AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux demandeurs de leur désistement envers la société Sierra Leone authorities ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 6 juin 2001), que, suivant charte-partie, la société Marc Rich a affrété à la société Borsha shipping le navire M/V Jhelum pour un voyage concernant un fret de riz ;
qu'à l'issue du chargement de la cargaison, deux connaissements renvoyant à la charte-partie ont été émis par la société Marc Rich, en qualité d'agent des armateurs ; que la charte-partie prévoyait que tout litige entre la société Marc Rich et la société Borsha shipping serait soumis à arbitrage à Londres ; que des manquants ayant été constatés à l'arrivée à Freetown (Sierra Leone), la société Steamship underwriting association ltd, assureur de responsabilité du navire, a émis une lettre de garantie et que la société Axa global risks, société apéritrice, ainsi que six autres compagnies d'assurances ayant indemnisé la société Marc Rich ont assigné le capitaine du navire, la société Borsha shipping, ainsi que les sociétés Mamoni ship co ltd, Mamoni ship management pte ltd, le Steamship underwriting association et le Sierra Leone port authorities en remboursement des sommes versées devant le tribunal de commerce de Paris qui a accueilli l'exception d'incompétence soulevée par la société Borsha shipping ; que, sur contredit, la cour d'appel a déclaré le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître de la demande ;
Attendu que la société Borsha shipping, le capitaine du navire M/V Jhelum et les sociétés Mamoni ship co ltd, Mamoni ship management pte ltd et Steamship mutual underwriting association Bermuda ltd reprochent à l'arrêt d'avoir écarté l'exception d'incompétence tirée de la clause compromissoire insérée dans la charte-partie souscrite par la société Marc Rich et d'avoir dit le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître du litige, alors, selon le moyen :
1 / que lorsqu'un transport maritime est effectué sous un connaissement de charte-partie au voyage, seul le tiers porteur du document peut invoquer le contrat de transport, à l'encontre du transporteur fréteur ; que, en dépit de l'émission d'un connaissement, l'affréteur ne peut quant à lui invoquer que le contrat d'affrètement contre le transporteur fréteur et qu'une cession de ses droits par le tiers porteur du connaissement à l'affréteur ne saurait être opposée par l'affréteur au fréteur ; que la cour d'appel n'a pu considérer que les droits de la société Marc Rich, exercés par les assureurs contre le fréteur, étaient les droits cédés à la société Marc Rich par la société Unitraco, porteur des connaissements à destination, sans violer l'article 17 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime et méconnaître la notion d'affrètement au voyage ;
2 / que, plus généralement, l'aménagement contractuel de relations entre deux personnes juridiques sur un objet déterminé exclut la faculté pour l'une d'entre elles d'opposer à son cocontractant des droits contractuels, portant sur le même objet, qu'elle aurait acquis par cession ;
qu'en l'ignorant, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
3 / qu'en tout état de cause, et en admettant que les assureurs aient exercé contre l'affréteur les droits cédés par la société Unitraco à la société Marc Rich, droits dont la source réside en les contrats de transport matérialisés par les connaissements, il est indifférent que le renvoi, par les connaissements, à la charte-partie, ne rende pas la clause compromissoire opposable à la société Unitraco, tiers porteur des documents ; que c'est en la personne de la société Marc Rich que devait être appréciée la connaissance de la clause de la charte-partie à laquelle renvoient les connaissements ; et que la société Marc Rich ne pouvait prétendre ignorer la clause d'une charte-partie qu'elle a elle-même souscrite ; qu'en considérant que le cessionnaire des droits résultant de contrats de transports matérialisés par des connaissements renvoyant à une charte-partie souscrite par ce cessionnaire même ne peut se voir opposer la clause compromissoire insérée dans la charte-partie, la cour d'appel, qui a méconnu l'unité de la personne juridique, a violé les articles 1134 et 1165 du Code civil ;
4 / qu'à tout le moins, en ne répondant pas au moyen de la société Borsha shipping et autres tiré de ce que l'appréciation de la connaissance de la clause compromissoire de la charte-partie devait être effectuée en la personne de la société Marc Rich, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les assureurs avaient été subrogés dans ses droits par la société Marc Rich en sa qualité de cessionnaire de la société Unitraco, destinataire des marchandises, la cour d'appel, qui n'a pas retenu que c'était en qualité d'affréteur au voyage que la société Marc Rich avait été indemnisée, ce dont il résulte que l'affrètement n'était pas en cause en l'espèce, a justement décidé que la clause compromissoire qui figure sur la charte-partie n'avait pas à s'appliquer et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Borsha shipping, le capitaine du navire M/V Jhelum et les sociétés Mamoni ship co ltd, Mamoni ship management pte ltd et Steamship mutual underwriting association Bermuda ltd à payer aux sociétés Axa corporate solutions ainsi qu'aux six autres compagnies d'assurances la somme globale de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille trois.