LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 9 février 2011, qui, dans la procédure suivie contre, notamment, la société coopérative Les caves des vignerons de Buxy, des chefs d'infractions à la législation sur les contributions indirectes et à la réglementation sur l'assainissement du marché du vin, a constaté la prescription de l'action fiscale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 235 et L. 236 du livre des procédures fiscales, 8, 31 à 33, 591 et 593, 710 et 711 du code de procédure pénale, ainsi que des articles L. 111-3, L. 111-4, L. 122-1 et L. 122-2 du code de l'organisation judiciaire, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré que l'action était éteinte comme tombant sous le coup de la prescription ;
"aux motifs que les poursuites sur procédure fiscale se prescrivent par trois ans, la prescription étant interrompue par tout acte d'instruction ou de poursuite ; que l'audition de M. X..., en date du 13 décembre 2006, a un caractère interruptif à l'égard de toutes les parties ; qu'il convient d'examiner la réalité d'actes interruptifs postérieurs et jusqu'au 13 décembre 2009 ; qu'il est soutenu par la partie poursuivante que la requête du ministère public du 24 novembre 2009 et le jugement rendu le 30 novembre 2009 en chambre du conseil ont interrompu la prescription ; qu'il convient, cependant, de relever que la requête en difficulté d'exécution du ministère public, en date du 24 novembre 2009, fait corps avec le jugement du 30 novembre 2009 rendu visiblement dans l'urgence, et ce, en chambre du conseil, hors la présence de l'ensemble des parties, sur le fondement des articles 710 et 711 du code de procédure pénale ; que, cependant, les dispositions des articles susmentionnées sont inopérantes à la solution du présent litige alors que le tribunal ne peut statuer sur un incident contentieux, concernant l'exécution d'une précédente décision sans que toutes les parties n'aient été convoquées et mises en demeure de faire valoir leurs observations, ce qui n'a pas été réalisé, alors qu'il n'est pas établi que cette décision ait été signifiée aux parties concernées ; que cette décision portait nécessairement grief aux parties concernée, hors de tout contradictoire, et n'est pas opposable aux parties concernées ; que la requête du ministère public du 24 novembre 2009 et le jugement du 30 novembre 2009 n'ont pas de caractère interruptif ; que, dès lors, il convient de constater l'extinction de l'action publique par prescription à compter du 13 décembre 2009, au bénéfice de l'ensemble des prévenus ;
"1) alors que, si même il ne lui appartient pas, sauf exception, d'exercer l'action fiscale confiée à la direction générale des douanes et droits indirects, en matière de contributions indirectes, le ministère public a le pouvoir, en vertu de ses attributions générales, de veiller au respect de la loi ; qu'à ce titre, sans qu'il y ait immixtion de sa part dans l'action exercée par l'administration, il entre dans les attributions du ministère public, si à raison d'une modification de la composition de la juridiction, une décision de justice ne peut avoir de suite, d'agir ou faire en sorte que la justice suive son cours ; qu'en s'abstenant de rechercher si la requête du ministère public, en date du 30 novembre 2009, à l'effet de faire désigner un autre juge, pour procéder à la mesure d'instruction précédemment décidée, de manière à veiller à ce que la décision de justice soit rendue dans un délai raisonnable et que le cours de la justice ne soit pas interrompu, n'avait pas interrompu le délai de prescription, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motifs, au regard des dispositions susvisées ;
"2) alors qu'il appartient au ministère public de veiller à ce que les décisions de justice soient exécutées ; qu'en s'abstenant de rechercher si, la décision prescrivant une mesure d'instruction ne pouvant recevoir exécution, par suite d'une modification affectant la composition de la juridiction, le ministère public n'était pas autorisé à agir pour faire en sorte que la décision précédente soit exécutée et si cette initiative n'était pas de nature à interrompre la prescription, les juges du fond ont de nouveau entaché leur décision d'une insuffisance de motif au regard des textes susvisés ;
"3) alors que l'initiative prise par le ministère public devait être considérée comme pouvant emporter interruption de prescription peu important le sort de la décision rendue sur sa requête ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 235 et L. 236 du livre des procédures fiscales, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré que l'action était éteinte comme tombant sous le coup de la prescription ;
