REJET des pourvois formés par :
1° X... Michel,
2° La Société Conserves des Flandres, civilement responsable,
contre un arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 14 novembre 1984, qui a condamné X... à 15 000 francs d'amende et à des réparations civiles pour infractions au code du travail ;
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-1, L. 122-3-1, L. 122-3-14, L. 321-7 et L. 321-11 du code du travail, de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'infraction à la législation relative au contrôle de l'emploi ;
" aux motifs que le prévenu avait conclu des contrats à durée déterminée ; que ces contrats ne comportaient ni la mention du nom du salarié remplacé, ni celle de sa qualification ; qu'il convient de qualifier ces mentions de substantielles comme déterminant la régularité des contrats litigieux, et que leur omission conduit à les considérer comme conclus sans écrit et donc à durée indéterminée ; qu'en effet, à défaut de la preuve incombant à la société Conserves des Flandres qu'elle a respecté les dispositions de l'article L. 122-1, les contrats litigieux doivent être réputés à durée indéterminée ; qu'une autre interprétation des articles L. 122-1 et suivants du code du travail conduirait à vider de toute signification, à enlever toute efficacité à la législation relative au contrat à durée déterminée en autorisant un employeur à faire remplacer plusieurs salariés successivement absents par un même salarié sous contrat à durée déterminée ; que s'agissant de licenciement pour cause économique, il incombait à X... d'en demander l'autorisation à l'inspection du travail, conformément aux dispositions de l'article L. 321-7 du code du travail ; qu'en s'y refusant, il a commis l'infraction prévue et réprimée par l'article L. 321-11 du code du travail ;
" alors que, d'une part, les lois pénales sont d'interprétation stricte ; qu'il résulte de la combinaison des articles L. 122-1, L. 122-3-1 et L. 122-3-14 du code du travail que les mentions relatives au nom et à la qualification du salarié remplacé ne sont nullement prévues à peine de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; qu'en procédant à une telle requalification en se fondant sur l'omission de ces mentions, la cour d'apel a méconnu le principe ci-dessus rappelé, a excédé ses pouvoirs et violé les textes précités ;
" alors que, d'autre part, seul l'article L. 122-3-1 du code du travail fait allusion à l'obligation de rédaction par écrit du contrat à durée déterminée ; qu'en étendant cette exigence matérielle précise portant sur tout le contrat aux conséquences de l'omission de deux mentions d'un contrat rédigé par écrit, la cour d'appel a de nouveau outrepassé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
" alors au surplus, qu'il appartient au ministère public, conformément aux règles qui régissent la charge de la preuve d'établir la réunion de tous les éléments constitutifs de l'infraction poursuivie ; qu'ainsi, les juges du fond ont renversé la charge de la preuve en déclarant le prévenu coupable de l'infraction qui lui était reprochée, pour la raison qu'à défaut de la preuves incombant à la société Conserves des Flandres qu'elle a respecté les dispositions de l'article L. 122-1, les contrats litigieux sont réputés à durée indéterminée ;
" alors qu'en outre, en décidant qu'un employeur ne saurait être autorisé à faire remplacer plusieurs salariés successivement absents par un même salarié sous contrat à durée déterminée, la cour d'appel a violé l'article L. 122-3-11 du code du travail qui ne fait pas obstacle, en cas d'absence temporaire, à la conclusion, avec le même salarié, de contrats à durée déterminée successifs ;
" alors qu'enfin, il s'ensuit que la cessation des contrats de travail à durée déterminée résultait de la survenance de leur terme et non d'un licenciement pour cause économique à l'initiative de l'employeur ; que, dès lors, en retenant l'employeur dans les liens de la prévention au motif que celui-ci n'aurait pas sollicité l'autorisation de l'autorité administrative compétence, la cour d'appel a encore violé l'article L. 321-7 du code du travail ; "
Attendu qu'il résulte tant des énonciations des juges du fond que du procès-verbal établi par un inspecteur du travail que la société anonyme Conserves des Flandres (C.D.F.) dont X... était le représentant légal a engagé le 3 janvier 1983 par contrats à durée déterminée quinze salariés pour une période minimale expirant le 24 janvier 1983 ; que ces contrats conclus en raison de l'absence de travailleurs due à la maladie, cas prévu par l'article L. 122-1 du code du travail, ne comportaient cependant ni l'indication du nom du salarié remplacé ni celle de sa qualification exigées, en pareille circonstance, par l'article L. 122-3 du même code pris pour l'application de son article L. 122-3-1 ; que par lettre recommandée du 2 juin 1983, la société C.D.F. a informé treize des concernés qu'elle mettait fin à leur engagement à compter du 8 juillet suivant ;
