Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Gedes SRO a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 2006 au 31 décembre 2013 et des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2006 à 2014.
Par un jugement n° 1904196 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet 2022 et 15 février 2023, et un mémoire, enregistré le 20 février 2023, non communiqué, la société Gedes SRO, représentée par Me Rozenbaum, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration fiscale a conclu à l'existence d'un établissement stable en France, en vue de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- il n'existe pas davantage d'établissement stable, au sens de la convention fiscale bilatérale applicable entre la France et la Slovaquie ;
- l'administration fiscale ne peut faire application du délai de reprise applicable en cas d'activité occulte, dès lors que son absence de déclaration relève, à supposer que soit reconnue l'existence d'un établissement stable, d'une simple erreur de bonne foi ;
- elle remplit toutes les conditions l'application du taux réduit d'impôt sur les sociétés ;
- c'est à tort que l'administration fiscale lui a fait application des pénalités pour activité occulte, dès lors que son absence de déclaration relève, à supposer que soit reconnue l'existence d'un établissement stable, d'une simple erreur de bonne foi.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 janvier et 29 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Gedes SRO ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 décembre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et la Tchécoslovaquie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus du 1er juin 1973 ;
- l'accord sous forme d'échange de lettres entre la France et la Slovaquie relatif à la succession en matière de traités conclus entre la France et la Tchécoslovaquie signées les 24 juin et 7 août 1996 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tar,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une procédure de visite et de saisie diligentée par la direction nationale des enquêtes fiscales, en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, la société de droit slovaque Gedes SRO, qui exerce une activité de travaux de menuiserie et de construction, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité, au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2014. L'administration fiscale a estimé que la société Gedes SRO avait exercé une activité occulte en France et l'a taxée d'office, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt sur les sociétés, en application des dispositions de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Par jugement n° 1904196 du 24 mai 2022, dont la société relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société Gedes SRO tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 2006 au 31 décembre 2013 et de cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos au cours des années 2006 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur le principe de l'imposition en France :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
S'agissant de la période du 1er septembre 2006 au 31 décembre 2009 :
2. Aux termes de l'article 283 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...) / Toutefois, lorsque (...) la prestation de services est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France (...) ". Aux termes de l'article 259 A du même code, dans sa rédaction applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : (...) / 2° Les prestations de service se rattachant à un immeuble situé en France (...) "
3. Il résulte des dispositions précitées que, lorsque le lieu des prestations de service est réputé se situer en France en application des dispositions du 2 de l'article 259 A du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue humain et technique, à rendre possible, de manière autonome, les prestations de services considérés.
4. Il résulte de l'instruction qu'entre le 1er septembre 2006 et le 31 décembre 2009, la société Gedes SRO a réalisé l'essentiel de son activité de travaux de menuiserie et de construction sur des chantiers situés en France, principalement en région Ile-de-France, en sous-traitance d'entreprises qui y sont domiciliées, et qu'elle disposait à Pontoise de locaux loués dans lesquels elle logeait ses salariés et remisait ses véhicules utilitaires. L'administration fiscale a en outre relevé, au cours des procédures de visite et de contrôle, que l'un de ses trois associés, M. A..., y était présent régulièrement et assurait l'animation de la société. L'administration fiscale a notamment constaté que M. A... signait pour la société Gedes SRO les contrats de travaux conclus par cette société avec ses clients français, en qualité de gérant, et que les factures émises par cette société mentionnaient son numéro de téléphone portable français. Celui-ci avait également signé les baux conclus pour la location des logements loués pour les besoins de cette société et était le titulaire des lignes de téléphonie fixe installées dans ces locaux. Par ailleurs, l'administration fiscale a constaté que les deux autres associés de la société étaient également régulièrement présents sur le territoire français. L'administration fiscale a déduit de l'ensemble de ces constats que la société Gedes SRO disposait en France d'un établissement stable, animé par M. A..., depuis les locaux de Pontoise, regardés comme un lieu de direction, de gestion, d'hébergement des équipes et de conduite des chantiers.
5. La société Gedes SRO, quant à elle, soutient qu'elle ne dispose d'aucun établissement stable en France, dès lors que les locaux de Pontoise ne sont pas connus de ses clients, que M. A... réside en Slovaquie et que les principales décisions relatives à la gestion de la société, notamment l'approbation des contrats de travaux, sont adoptées en Slovaquie par ses associés réunis en assemblée générale.
6. Toutefois, compte tenu du fait que ses contrats de travaux ont été négociés, conclus et signés en France par M. A..., regardé comme domicilié dans les locaux loués à Pontoise par les services postaux et par l'établissement bancaire teneur de ses comptes français et que l'essentiel des factures émises par cette société, rédigées en français, ont été établies et remises en France, l'administration fiscale pouvait à bon droit considérer que la société Gedes SRO disposait, au cours de la période considérée, d'un établissement stable en France, caractérisé par la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à rendre possible, de manière autonome, ses activités de pose de couverture sur des immeubles.
