LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 2277 du code civil , dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... en qualité de co-inventeur et ancien salarié du groupe Pierre Fabre, a fait assigner le 13 juillet 2006 les sociétés Pierre Fabre, Pierre Fabre dermo-cosmétique, Laboratoires dermatologiques Ducray, Laboratoires dermatologiques Avène, Laboratoires Galenic et René Furterer en paiement d'une rémunération supplémentaire pour cinq inventions brevetées de 1988 à 1996 et une enveloppe Soleau du 26 novembre 1990, constituant des inventions de mission ;
Attendu que pour déclarer prescrite cette action, l'arrêt retient que M. X... avait connaissance, depuis plus de cinq années, de l'exploitation industrielle existante des inventions dont il est co-inventeur, partant de l'intérêt économique de ces dernières pour l'entreprise et de leur exploitation prévisible et donc d'une créance certaine et déterminable sur son employeur ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que M. X... disposait des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire qui lui était due, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Pierre Fabre, Pierre Fabre dermo-cosmétique, Laboratoires dermatologiques Ducray, Laboratoires dermatologiques Avène, Laboratoires Galenic et René Furterer aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X... la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de Monsieur X... tendant à la condamnation des sociétés PIERRE FABRE, PIERRE FABRE DERMO COSMETIQUE, LABORATOIRES DERMATOLOGIQUES DUCRAY, LABORATOIRES DERMATOLOGIQUES AVENE, LABORATOIRES GALENIC et RENE FURTERER à lui payer une rémunération supplémentaire pour les cinq inventions brevetées et l'enveloppe Soleau constituant des inventions de mission ;
AUX MOTIFS QU' il n'est pas contesté que la rémunération supplémentaire d'inventions de mission est une créance salariale au sens de cet article ni qu'aucun texte ne précise les modalités de son calcul pour le secteur privé ; que l'appelant soutient toutefois que la prescription prévue par l'article susvisé ne revêt de caractère extinctif que lorsque la créance est déterminée et qu'en l'espèce, aucune discussion ou notification relative à cette rémunération n'ayant eu lieu, seule l'assignation en constituerait le point de départ ; que la manifestation d'un litige sur l'existence de la créance ou son montant ne saurait être de nature à écarter l'application de la prescription quinquennale, sauf à priver l'ancien article 2277 du Code civil, instituant une prescription libératoire, de toute portée ; qu'il importe peu dès lors que cette créance soit déterminée ou non dans son montant ; qu'en l'espèce l'appelant qui dès 1992, et pendant près de 10 ans, a occupé le poste de conseiller technique à la direction de la propriété intellectuelle de son employeur, après avoir occupé d'autres postes au département recherche, ne pouvait légitimement ignorer que les demandes des brevets en cause avaient été déposées ni que les brevets étaient délivrés compte tenu des dates respectives de dépôt et de délivrance ; qu'il sera en effet rappelé que : - le brevet FR 88 15575 a été déposé le 29 novembre 1988 et délivré le 24 septembre 1993, l'appelant précisant que ce titre a fait l'objet d'une extension aux USA enregistrée le 9 juillet 1991, - le brevet FR 89 03235 a été déposé le 13 mars 1989 et délivré le 14 juin 1991, - le brevet FR 89 04815 a été déposé le 12 avril 1989 et délivré le 28 janvier 1994, - le brevet FR 90 12811 a été déposé le 17 octobre 1990 et délivré le 16 décembre 1994, - le brevet FR 91 12044 a été déposé le 1er octobre 1991 et délivré le 9 juin 1995 et le brevet européen EP 0606386 a été déposé le 1er octobre 1992 et délivré le 1er mai 1996 ; que Gilbert X..., qui revendique l'intérêt « exceptionnel » pour son employeur des 5 brevets en cause, ne pouvait pas plus méconnaître compte tenu de ses fonctions la portée de ces brevets, ni la commercialisation effective des inventions en cause depuis de nombreuses années (ne contestant pas sérieusement une commercialisation antérieure à 1996), précisant lui-même dans ses écritures, y compris dans son exploit introductif d'instance, avant communication par son ancien employeur ou les sociétés exploitantes de toute pièce complémentaire, en particulier