LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa seconde branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 octobre 2010), que le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a saisi le tribunal de commerce de Rennes d'une demande dirigée contre le Groupement d'achats des centres Leclerc (le GALEC) sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, afin de faire constater le caractère illicite de pratiques restrictives de concurrence, faire annuler des contrats passés avec deux fournisseurs comme comportant des délais de paiement s'écartant, sans raison objective, du délai de 30 jours suivant la date de réception des marchandises, faire cesser ces pratiques et faire condamner le GALEC au paiement d'une amende civile ;
Attendu que le GALEC fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le tribunal de commerce de Rennes est territorialement compétent pour statuer sur l'action engagée par le ministre chargé de l'économie à son encontre sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, relative à des contrats conclus par le GALEC avec deux fournisseurs, les sociétés Locmaria et Gaillard Patissier, alors, selon le moyen qu'en refusant d'admettre que l'action du ministre aurait dû, en l'espèce, être introduite devant une juridiction du ressort du siège de la société GALEC, défenderesse, dès lors qu'une telle action a une nature, sinon contractuelle, au moins autonome excluant l'application de l'article 46, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour d'appel a violé, outre ce texte, les articles 42 et 46, alinéa 2, du même code ensemble l'article L. 442-6 III du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que si les pratiques restrictives de concurrence sont généralement constatées à l'occasion de relations commerciales fondées sur un contrat, c'est, au travers de l'exécution du contrat, le comportement d'un opérateur économique ayant une pratique injustifiée au regard du jeu normal de la concurrence qui est sanctionné par l'action ouverte par l'article L. 442-6 du code de commerce, l'arrêt retient que l'action autonome du ministre aux fins de cessation de ces pratiques et aux fins d'annulation des contrats qui en sont le support revêt la nature d'une action en responsabilité quasi délictuelle ; que la cour d'appel en a exactement déduit qu'il peut former sa demande, à son choix, devant la juridiction du domicile du défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle du lieu dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'autre grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupement d'achats des centre Leclerc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette sa demande et la condamne à payer au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie la somme de 2 400 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour la société Groupement d'achats des centre Leclerc
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le tribunal de commerce de Rennes est territorialement compétent pour statuer sur l'action engagée par le ministre chargé de l'économie à l'encontre de la société GALEC sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, relative à des contrats conclus par le GALEC avec deux fournisseurs, les sociétés LOC MARIA et GAILLARD PATISSIER ;
AUX MOTIFS QUE si les pratiques restrictives de concurrence sont généralement constatées à l'occasion de relations commerciales fondées sur un contrat, c'est, au travers de l'exécution du contrat, le comportement d'un opérateur économique ayant une pratique injustifiée au regard du jeu normal de la concurrence qui est sanctionné par l'action ouverte par l'article L. 442-6 du code de commerce ; que l'action autonome du ministre chargé de l'économie, dont la finalité est la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence et qui vise au rétablissement de l'ordre public économique, ne procède pas du droit subjectif des victimes mais tend à la nullité absolue de pratiques contraires à l'ordre public économique ; que le ministre exerce un droit propre et ne met pas en oeuvre une action en nullité relative appartenant au contractant, lequel n'a pas à être attrait dans la cause, même s'il dispose du droit d'agir lui-même en annulation ; que l'action du ministre aux fins de cessation de ces pratiques restrictives de concurrence et aux fins d'annulation des contrats qui sont le support de ces pratiques revêt donc la nature d'une action en responsabilité quasi délictuelle, comme le rappelle le libellé de l'alinéa premier de l'article L. 442-6 l (« engage la responsabilité de son auteur…) » ; que l'action du ministre relevant de la matière délictuelle, il peut former sa demande, à son choix, devant la juridiction du domicile du défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle du lieu dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'action du ministre chargé de l'économie, exercée en application de l'article L. 442-6 III du code de commerce, qui n'a pas pour objet la réparation des conséquences dommageables, pour les victimes, des pratiques restrictives de concurrence visées par ce texte, n'est pas de nature délictuelle ni quasi délictuelle ; qu'ainsi, l'article 46 alinéa 3 du code de procédure civile, qui permet au demandeur de saisir la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi, n'est pas applicable à une telle action ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes précités ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en refusant d'admettre que l'action du ministre aurait dû, en l'espèce, être introduite devant une juridiction du ressort du siège de la société GALEC, défenderesse, dès lors qu'une telle action a une nature, sinon contractuelle, au moins autonome excluant l'application de l'article 46 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé, outre ce texte, les articles 42 et 46 alinéa 2 du même code ensemble l'article L. 442-6 III du code de commerce.