Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Morigny-Champigny a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 20 mai 2021 par laquelle la ministre chargée du logement a ramené son objectif de 223 à 130 logements locatifs sociaux, à produire pour la période 2020-2022, en tant que le nombre de 130 logements reste trop élevé.
Par un jugement n° 2106231 du 23 octobre 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2023, la commune de Morigny-Champigny, représentée par Me Labonnelie, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis de la commission nationale prévue au II de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas pris en compte la demande telle qu'elle était formulée par la commune, tendant à l'abaissement à zéro de l'objectif de construction de logements sociaux au titre de la période triennale 2020-2022 ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2024, le ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une ordonnance du 3 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée 21 février 2025, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Labonnelie pour la commune de Morigny-Champigny.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Essonne a fixé à la commune de Morigny-Champigny l'objectif de réaliser 223 logements locatifs sociaux à agréer au titre de la période triennale 2020-2022, en application des dispositions de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, le 29 juin 2020. Par un arrêté n° 421-2020-DDT-SHRU du 23 décembre 2020, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le préfet de l'Essonne a prononcé la carence de la commune de Morigny-Champigny au titre de la période triennale 2017-2019, et fixé à 10% le taux de majoration appliqué sur le montant du prélèvement prévu par les dispositions de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation. En parallèle, le préfet a saisi la commission nationale prévue au II de l'article L. 302-9-1-1 du même code qui, réunie le 16 mars 2021, a donné un avis favorable à l'aménagement des objectifs quantitatifs de la commune pour la nouvelle période triennale 2020-2022. Par une décision du 20 mai 2021, la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique chargée du logement a ramené l'objectif de la commune de Morigny-Champigny de 223 à 130 logements locatifs sociaux à produire pour la période 2020-2022. La commune de Morigny-Champigny demande à la cour d'annuler le jugement n° 2106231 du 23 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, en tant que le nombre de 130 logements sociaux à réaliser reste trop élevé.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) II. - La commission nationale (...) entend le maire de la commune concernée ainsi que le représentant de l'Etat du département dans lequel la commune est située. / Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle peut recommander au ministre chargé du logement un aménagement des obligations prévues à l'article L. 302-8. (...) Les avis de la commission sont motivés et rendus publics ". Aux termes de l'article R. 302-26 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " (...) Les avis motivés de la commission sont transmis au ministre, qui assure leur publicité. Si l'avis comporte des recommandations en matière de construction de logements locatifs sociaux, prévues aux quatrième ou cinquième alinéas du II de l'article L. 302-9-1-1, l'avis est également transmis au préfet du département, qui le notifie au maire de la commune concernée et, le cas échéant, au président de l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre. Lorsque le ministre est destinataire d'un avis lui recommandant l'aménagement des obligations prévues à l'article L. 302-8, il prend sa décision dans le délai de trois mois suivant la transmission de l'avis. Sa décision est transmise au préfet du département, qui la notifie au maire de la commune concernée et, le cas échéant, au président de l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque, pour une commune n'ayant pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, la commission nationale estime que l'absence d'atteinte des objectifs s'explique par des raisons objectives, elle peut saisir le ministre chargé du logement d'une recommandation tendant à aménager les obligations prévues à l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation. Il incombe alors au ministre chargé du logement d'apprécier, au vu des circonstances ayant prévalu au cours de la période triennale en question et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si des raisons objectives justifient que la commune n'ait pas respecté l'obligation résultant des objectifs fixés pour cette période. Dans l'affirmative, il appartient au ministre de modifier le cas échéant, compte tenu des circonstances qui prévalent à la date de sa décision, les objectifs de la période triennale qui est en cours à la date à laquelle il se prononce ou, s'ils sont déjà fixés, ceux d'une période ultérieure.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de présentation élaboré par la commune de Morigny-Champigny adressé à la commission nationale en vue de sa séance du 16 mars 2021, que la commune a expressément demandé que la commission soutienne " les projets qui ont déjà obtenu les agréments pour enfin construire les 130 logements attendus ". Elle a également indiqué, en synthèse finale de ses demandes, " d'abaisser au maximum l'objectif triennal 2020-2022, voire l'annuler en lien avec l'absence de disponibilité sur du nouveau foncier disponible ". Au regard de la formulation et des termes mêmes de la demande de la commune, la commission nationale a pu valablement relever dans l'avis rendu le 16 mars 2021, sans se méprendre sur la portée de la demande qui lui était soumise, que la commune lui demandait une " diminution de ses objectifs à hauteur de 130 logements sociaux pour 2020-2022 et surtout plus de temps pour atteindre les objectifs fixés par la loi (porter à 2037 l'échéance pour atteindre le taux cible soit huit périodes triennales) ". Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure, du fait de l'illégalité qui aurait entaché l'avis de la commission nationale du 16 mars 2021.