"aux motifs que les poursuites sur procédure fiscale se prescrivent par trois ans, la prescription étant interrompue par tout acte d'instruction ou de poursuite ; que l'audition de M. X..., en date du 13 décembre 2006, a un caractère interruptif à l'égard de toutes les parties ; qu'il convient d'examiner la réalité d'actes interruptifs postérieurs et jusqu'au 13 décembre 2009 ; qu'il est soutenu par la partie poursuivante que la requête du ministère public du 24 novembre 2009 et le jugement rendu le 30 novembre 2009 en chambre du conseil ont interrompu la prescription ; qu'il convient, cependant, de relever que la requête en difficulté d'exécution du ministère public, en date du 24 novembre 2009, fait corps avec le jugement du 30 novembre 2009 rendu visiblement dans l'urgence, et ce, en chambre du conseil, hors la présence de l'ensemble des parties, sur le fondement des articles 710 et 711 du code de procédure pénale ; que, cependant, les dispositions des articles susmentionnées sont inopérantes à la solution du présent litige alors que le tribunal ne peut statuer sur un incident contentieux, concernant l'exécution d'une précédente décision sans que toutes les parties n'aient été convoquées et mises en demeure de faire valoir leurs observations, ce qui n'a pas été réalisé, alors qu'il n'est pas établi que cette décision ait été signifiée aux parties concernées ; que cette décision portait nécessairement grief aux parties concernée, hors de tout contradictoire, et n'est pas opposable aux parties concernées ; que la requête du ministère public du 24 novembre 2009 et le jugement du 30 novembre 2009 n'ont pas de caractère interruptif ; que, dès lors, il convient de constater l'extinction de l'action publique par prescription à compter du 13 décembre 2009, au bénéfice de l'ensemble des prévenus ;
"alors qu'aucune irrégularité, et aucune atteinte aux droits de la défense ne pouvait être retenue conduisant à constater l'inopposabilité du jugement du 30 novembre 2009, dès lors que la décision se bornait à rouvrir les débats pour permettre à toutes les parties de s'expliquer avant que le tribunal correctionnel ne statue sur les suites à donner à la procédure à raison de la modification de la composition de la chambre ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 8 du code de procédure pénale, ensemble les articles 710, 711 du même code, L. 235 et L. 236 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que, selon ces textes, la requête par laquelle le ministère public porte devant le tribunal un incident contentieux relatif à l'exécution d'une sentence pénale est un acte de poursuite interruptif du délai de prescription ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaqué et des pièces de procédure que, sur les procès-verbaux dressés par des agents des douanes, la société coopérative Les caves des vignerons de Buxy, ses dirigeants et des viticulteurs associés sont poursuivis, à la requête de l'administration des douanes et droits indirects, pour fausses déclarations de récolte et revendication abusive d'appellation d'origine contrôlée, au titre des campagnes 1997, 1998 et 1999 ; que, par jugement du 9 mai 2005, le tribunal correctionnel a ordonné un supplément d'information et désigné l'un de ses membres pour y procéder ; que le magistrat commis ayant quitté la juridiction, le procureur de la République, par requête du 24 novembre 2009, a saisi d'un incident contentieux relatif à l'exécution de cette décision le tribunal qui, le 30 novembre 2009, a ordonné la réouverture des débats et la signification de ce jugement avant dire droit à l'ensemble des parties, à la diligence du ministère public ;
Attendu que, par jugement contradictoire du 28 juin 2010, les juges, après avoir écarté les exceptions incidentes de nullité et de prescription, ont ordonné la poursuite du supplément d'information, désigné le nouveau magistrat chargé d'y procéder et prescrit le renvoi de l'affaire à l'audience du 30 mai 2011 ;
Attendu que, pour constater, sur l'appel des prévenus, la prescription de l'action fiscale exercée par l'administration des douanes et droits indirects, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions des articles 710 et 711 précités, auxquelles il n'est pas dérogé par le livre des procédures fiscales, confèrent au procureur de la République son intérêt et sa qualité à agir, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 9 février 2011 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE le retour du dossier au tribunal correctionnel saisi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;