... ne revenait pas, elle en " subir[ait] les conséquences ". Si, en effet, l'état de détresse de l'intéressée après cet entretien ressort indubitablement des pièces du dossier, de même d'ailleurs que le sérieux et l'implication de Mme A... B... dans son travail où elle donnait satisfaction, toutefois, quels qu'aient pu être les effets que l'entretien du 2 avril 2015 a produits sur Mme A... B..., ils ne sont pas par eux-mêmes susceptibles de conférer à cet entretien le caractère d'un accident de service. Les conditions dégradées d'organisation du service et de travail alléguées ne l'étaient, d'ailleurs, pas davantage. Il n'est donc pas établi par Mme A... B... que cet entretien a donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, seule condition à laquelle l'entretien du 2 avril 2015 aurait pu recevoir la qualification d'accident de service, au sens des dispositions citées au point 2 du présent arrêt.
10. Aucun autre moyen n'a été invoqué devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise à l'appui de la demande, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel.
11. Il résulte de ce qui précède que l'EHPAD Larmeroux est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 6 octobre 2017. La demande présentée par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 à 5 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 septembre 2020 sont annulés.
Article 2 : La demande de Mme A... B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'EHPAD Larmeroux est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Larmeroux et à Mme C... A... B....
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Troalen, première conseillère,
Mme Hameau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
La rapporteure,
M. HameauLa présidente,
F. Versol
La greffière,
A. Gauthier
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
No 24VE01836 2