5. En second lieu, d'une part, la commune de Morigny-Champigny se prévaut des difficultés de construction qu'elle rencontre du fait des contraintes qui lui sont imposées par l'Etat. Elle évoque, de manière générale, des restrictions au droit de construire imposées par l'Etat aux communes, qui sont selon elle autant de freins et d'obstacles à la réalisation des objectifs de réalisation de logements sociaux. Plus particulièrement, s'agissant de la commune de Morigny-Champigny, cette dernière fait mention de la réglementation relative aux sites classés et aux sites inscrits pour la protection des monuments historiques, aux sites classés et aux sites inscrits pour la protection des sites pittoresques, aux sites géologiques, à la protection des lisières forestières, aux zones humides, aux espaces naturels sensibles, aux zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, aux réserves naturelles, au schéma régional de cohérence écologique, ainsi qu'au schéma directeur régional d'Ile-de-France. Mais si la commune cite ainsi successivement ces différents de champs de réglementations particulières, elle n'apporte pas la moindre précision de nature à montrer en quoi celles-ci s'appliqueraient d'une manière particulièrement contraignante ou significative sur le territoire de la commune de Morigny-Champigny, ni en quoi elles restreindraient concrètement la réalisation de logements sociaux, à un degré tel qu'elles empêcheraient la commune d'atteindre ses objectifs. Certes l'un des projets de construction de la commune, portant sur 51 logements dont 30 logements sociaux, situé en centre bourg, engagé en 2014, est toujours en cours, sa réalisation ayant été rendue difficile du fait des sujétions particulières pesant sur la parcelle en cause, et en raison également d'une fouille archéologique prescrite en septembre 2019, ainsi que d'un recours contentieux contre un permis de construire et des permis d'aménager afférents à ce projet. Néanmoins, la commune ne fait pas état d'autres projets, dont la conception ou la réalisation auraient été rendus impossibles ou simplement difficiles du fait des normes applicables sur son territoire.
6. D'autre part, la commune de Morigny-Champigny soutient que du fait de son classement en zone 2 par l'arrêté du 17 mars 1978 relatif au classement des communes par zones géographiques, les prix des loyers pratiqués sur son territoire sont plus faibles et les partenaires financeurs octroient des aides minimisées, ce qui complexifie l'élaboration des montages financiers permettant d'obtenir des opérations de construction équilibrées. Toutefois, alors qu'une telle allégation est contestée en défense par le ministre, la commune ne verse au dossier aucun élément, rapport ou étude, de nature à caractériser les difficultés dont elle fait état, hormis le cas du projet de construction de 51 logements précité, dont il ne ressort pas des pièces du dossier que les difficultés de réalisation seraient en lien, direct ou indirect, avec le classement de la commune en zone 2.
7. En outre, la commune requérante fait état de ses difficultés, en tant que commune rurale, à mobiliser du foncier disponible pour réaliser des opérations de construction, alors qu'une large part de son territoire est constituée d'espaces naturels agricoles. Toutefois, il est constant que la commune n'a engagé qu'en 2021 l'élaboration d'une étude en vue d'établir un diagnostic foncier, ayant pour objet d'identifier le potentiel de densification des constructions dans les espaces déjà urbanisés de la commune, dont la version finale n'a été présentée au préfet de l'Essonne qu'en février 2022, et qu'elle n'a engagé la révision de son plan local d'urbanisme que par délibération de son conseil municipal le 25 septembre 2020. Si elle se prévaut à nouveau des difficultés de réalisation du projet de 51 logements à réaliser au centre-bourg, celui-ci ne saurait illustrer, en tant que tel, les difficultés de mobilisation du foncier sur le territoire de la commune.
8. Enfin, la commune se prévaut dans sa requête de son " volontarisme " et mentionne diverses actions qu'elle a menées, en vue de justifier de la réalité de son engagement pour atteindre les objectifs qui lui ont été assignés par le législateur. Néanmoins, la réalité de cet engagement, de même que les éléments relevés aux points 5 à 7 du présent arrêt, ne suffisent pas à établir qu'en ramenant de 223 à 130 le nombre de logements sociaux à réaliser la ministre en charge du logement aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Morigny-Champigny n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Morigny-Champigny au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Morigny-Champigny est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Morigny-Champigny et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente-assesseure,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVEN
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE02830