LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1151, 2052 du code civil et L. 621-8 ancien du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et cent quarante-deux autres salariés de la société Mueller Europe ont obtenu du conseil de prud'hommes le 27 juin 2003, un jugement déclarant leur licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixant leur créance au passif de la société dont la liquidation judiciaire avait été prononcée par jugement du tribunal de commerce du 4 mars 2003 ; que le 18 juillet 2003, une transaction mettant fin au litige a été signée entre le représentant des salariés désigné dans le cadre de la procédure collective, le mandataire liquidateur et l'UNEDIC-AGS, aux termes de laquelle les deux derniers cités renonçaient à exercer toute voie de recours à l'encontre du jugement et les salariés acceptaient le versement d'une somme pour mettre fin au litige ; que cette transaction a été homologuée par un jugement du tribunal de commerce du 24 juillet 2003 dont il n'a pas été interjeté appel ; qu'entre novembre 2004 et mai 2005, plusieurs des salariés concernés ont de nouveau saisi le conseil de prud'hommes pour voir déclarer nulle la transaction intervenue ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande d'annulation présentée par les salariés, la cour d'appel énonce que la transaction a été homologuée par le tribunal de commerce et que l'homologation qui n'a fait l'objet d'aucun recours a acquis en conséquence l'autorité de la chose jugée ;
Attendu cependant qu'une transaction, fût-elle homologuée, n'a d'autorité de la chose jugée qu'à l'égard des parties ou de ceux qu'elle représentait lors de sa conclusion ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le représentant des salariés, auquel ses fonctions ne confèrent pas un pouvoir général de représentation de chaque membre du personnel, avait reçu de chaque salarié un mandat spécial pour conclure une transaction en son nom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Y..., ès qualités de liquidateur de la société Mueller Europe aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat, avocat aux Conseils pour M. X... et autres.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclarée irrecevable l'ensemble des demandes des salariés demandeurs au pourvoi ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « il convient en premier lieu de répondre à l'exception d'irrecevabilité des demandes soulevée par Maître Y... et l'AGS, tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement par lequel le Tribunal de commerce a, le 24 juillet 2003, homologué la transaction litigieuse ; qu'aux termes de l'article 1351 du Code Civil, l'autorité de la chose jugée s'attache à l'objet du jugement à la condition que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, entre les mêmes parties et formées par elles ou contre elles en la même qualité ; qu'en l'espèce, le jugement rendu par le Tribunal de commerce avait pour objet l'homologation et donc la validité de la transaction ; que cette transaction portait sur le montant des indemnités de rupture pour chacun des salariés appelants qui les ont perçues ; que cette décision d'homologation, motivée, n'a fait l'objet d'aucun recours ; qu'elle est définitive et possède en conséquence l'autorité de la chose jugée ; que cette autorité a pour effet d'interdire toute nouvelle appréciation de la validité de la transaction, quels que soient les vices dont le jugement serait affecté ; qu'il s'en suit que c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré les demandes irrecevables » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « le Conseil de Prud'hommes de MELUN a rendu un jugement dans cette affaire en date du 27 juin 2003 ; que ce jugement est exécutoire de droit ; qu'il a été prononcé le jour même et notifié à chaque demandeur le 2 février 2004 ; que ledit jugement a fait l'objet d'une transaction entre les parties ; que cette transaction a été homologuée par le Tribunal de commerce de PROVINS en date du juillet 2003 ; que cette homologation a en conséquence l'autorité de la chose jugée » ;
ALORS 1°) QU' en vertu de l'article L.511-1 du Code du Travail, le Conseil de Prud'hommes dispose d'une compétence exclusive pour connaître des litiges soulevés à l'occasion de toute rupture du contrat de travail entre un employeur et ses salariés ; que l'homologation d'une transaction par le Tribunal de commerce dans le cadre de l'article L.622-20 du Code de Commerce n'a ni pour effet ni pour objet de retirer au Conseil de Prud'hommes cette compétence exclusive et, partant, le droit individuel de chaque salarié, d'ailleurs non partie à l'instance d'homologation, de contester devant la juridiction prud'homale la validité de la transaction litigieuse, en se fondant de surcroît sur des moyens non examinés par le Tribunal de Commerce ; que dès lors, en déclarant irrecevables les demandes des salariés tendant à voir constater la nullité de la transaction du 18 juillet 2003, la Cour d'appel a méconnu l'étendu de ses pouvoirs en violation des textes susvisés ;
ALORS 2°) QUE selon l'article 1151 du Code Civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et à condition que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, et que la demande soit entre les mêmes parties et formées par elles et contres elles en la même qualité ; que ne sauraient dès lors se voir opposer l'autorité de la chose jugée par le Tribunal de Commerce aux termes de son jugement d'homologation du 24 juillet 2003, 83 salariés qui n'étaient ni appelés ni parties à l'instance d'homologation ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 14 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS 3°) QUE faute d'avoir constaté que Monsieur Z... aurait reçu pouvoir des salariés intéressés pour signer en leur nom la transaction litigieuse et poursuivre son homologation devant le Tribunal de commerce, la Cour d'appel ne pouvait opposer auxdits salariés le caractère définitif du jugement d'homologation du 24 juillet 2003, auquel ils n'avaient pas été valablement appelés et duquel ils n'avaient, par conséquent, pas pu interjeter appel ; qu'en se fondant néanmoins sur le caractère définitif de cette décision pour déclarer les demandes des salariés irrecevables, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31, 32 et 478 du Nouveau Code de Procédure Civile, ensemble l'article L.621-8 du Code de Commerce ;
ALORS 4°) QUE faute d'identité d'objet et de cause, l'exception de chose jugée ne saurait être accueillie ; que la demande tendant à l'homologation d'une transaction devant le Tribunal de commerce n'a ni le même objet ni la même cause que celle tendant, au contraire, à l'annulation de ladite transaction pour défaut de qualité de son signataire, vice du consentement et absence de discussion et de concessions réciproques ; que dès lors, viole de plus fort l'article 1151 du Code Civil, la Cour d'appel qui fait application de ce texte en l'espèce ;
ALORS 5°) QUE l'article L.622-20 du Code de Commerce applicable aux faits de l'espèce dispose que « le liquidateur peut, avec l'autorisation du juge-commissaire et le débiteur entendu ou dûment appelé, compromettre et transiger sur toutes les contestations qui intéressent collectivement les créanciers » et que « si l'objet du compromis ou de la transaction est d'une valeur indéterminée ou excède la compétence en dernier ressort du tribunal, le compromis ou la transaction est soumis à l'homologation du tribunal » ; que les transactions conclues en violation de ces règles d'ordre public sont nulles d'une nullité absolue ; que n'étant pas contesté en l'espèce, que le juge-commissaire n'avait pas autorisé la transaction litigieuse, viole le texte susvisé, ensemble les articles 1304 et 2044 à 2058 du Code Civil, la Cour d'appel qui refuse de constater la nullité de la transaction du 18 juillet 2003 ;