Attendu que saisis de poursuites exercées contre X... du chef de licenciement collectif pour motif économique sans l'autorisation préalable de l'autorité administrative, infraction à l'article L. 321-7 du code du travail, les juges du fond, après avoir souligné que l'absence des mentions relatives au nom et à la qualification des travailleurs suppléés rendait impossible tout contrôle de la cause comme de la durée des contrats, énoncent que, faute par l'employeur de faire la preuve de leur régularité, ceux-ci devaient être réputés non écrits et comme tels présumés conclus pour une durée indéterminée conformément aux dispositions de l'article L. 122-3-1 dudit code ; qu'ayant déduit de cette analyse qu'en notifiant aux treize salariés susvisés son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles, la société C.D.F. avait, en réalité, procédé à un licenciement collectif, les juges ajoutent que selon les propres déclarations de X... cette mesure avait pour cause le manque de travail dans l'entreprise et qu'il appartenait, dès lors, au prévenu de solliciter l'autorisation administrative requise, ce qu'il n'avait pas fait malgré un avertissement de l'inspecteur du travail ;
Attendu qu'en statuant ainsi et indépendamment de tous autres motifs erronés mais surabondants, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués au moyen ; que d'une part, les mentions obligatoires prescrites par l'article L. 122-3-1 du code du travail et définies par le règlement auquel il renvoie devant permettre de vérifier la conformité des contrats de travail précaires aux cas et conditions prévus par la loi, leur omission justifie, comme l'absence d'écrit, la requalification de ces contrats en vertu de la présomption de durée indéterminée que formule ledit article ; que, d'autre part, la preuve contraire n'ayant pas été rapportée par le demandeur, c'est à bon droit que les juges ont considéré comme un licenciement collectif la rupture des relations de travail intervenue à son initiative ; qu'enfin les motifs précités caractérisent, sans insuffisance, le délit retenu ;
D'où il suit que la décision étant justifiée sur ce premier point, le moyen doit être rejeté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 321-3 et L. 321-4, L. 434-1, L. 431-4 et 473-1 du code du travail, de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'infraction à la législation relative au fonctionnement du comité d'entreprise ;
" aux motifs, d'une part, qu'il résulte des procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise tenues courant juin que X... s'est abstenu non seulement de réunir et consulter le comité d'entreprise sur les licenciements envisagés, mais également de l'informer de la divergence d'interprétation l'opposant à l'administration ;
" aux motifs, d'autre part, que le procès-verbal de la réunion des 20-22 juin 1983 a été établi, signé et affiché par le seul président du comité d'entreprise, X..., lequel ne pouvait ignorer que le procès-verbal devait être établi par le secrétaire du comité, conformément aux dispositions de l'article L. 434-1 du code du travail, pris pour l'application de l'article L. 434-4 du même code ;
" alors que, d'une part, la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen devra entraîner, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt du chef du délit d'entrave pour non-consultation du comité d'entreprise sur les prétendus licenciements envisagés ;
" alors, d'autre part, qu'en omettant de répondre aux conclusions péremptoires du prévenu soulignant que c'est à la suite d'un grave incendie survenu dans les lieux le 17 juin 1983 que l'urgence l'avait contraint à agir comme il l'avait fait, élément de force majeure susceptible de remettre en cause l'élément intentionnel de l'infraction, la cour d'appel a entaché sa décision d'un grave défaut de motifs ; "
Sur la première branche du moyen ;
Attendu que par suite du rejet du précédent moyen, le présent moyen en ce qu'il tend à une cassation par voie de conséquence ne peut, à son tour, qu'être écarté ;
Et sur la seconde branche ;
Attendu qu'il résulte du jugement confirmé par l'arrêt attaqué que X... a rédigé et signé seul le compte-rendu de deux réunions du comité d'entreprise qu'il présidait puis procédé lui-même à l'affichage de ce document, méconnaissant ainsi délibérément les dispositions des articles R. 434-1 et 434-4, alinéa 2, du code du travail qui prescrivent que les procès-verbaux des séances du comité sont établis par le secrétaire et chargent celui-ci de leur affichage ou de leur diffusion ;
Attendu que ces constatations caractérisent en tous ses éléments constitutifs le délit d'entrave prévu et réprimé par l'article L. 473-1 du code du travail dont X... a été reconnu coupable ; qu'en cet état, il est vainement reproché aux juges du fond de ne s'être pas expliqués, par des motifs spéciaux, sur le moyen de défense que le demandeur a prétendu tirer de la survenance d'un sinistre qui étant sans rapport avec l'infraction poursuivie ne pouvait constituer une cause de justification ;
D'où il suit qu'en aucune de ses branches le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.