LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 mars 2008), que Mme X..., engagée par la société de droit américain United Airlines Inc, (la société) comme personnel navigant commercial sur la base de Londres Heathrow par contrat du 18 mai 1992, a été affectée en octobre 1993 sur la base de Roissy Charles-de-Gaulle de cette société pour effectuer des vols entre les Etats-Unis et la France ; qu'ayant été victime d'une rechute d'un précédent accident du travail, elle a été en arrêt de travail à compter du 4 juin 2003 ; que la salariée, dont l'état avait été déclaré consolidé le 1er novembre 2004 , a saisi le conseil de prud'hommes le 19 octobre 2005 pour demander la condamnation de son employeur à prononcer son licenciement pour inaptitude et à lui payer diverses sommes ; que la société l'a informée, par lettre du 13 novembre 2006, que son contrat de travail avait pris fin le 5 septembre 2006 pour raisons thérapeutiques ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes fondées sur le code français du travail, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur qui adresse à l'ASSEDIC française le formulaire officiel destiné à régler la situation du salarié dont le contrat de travail a été rompu au regard des revenus de remplacement servis aux travailleurs privés d'emploi et qui indique sur cette attestation que la cause de la rupture est un licenciement se soumet volontairement à la loi française ; qu'en ne retenant, pour juger le contraire, qu'une lettre qui lui a été adressée par la société United Airlines Inc dans le cadre du contentieux les opposant devant les juridictions françaises, lettre notifiant à la salariée la résiliation de son contrat de travail en raison de son inaptitude plus de deux ans après l'intervention de la cause de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-32-5 et suivants, L. 351-1 et suivants et R. 351-5 du code du travail, devenus les articles L. 1226-10 et suivants, L. 5421-1 et suivants et R. 1234-9 et suivants du code du travail ;
2°/ qu'aux termes de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 le contrat de travail est régi par la loi choisie par les parties ou, à défaut, par la loi du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ; qu'en l'espèce, pour retenir que les parties avaient entendu se soumettre au droit américain, la cour d'appel s'est contentée de prendre en compte des indices théoriques tels que le fait que le contrat de travail renvoyait aux règles concernant la rémunération et les conditions d'emploi définies par la convention collective américaine de l'Association of Flight Attendants (Association des personnels navigants) ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a occulté toute une série d'indices concrets desquels il ressortait que le contrat de travail présentait des liens plus étroits avec la France ; qu'en effet, la salariée française résidant en France qui assure des vols transatlantiques au départ de la base aérienne française de la compagnie américaine, qui a toujours reçu de l'établissement français de la compagnie aérienne des bulletins de salaire établis selon le droit français, qui bénéficie du régime de protection sociale français et qui s'est vue remettre par son employeur une attestation destinée à l'ASSEDIC conformément encore aux prévisions du code du travail français doit se voir appliquer la loi française ; qu'en ne recherchant pas si ces éléments démontraient que les parties avaient plutôt entendu soumettre le contrat de travail à la loi française et si, en tout état de cause, leur convention ne présentait pas des liens plus étroits avec cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention de Rome ;
3°/ qu'aux termes de l'article L. 342-4 du code du travail devenu l'article L. 1262-3 un employeur est soumis au code du travail français lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire français ou lorsqu'elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures à partir desquelles elle est exercée de façon habituelle, stable et continue, notamment par la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire ; que l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile qui énonce que l'article L. 342-4 du code du travail est applicable aux entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d'exploitation situées sur le territoire français explicite uniquement la portée de l'article L. 342-4 du code du travail dans le secteur du transport aérien sans y ajouter ; qu'en jugeant néanmoins que le décret du 21 novembre 2006 qui a introduit l'article R. 330-2-1 ne se serait pas borné à reprendre le droit positif antérieur et ne pourrait donc avoir pour effet de rendre le code français applicable à la solution du litige la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 342-4 du code du travail ;
