Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 29 août 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder sans délai à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2311922 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 novembre 2023 et le 22 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Weinberg, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 ou L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 25 euros par jours de retard ou à défaut de réexaminer sa demande d'admission au séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en raison d'omission à statuer sur les moyens relatifs à l'interdiction de retour sur le territoire français ;
- le jugement est irrégulier pour erreur de fait sur le type de demande en cours ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa demande ;
- son droit d'être entendu, au sens des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, a été méconnu ;
- la décision de l'éloigner alors qu'il avait une demande de titre de séjour en cours est entachée d'erreur de droit ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu de même que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
- cette décision est illégale par voie d'exception, en raison de l'illégalité de celle portant OQTF ;
- cette décision n'a pas fait l'objet d'un examen particulier et n'est pas suffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'erreur de fait ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est illégale par voie d'exception ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision est illégale par voie d'exception ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2024, le préfet des Hauts-de-Seine s'en remet à ses écritures de première instance et conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant congolais né le 12 décembre 1983, déclare être entré irrégulièrement en France le 16 novembre 2016. Par un arrêté du 10 décembre 2017, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Le 29 septembre 2019, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. Le 29 août 2023, l'intéressé a été interpellé pour des faits de violences conjugales sur une personne vulnérable, en présence de mineurs et avec une incapacité supérieure à huit jours. Par un arrêté pris le jour même, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2023.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de fait qu'aurait commise le premier juge pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de sa régularité.
3. Par ailleurs, M. A... a formé des conclusions devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, sans délai, la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est prononcé sur des moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées et sur ceux qui semblaient attachés plus particulièrement à des décisions en particulier. Toutefois, le jugement contesté ne s'est pas prononcé sur le moyen relatif à l'erreur manifeste d'appréciation dirigé à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français. Dès lors, le jugement étant entaché d'un défaut de réponse à moyen à ce seul titre, il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il porte sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, de se prononcer par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées devant le tribunal administratif et dirigées à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble en ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
4. L'arrêté attaqué mentionne notamment les références des textes dont il fait application, rappelle la situation personnelle, familiale et administrative de M. A.... Il indique de façon suffisamment détaillée les motifs qui fondent la décision portant obligation de quitter le territoire français, sans délai, et la décision fixant le pays de renvoi et satisfait dès lors aux exigences de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit être écarté.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la demande de M. A.... La circonstance que M. A... ait déposé une demande de titre de séjour à titre exceptionnel au mois de février 2023, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que M. A... ne se prévaut pas d'un droit au séjour. Dès lors le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral serait entaché d'un défaut d'examen sérieux ou d'une erreur de droit doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il y a lieu, par adoption des motifs mentionnés aux points 5 et 6 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la charge des droits fondamentaux de l'Union européenne.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
8. M. A... soutient avoir établi sa vie privée et familiale en France où il réside depuis 2016 et partager une vie commune avec sa compagne, de nationalité congolaise et britannique, en situation régulière et ses trois enfants, de nationalité britannique, ainsi qu'avec les deux enfants de sa compagne. Toutefois, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise à la suite de son interpellation le 29 août 2023 pour des faits de violence conjugales sur personne vulnérable en présence de mineurs, avec une incapacité supérieure à huit jours. Par ailleurs, il n'est pas contesté que deux autres des enfants de M. A... résident dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas porté au droit de M. A... au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
10. Dès lors qu'il n'est pas contesté que M. A... a aussi deux autres enfants résidant dans son pays d'origine, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
11. Le moyen tiré de ce que la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire serait illégale par voie d'exception doit être écarté en l'absence de constat, par les moyens invoqués, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des articles L. 612-1 et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à avoir refusé au requérant un délai de départ volontaire au motif d'un risque de fuite.
13. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 8 et 10 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
14. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale par voie d'exception doit être écarté en l'absence de constat, par les moyens invoqués, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, en mentionnant notamment les références des textes dont il fait application, et en rappelant la situation personnelle, familiale et administrative de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la demande de M. A....
17. Le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale par voie d'exception doit être écarté en l'absence de constat, par les moyens invoqués, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
18. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 8 et 10 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
19. Si M. A... soutient que le préfet a retenu à tort qu'il ne faisait pas état de fortes attaches sur le territoire français, il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet a pris en compte sa situation de vie commune avec sa compagne et ses trois enfants mais en estimant que les liens familiaux et privés de M. A... en France n'étaient pas suffisamment solides et stables, comme cela ressort des points 8 et 10 du présent arrêt. Dès lors le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
20. Enfin, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
21. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure portant obligation de quitter le territoire français le 29 septembre 2019 prononcée par le préfet du Pas-de-Calais à laquelle il ne s'est pas conformé, et qu'il a été interpellé pour des faits de violences conjugales en présence de mineurs. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 29 août 2023, portant obligation de quitter le territoire français, portant refus d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination. Il n'est pas non plus fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. A... aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2311922 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il se prononce sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025
Le rapporteur,
J-E. PilvenLe président,
F. EtienvreLa greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE02522002