que : - un des produits mettant en oeuvre le brevet FR 88 15575 a obtenu en 1998 le prix santé beauté, - le seul produit mettant en application le troisième brevet est cité parmi les principaux produits de laboratoire depuis son lancement en janvier 1990, - un des cinq produits mettant en oeuvre le dernier brevet a obtenu en 1995 (avant l'obtention en 1997 du prix santé beauté) le 1er prix dans la catégorie dermo-cosmétique et le prix d'excellence de l'innovation ; qu'un salarié qui a connaissance de l'exploitation industrielle existante des inventions dont il est coïnventeur, partant de l'intérêt économique de ces dernières pour l'entreprise et de leur exploitation prévisible, et donc d'une créance certaine, déterminable, qu'il détient à ce titre sur son employeur, ne saurait valablement prétendre qu'aucune prescription n'a pu courir à son encontre préalablement à son action en paiement ; que cette connaissance permettait à Gilbert X... de faire reconnaître son droit à rémunération supplémentaire, à supposer que l'événement y ouvrant droit ne puisse se résoudre à la seule délivrance des titres de propriété visée par l'article 29 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, qui n'aurait pas vocation à s'appliquer comme restrictive de droit ; qu'en réalité il disposait, depuis plus de 5 ans au moment de son assignation, d'éléments lui permettant de pouvoir notifier, au besoin judiciairement, une demande de rémunération supplémentaire et son action à ce titre est donc prescrite (arrêt attaqué p. 3 al. 5 à 10 et p. 4 al. 1 à 4) ;
ALORS, d'une part, QUE la créance de rémunération supplémentaire due au titre d'une invention de mission ne présente pas un caractère déterminé dans son montant lorsqu'elle fait l'objet d'une contestation entre les parties et n'est pas soumise à la prescription quinquennale, qui n'atteint que les créances ayant un caractère déterminé ; qu'en énonçant au contraire que l'existence d'un litige sur l'existence de la créance dans son montant n'était pas de nature à écarter l'application de la prescription quinquennale et qu'il importait peu que la créance au titre de la rémunération supplémentaire fût déterminée ou non dans son montant, la cour d'appel a violé les articles 2277 du Code civil (dans sa rédaction, applicable en l'espèce, antérieure à la loi du 17 juin 2008) et l'article L.611-7 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, d'autre part, en tout état de cause, QUE la prescription de cinq ans prévue par l'article 2277 du Code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ne s'applique pas lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire ; que le seul fait que Monsieur X... ait eu connaissance en raison de ses fonctions de la délivrance des brevets, de leur exploitation et de l'intérêt économique de cette exploitation n'était pas de nature à conférer à la créance de rémunération supplémentaire un caractère déterminé ou déterminable qui lui aurait permis de notifier une demande de rémunération supplémentaire à son employeur, lequel n'avait opéré aucun règlement à ce titre, n'avait procédé à aucun négociation des conditions de cette rémunération ni dans le cadre d'un accord d'entreprise ni dans celui du contrat individuel de travail, n'avait pas communiqué à Monsieur X... les informations propres à le renseigner sur l'exploitation industrielle des inventions de nature à lui permettre de déterminer le montant de sa créance et n'avait mis en place, même unilatéralement, aucune règle ni méthode de calcul du montant d'une telle rémunération supplémentaire, dont le versement éventuel et le montant restaient soumis à son appréciation discrétionnaire ; qu'en décidant, au contraire, que, du seul fait qu'il avait connaissance de l'exploitation des inventions et de l'intérêt économique de cette exploitation, Monsieur X... disposait d'une créance déterminable et des éléments lui permettant de notifier, dès les premiers actes d'exploitation des titres de propriété industrielle en cause qui remontaient à plus de cinq ans avant la date de son assignation, une demande de rémunération supplémentaire, la cour d'appel a violé les articles 2277 du Code civil (dans sa rédaction, applicable en l'espèce, antérieur à la loi du 17 juin 2008) et l'article L.611-7 du Code de la Propriété Intellectuelle.