4°/ qu'enfin et par voie de conséquence, l'article L. 342-4 du code du travail devenu L. 1262-3 trouvant à s'appliquer en la cause, la société United Airlines Inc s'étant de toutes façons placée d'elle-même sous l'empire de la loi française et le contrat de travail de Mme X... présentant, en tout état de cause, des liens plus étroits avec la loi française qu'avec le droit américain, la cour d'appel de Lyon ne pouvait débouter la salariée de ses demandes fondées sur les articles L. 122-32-5 et suivants du code du travail, devenus L. 1226-10 et suivants, relatifs à la victime d'accident du travail ; que l'absence de la visite médicale de reprise de l'article R. 241-51 du même code devenu R. 4624-21 et suivants ne pouvait avoir pour effet de rendre inapplicables les dispositions des articles L. 122-32-5 et suivants devenus L. 1226-10 et suivants, l'obligation d'une telle visite pesant sur l'employeur ; qu'en jugeant néanmoins qu'elle devait être déboutée de ses demandes fondées sur les articles L. 122-32-5 et suivants du code du travail au motif que ces dernières seraient dans tous les cas inapplicables en l'absence de la visite de reprise précitée, la cour d'appel de Lyon statué par un motif inopérant en violation des articles L. 122-32-5 et suivants devenus L. 1226-10 et suivants du code du travail ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel relève que la salariée, qui effectuait son travail en dehors de tout établissement, était liée à la société qui a son siège à Chicago par un contrat rédigé en langue anglaise signé dans cette ville qui renvoyait aux règles concernant la rémunération et les conditions d'emploi définies par la convention collective de l'Association of flight Attendants (AFA) qui fait partie intégrante du droit américain ; qu'appréciant souverainement les éléments de fait soumis à son examen, elle a pu en déduire qu'il résultait de l'ensemble de ces circonstances que les parties avaient entendu soumettre ce contrat à la loi des Etats-Unis d'Amérique ;
Attendu, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 342-4, alinéa 2, devenu l'article L. 1262-3 du code du travail, applicables aux entreprises de transport aérien en vertu de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, n'étaient pas entrées en vigueur à la date de rupture du contrat de travail, en l'absence du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 342-3 du code du travail, ce dont il résulte que Mme X... ne pouvait s'en prévaloir dans le cadre du présent litige ;
Attendu, enfin, que dès lors que le contrat de travail n'est pas soumis à la loi française, le moyen de la dernière branche est inopérant ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocat aux Conseils pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mademoiselle Corinne X... de ses demandes fondées sur le code français du travail ;
AUX MOTIFS QUE «(…) Sur la loi applicable Que d'abord la société UNITED AIRLINES INC. ne s'est pas soumise volontairement à la loi française en adressant à Corinne X... le 13 novembre 2006 une lettre informant la salariée de la résiliation de son contrat de travail au 5 septembre 2006 en application de la convention collective de l'Association of Flight Attendants (« AFA » - Association des personnels navigants commerciaux) ;
Qu'ensuite en application de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat de travail est régi par la loi choisie par les parties ou, à défaut, par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail ou, à défaut, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui l'a embauché, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ;
Qu'en l'espèce, Corinne X... a conclu un contrat de travail en langue anglaise à Chicago avec la société UNITED AIRLINES INC. qui y a son siège ; que ce contrat renvoyait aux règles concernant la rémunération et les conditions d'emploi, définies par la convention collective de l'Association of Flight Attendants (« AFA » - Association des personnels navigants commerciaux) qui fait partie intégrante du droit américain auquel les parties ont entendu soumettre le contrat de travail ;
qu'elle effectuait sa prestation de travail à bord d'aéronefs immatriculés aux Etats-Unis, en dehors de tout établissement ;
Que certes, selon l'article L. 342-4 du Code du travail, l'employeur est assujetti aux dispositions du Code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire français, et ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement , lorsque son activité est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue, notamment par la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire ; que le décret n°2006-1425 du 21 novembre 2006 a inséré dans le code de l'aviation civile un article R. 330-2-1 rendant l'article L. 342-4 du Code du travail applicable aux entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d'exploitation situées sur le territoire français ;que ce texte définit la base d'exploitation comme un ensemble de locaux ou d'infrastructures à partir desquels une entreprise exerce de façon stable, habituelle et continue une activité de transport aérien avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle ;
qu'au sens des dispositions qui précèdent, le centre de l'activité professionnelle d'un salarié est le lieu où, de façon habituelle, il travaille ou celui où il prend son service et retourne après l'accomplissement de sa mission ;
Que les dispositions de l'article L. 342-4 du Code du travail sont cependant sans application en l'espèce ; qu'en effet, le contrat de travail de Corinne X... est resté suspendu depuis le 4 juin 2003 jusqu'au 5 septembre 2006 ; que la salariée n'a par conséquent jamais eu le centre de son activité professionnelle sur la base de Roissy-Charles de Gaulle au sens du décret n°2006-1425 du 214 novembre 2006 , qui est postérieur à la rupture du contrat de travail ; que ce texte réglementaire qui, contrairement à ce que soutient l'intimée, ne se borne pas à reprendre le droit positif antérieur, ne peut donc avoir pour effet de rendre le code français du travail applicable à la solution du présent litige ;
Qu'en conséquence, Corinne X... sera déboutée de ses demandes fondées sur les articles L. 122-32-5 et suivants du Code du travail, d'ailleurs inapplicables dans tous les cas en l'absence de la visite de reprise prévue par l'article R. 241-51 du même code ;