7. La société Gedes SRO était donc redevable en France, au cours de la période dont il s'agit, de la taxe sur la valeur ajoutée qui grevait les travaux de pose de couverture sur des maisons ou bâtiments qu'elle a facturées ou réalisées.
S'agissant de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 :
8. Aux termes de l'article 283 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). / Toutefois, lorsqu'une (...) prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. (...) ". Aux termes de l'article 283-0 du même code: " Pour l'application des articles 283 à 285 A, un assujetti qui réalise une livraison de biens ou une prestation de services imposable en France et qui y dispose d'un établissement stable ne participant pas à la réalisation de cette livraison ou de cette prestation est considéré comme un assujetti établi hors de France. ". Aux termes de l'article 259 A du même code, dans sa rédaction applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, est situé en France le lieu des prestations suivantes : (...) / 2° Les prestations de service se rattachant à un bien immeuble situé en France (...) ".
9. Il résulte des dispositions précitées, que lorsque le lieu des prestations de service se trouve en France en application des dispositions du 2 de l'article 259 A du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue humain et technique, à rendre possible, de manière autonome, les prestations de service considérées.
10. En raison des mêmes circonstances que celles décrites aux points 4 à 6 ci-dessus, qui se sont prolongées au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, l'administration fiscale pouvait à bon droit considérer que la société Gedes SRO disposait, au cours de cette dernière période, en France, d'un établissement stable qui participait à la réalisation de ces activités.
11. La société Gedes SRO était donc redevable en France, au cours de la période dont il s'agit, de la taxe sur la valeur ajoutée qui grevait les travaux de pose de couverture sur des maisons ou bâtiments quelle a facturées ou réalisées.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
12. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
13. Aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ".
14. Il résulte de l'instruction que la société Gedes SRO a exercé en France, à titre habituel, au cours des années d'imposition en litige, l'essentiel de son activité de travaux, où elle a réalisé entre 78 % et 100 % de son chiffre d'affaires, par la fourniture de prestations de service de couverture de maisons ou bâtiments pour des sociétés clientes établies en France, à partir d'installations permanentes constituées en particulier d'un local à Pontoise où ses outils et ses véhicules utilitaires étaient remisés et où ses salariés étaient logés. Il résulte par ailleurs de l'instruction que M. A..., associé de la société requérante, assurait la gestion matérielle et technique de l'activité déployée par celle-ci, disposait du pouvoir de signer des contrats de travaux conclus en France par cette société, était considéré comme domicilié dans les locaux de Pontoise par les services postaux et par l'établissement bancaires teneur de ses comptes bancaires français. Par suite, la société Gedes SRO doit être regardée comme ayant exploité une entreprise en France, au sens des dispositions précitées du I de l'article 209 du code général des impôts. Il en résulte que les bénéfices tirés de cette activité sont imposables en France à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française.
15. Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-tchécoslovaque du 1er juin 1973 tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, applicable aux relations entre la France et la Slovaquie en vertu de l'accord conclu sous forme d'échange de lettres relatif à la succession en matière de traités entre la France et la Tchécoslovaquie signées les 24 juin et 7 août 1996 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. ". L'article 5 de cette convention stipule que : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. (...) / 2. L'expression "établissement stable" comprend notamment : / a) Un siège de direction ; / b) une succursale ; c) / Un bureau (...) / 3. On ne considère pas qu'il y a établissement si : (...) / e) Une installation fixe d'affaires est utilisée, pour l'entreprise aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues qui ont un caractère préparatoire ou auxiliaire ; / (...) f) L'activité de l'entreprise consiste en un chantier de construction ou de montage. / 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 5 est considérée comme " établissement stable " dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. (...) ".
