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24/06/2025 | FRANCE | N°23VE01460

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 24 juin 2025, 23VE01460


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions à compter du 1er février 2022.



Par un jugement n° 2204402 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés respect

ivement le 29 juin 2023 et le 9 mai 2025, M. B..., représenté par Me Numbi, demande à la cour :



1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions à compter du 1er février 2022.

Par un jugement n° 2204402 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 29 juin 2023 et le 9 mai 2025, M. B..., représenté par Me Numbi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le réintégrer dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner l'État à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une irrégularité de procédure dès lors qu'il n'a jamais été mis à même de demander la communication de son dossier ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 en ce qu'il n'a pas pris en compte les conditions défavorables de déroulement de son stage ;

- il est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2025, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et subsidiairement, s'en remet, en tant que de besoin, à ses écritures de première instance.

Par un courrier, enregistré le 17 avril 2025, M. B... a déclaré abandonner ses conclusions indemnitaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

- le décret n° 2019-49 du 30 janvier 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Numbi, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a obtenu le bénéfice du concours externe sur titre d'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse et a débuté son stage le 1er février 2021 au sein de l'unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Malakoff. Le 23 août 2021, il a été affecté au sein de l'UEMO de Bourg-la-Reine. Du 10 novembre 2021 au 17 novembre 2021, puis du 22 novembre 2021 au 31 janvier 2022, il a été placé en congé de maladie ordinaire. Par un arrêté en date du 8 février 2022, pris après avis de la commission administrative paritaire du 16 décembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions à compter du 1er février 2022. M. B... relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

2. Par un courrier, enregistré le 17 avril 2025, M. B... a déclaré abandonner ses conclusions indemnitaires. Il y a lieu de lui donner acte de ce désistement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".

4. La requête de M. B... ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance et comporte une critique du jugement attaqué, notamment en soulevant deux nouveaux moyens suffisamment étayés. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et met la cour en mesure de se prononcer sur le bien-fondé du jugement de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de la requête doit être écartée.

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la nature de la décision attaquée :

5. Aux termes de l'article 9 du décret n° 2019-49 du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse : " Les candidats reçus aux concours sont nommés éducateurs stagiaires. (...) Ceux reçus aux concours prévus aux 2° et 4° du même article accomplissent un stage d'une durée de douze mois au cours duquel ils reçoivent une formation d'adaptation à l'emploi. ". L'article 26 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 dispose : " Les périodes de congés avec traitement accordés à un fonctionnaire stagiaire entrent en compte, lors de la titularisation, dans le calcul des services retenus pour l'avancement. (...) le total des congés rémunérés de toute nature accordés aux stagiaires en sus du congé annuel ne peut être pris en compte comme temps de stage que pour un dixième de la durée statutaire de celui-ci. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque des congés de maladie ont été régulièrement accordés à un stagiaire en cours de stage, la date de fin de stage doit être déterminée en prenant en compte la durée de ces congés excédant le dixième de la durée du stage pour prolonger, à due concurrence, la durée d'un an initialement prévue pour le stage.

6. Il ressort des arrêts maladie produits par M. B... que celui-ci a été placé en congé-maladie ordinaire du 10 au 17 novembre 2021 et du 22 novembre 2021 au 31 janvier 2022. Ces congés excédant le dixième du stage d'un an qu'il devait accomplir, la durée de ce stage devait être prolongée du reliquat de son arrêt. Dans ces conditions, en mettant fin aux fonctions de M. B... le 1er février 2022, le ministre a procédé à un licenciement pour insuffisance professionnelle en cours de stage.

S'agissant de la légalité de la décision attaquée :

7. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".

8. M. B... soutient que son licenciement est intervenu en cours de stage sans qu'il ait été mis à même de demander la communication de son dossier. Cette affirmation n'est pas contestée par le garde des sceaux, ministre de la justice, et il ne ressort pas des pièces du dossier que cette obligation aurait été remplie. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux doit être annulé pour ce motif.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions à compter du 1er février 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

11. L'annulation contentieuse du licenciement d'un stagiaire implique d'enjoindre à l'administration de procéder à la réintégration juridique de l'agent au poste qu'il occupait avant la décision annulée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de réintégrer M. B... en tant que stagiaire au sein de l'UEMO de Bourg-la-Reine pour une période de quarante jours dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. B... de ses conclusions aux fins d'indemnisation.

Article 2 : L'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 8 février 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de réintégrer M. B... en tant que stagiaire au sein de l'UEMO de Bourg-la-Reine pour une période de quarante jours dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement n° 2204402 du 11 mai 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'État versera à M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.

La rapporteure,

C. Pham

Le président,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne au ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23VE01460002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01460
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : NUMBI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-24;23ve01460 ?
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