Que l'éviction du code du travail français ne laisse subsister aucun litige susceptible d'être tranché en application de la loi étrangère, Corinne X... ne contestant pas qu'elle a été remplie des droits que lui ouvraient la loi américaine (Railroad act) et la convention collective AFA ;
ALORS QUE D'UNE PART l'employeur qui adresse à l'Assédic française le formulaire officiel destiné à régler la situation du salarié dont le contrat de travail a été rompu au regard des revenus de remplacement servis aux travailleurs privés d'emploi et qui indique sur cette attestation que la cause de la rupture est un licenciement se soumet volontairement à la loi française ; qu'en ne retenant pour juger le contraire qu'une lettre adressée par la société UNITED AIRLINES INC. à Mademoiselle X... dans le cadre du contentieux les opposant devant les juridictions françaises, lettre notifiant à la salariée la résiliation de son contrat de travail en raison de son inaptitude plus de deux ans après l'intervention de la cause de la rupture, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-32-5 et suivants, L. 351-1 et suivants et R. 351-5 du Code du travail devenus les articles L. 1226-10 et suivants, L. 5421-1 et suivants et R. 1234-9 et suivants du Code du travail ;
ALORS QUE DE DEUXIEME PART aux termes de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 le contrat de travail est régi par la loi choisie par les parties ou, à défaut, par la loi du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ; qu'en l'espèce, pour retenir que les parties avaient entendu se soumettre au droit américain la Cour d'appel s'est contentée de prendre en compte des indices théoriques tels que le fait que le contrat de travail renvoyait aux règles concernant la rémunération et les conditions d'emploi définies par la convention collective américaine de l'Association of Flight Attendants (Association des Personnels Navigants) ; qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a occulté toute une série d'indices concrets desquels il ressortait que le contrat de travail présentait des liens plus étroits avec la France ; qu'en effet, la salariée française résidant en France qui assure des vols transatlantiques au départ de la base aérienne française de la compagnie américaine, qui a toujours reçu de l'établissement français de la compagnie aérienne des bulletins de salaire établis selon le droit français, qui bénéficie du régime de protection sociale français et qui s'est vue remettre par son employeur une attestation destinée à l'Assédic conformément encore aux prévisions du Code du travail français doit se voir appliquer la loi française ; qu'en ne recherchant pas si ces éléments démontraient que les parties avaient plutôt entendu soumettre le contrat de travail à la loi française et si, en tout état de cause, leur convention ne présentait pas des liens plus étroits avec cette dernière, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention de Rome ;
ALORS QUE DE TROISIEME PART aux termes de l'article L. 342-4 du Code du travail devenu l'article L. 1262-3 un employeur est soumis au Code du travail français lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire français ou lorsqu'elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures à partir desquelles elle est exercée de façon habituelle, stable et continue, notamment par la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire ; que l'article R. 330-2-1 du Code de l'aviation civile qui énonce que l'article L. 342-4 du Code du travail est applicable aux entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d'exploitation situées sur le territoire français explicite uniquement la portée de l'article L. 342-4 du Code du travail dans le secteur du transport aérien sans y ajouter ; qu'en jugeant néanmoins que le décret du 21 novembre 2006 qui a introduit l'article R. 330-2-1 ne se serait pas borné à reprendre le droit positif antérieur et ne pourrait donc avoir pour effet de rendre le code français applicable à la solution du litige la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 342-4 du Code du travail ;
ALORS QU'ENFIN et par voie de conséquence, l'article L. 342-4 du Code du travail devenu L.1262-3 trouvant à s'appliquer en la cause, la société UNITED AIRLINES INC. s'étant de toutes façons placée d'ellemême sous l'empire de la loi française et le contrat de travail de Mademoiselle X... présentant, en tout état de cause, des liens plus étroits avec la loi française qu'avec le droit américain , la Cour d'appel de LYON ne pouvait débouter la salariée de ses demandes fondées sur les articles L. 122-32-5 et suivants du Code du travail, devenus L. 1226-10 et suivants, relatifs à la victime d'accident du travail ; que l'absence de la visite médicale de reprise de l'article R. 241-51 du même code devenu R. 4624-21 et suivants ne pouvait avoir pour effet de rendre inapplicables les dispositions des articles L. 122-32-5 et suivants devenus L. 1226-10 et suivants, l'obligation d'une telle visite pesant sur l'employeur ; qu'en jugeant néanmoins que Mademoiselle X... devait être déboutée de ses demandes fondées sur les articles L. 122-32-5 et suivants du Code du travail au motif que ces dernières seraient dans tous les cas inapplicables en l'absence de la visite de reprise précitée, la Cour d'appel de LYON a statué par un motif inopérant en violation des articles L. 122-32-5 et suivants devenus L. 1226-10 et suivants du Code du travail.