16. La société Gedes SRO soutient que les contrats de travaux qu'elle exécutait en France étaient rédigés en France, en français pour la bonne compréhension de ses sociétés clientes, mais conclus et signés en Slovaquie, après approbation de l'assemblée générale des associés gérants. Il résulte de l'instruction, notamment du contrat signé le 7 mai 2014 entre la SAS Entreprise Marie et Cie Marietoit et la société Gedes SRO, que M. A... disposait en France de pouvoirs qu'il y exerçait habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de la société requérante et que son activité ne se limitait pas à l'achat de marchandises et de fournitures pour l'entreprise. La société Gedes SRO, en se bornant à produire un procès-verbal d'assemblée générale du 22 septembre 2008 selon lequel l'assemblée générale des associés prenait connaissance des termes des contrats signés par M. A..., n'établit pas que le pouvoir de contracter avec ses clients était retenu par l'assemblée générale. Dans ces conditions, quand bien même les stipulations du f) du 3 de l'article 5 de la convention précitée, qui excluent qu'un établissement stable soit reconnu lorsque l'activité de l'entreprise consiste en un chantier de construction ou de montage, feraient obstacle à ce que les moyens matériels et humains dont la société Gedes SRO dispose en France caractérisent un établissement stable, l'administration fiscale est fondée à considérer que les stipulations précitées lui permettent de caractériser un établissement stable de la société Gedes SRO en France et d'attribuer à la France l'imposition de cette société à l'impôt sur les sociétés.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de délai de reprise en cas d'activité occulte :
17. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable (...) n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (...). ". L'article L. 176 du même livre dispose que : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (...). ".
18. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur, justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
19. Pour estimer que la société Gedes SRO a exercé une activité occulte en France de 2006 à 2014, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance, non contestée, qu'elle n'a souscrit aucune déclaration fiscale à raison du chiffre d'affaires et des bénéfices professionnels qu'elle y a réalisés ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Pour justifier du non-respect de ces formalités déclaratives, la société requérante se prévaut de ce qu'elle aurait commis une erreur en raison de la difficulté d'interprétation des stipulations précitées du f) du 3 de l'article 5 de la convention fiscale régissant les situations fiscales entre la France et la Slovaquie sur les chantiers. Elle explique également avoir satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales en Slovaquie. Toutefois, si cette difficulté d'interprétation pourrait expliquer une absence de déclaration relative à l'impôt sur les sociétés, elle reste sans effet sur les déclarations de chiffre d'affaires servant à asseoir la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la société Gedes SRO n'établit pas avoir commis une erreur, justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives en France. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé qu'elle exerçait une activité occulte en France au titre de la période couvrant les exercices 2006 à 2014, justifiant ainsi l'exercice de son droit de reprise sur l'ensemble de la période contrôlée en application des dispositions précitées des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne l'application du taux réduit d'impôt sur les sociétés :
20. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Selon l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ".
21. En application de ces dispositions, il appartient à la Société Gedes SRO, qui ne conteste pas la régularité de la taxation d'office dont elle a fait l'objet sur le fondement des dispositions 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions en litige.
22. Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article 219, dans sa rédaction applicable : " Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. ". Selon le b du même I : " Par exception au deuxième alinéa du présent I et au premier alinéa du a, pour les redevables ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 7 630 000 euros au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, le taux de l'impôt applicable au bénéfice imposable est fixé, dans la limite de 38 120 euros de bénéfice imposable par période de douze mois, à 25 % pour les exercices ouverts en 2001 et à 15 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2002. / (...) Le capital des sociétés mentionnées au premier alinéa du présent b doit être entièrement libéré et détenu de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. ".
23. La société Gedes SRO soutient, à titre subsidiaire, qu'au cas où elle serait considérée comme redevable de l'impôt sur les sociétés en France, il conviendrait de lui faire application du taux réduit d'imposition prévu par les dispositions précitées du b du I de l'article 219 du code général des impôts au titre des exercices en litige. Toutefois, en se bornant à produire un relevé du registre du commerce du tribunal du district de Presov en date du 2 janvier 2015, au demeurant non traduit, la société Gedes SRO n'établit pas, comme elle en a la charge, que la composition de son actionnariat répondait aux conditions de ces dispositions au cours des exercices en litige, ou qu'elle remplissait la condition de libération du capital requises par ces dispositions à la date de clôture des exercices en litige. Dans ces conditions, l'administration fiscale pouvait légalement lui faire application du taux normal de l'impôt sur les sociétés.
Sur les pénalités :
24. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) ".
25. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
26. La société Gedes SRO, qui ne conteste pas n'avoir pas déposé de déclaration de chiffres d'affaires en France ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, n'apporte pas la preuve, en s'appuyant sur une difficulté d'interprétation de la convention fiscale applicable qui a trait au seul impôt sur les sociétés, qu'elle aurait commis une erreur, justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives en France. Si elle explique qu'elle a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales en Slovaquie, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la charge fiscale effective en Slovaquie, elle n'établit aucune erreur susceptible de justifier l'absence complète de déclaration en vue de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'exercice par la société requérante d'une activité occulte en France au titre des années en litige. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a assorti de la majoration de 80 % les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société Gedes SRO, en application des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts.
27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Gedes SRO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge et des pénalités correspondantes. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Gedes SRO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gedes SRO et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
M. Tar, premier conseiller,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
G. TAR La présidente,
F. VERSOL
La greffière,
C. DROUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 22VE01805